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« Sur l’éducation religieuse des enfants », in Journal littéraire, Lausanne, 16 mars [1783], p. 146v-147
<146v> Assemblée du 16e Mars. President Le Docteur
Presens Messieurs De Saussure De Morrens, Vernede, Verdeil, Ritchie, Gillies ,
Levade Secretaire. Messrs Roger, Hope invités.
La Question du jour etait
Convient il de parler de Religion aux enfans
et s’il y a des distinctions à faire quelles sont elles.
Monsr Bridel s’est présenté en lice, et sans armes
n’etant prépare à rien, il n’a pas laissé de dire de
bonnes choses quoique sans reflexion.
Monsr Vernede pense qu’on doit se conformer aux
differens caracteres, qui demandent des instructions
plus ou moins précoces, plus ou moins étendues, il
a remarqué de grands abus dans les instructions
precoces, qui n’etant fondées que sur la memoire;
se présentent à l’esprit come des fables dans l’age
où l’on admet rien que par raisonement.
Monsr Le Docteur Verdeil veut qu’on enseigne
de bone heure la religion, pour leur former ce
qu’il apelle une foi, une foi solide, inebranlable,
son idée est que rien n’est plus fixe dans l’ame que
le prejugé, que des dogmes reconus faux ont trouvé
des martyrs, et qu’ainsi quels que l’on suppose etre
ceux du Christiannisme, il ne peut y avoir qu’à
gagner en comencant par les ancrer dans l’ame
avec le croc du prejugé; il ne veut point au
reste si j’ai bien saisi son idée qu’on s’en tienne
là, il ne rejette point le raisonement, mais à toute
bonne fin il souhaitte que l’on comence par jetter
ce fondement.
Monsr Le Juge, croit les enfans susceptibles d’instruction
plus tot qu’on ne pense. Son genie lumineux lui
fait supposer qu’il existe ches les autres cette me
facilité de se mettre à la portée des enfans, cette
meme dexterité à saisir les mollia fandi tempora.
Il craint qu’en retardant trop, les passions naissan=
tes ne traversent l’instruction. Il distingue au
reste les dogmes de la morale, et c’est principalemt
celle ci qu’il a en vue en parlant d’instructions
précoces. Quant aux dogmes, il croit celui d’un Dieu
et d’une Providence à la portée des plus jeunes plantes.
J’oubliais de dire que ses reflexions sont assises sur
son expérience.
Monsr Roger. Le mot d’enfant est relatif. La foi
du charbonier est selon lui, et selon tous, nécessaire
pour le peuple. Il voudrait reduire les cathechismes
à un tres petit nombre de questions. Il voudrait en
<147> exclure tout raisonement. Il voudrait armer plus
solidement les jeunes gens 2 mots biffuredestinés à voir du monde
à voyager, de vivre avec des homes instruits, il voudrait
les mettre à meme de n’etre pas reduits par des plaisan=
teries, des sophismes, et des bavardages. Il voudrait
contre l’avis de Monsr Le Juge qu’on evitat autant que
possible de parler de D. &c aux enfans.
Monsieur Bridel est rentré en lieu. Il ne croit
pas possible de suivre les idées de Monsr Roger,
et de faire à l’enfant ce qui concerne Dieu, les
temples, la Religion &c il craindroit qu’il ne
falut les tromper pour y reussir.
Le Docteur Gillies croit qu’on doit parler de
Religion à tous les enfans. Les plus grands
Philosophes ont regardé l’idée de D. come innée.
La Religion est selon lui une science naturelle
cette idée de Dieu est ineffacable, et résiste aux
charitables éfforts des impies pour l’etouffer.
Dans l’etat actuel des choses on peut selon lui
se borner à une instruction négative, on doit
prevenir, et combattre le fanatisme, et la superstition.
Il veut qu’au lieu de cathechismes toujours
imparfaits, on mène grands et petits à la source,
qu’on les instruise dans l’Evangile le plus simple
des systemes.
Le Secretaire voyant qu’il n’a rien de mieux à
dire que ce qu’il vient de noter, presente ses honeurs
aux membres de la societé, et leur temoigne ses
regrets d’etre privé aujhi de leur bonne compagnie.