Transcription

Société littéraire de Lausanne, « Sur l'étude des langues mortes », in Journal littéraire, Lausanne, 26 janvier 1783, p. 138-139v

<138> Assemblée du 26e Janvier 1783

Président Monsr Ritchÿ. Ont assisté Messrs Gillis.
Doctr Verdeill. De Saussure le Juge, Polier De Corcelles,
De Montagni, Besson, Bridel, Sokologorsky, Secretan,
De Morrens Secrétaire du jour. Mrs De Marignan, Roget, Bonsen,
Gely invitéz.

La Question ettoit de déterminer en thèse generale s’y
l’Etude des Langues mortes est preférable à celle des langues
Vivantes, ou celles des Langues vivantes à celles des Langues mortes.

Mr Bonsen dans le Mémoire qu’il a bien voulu nous donner
pose en fait que la Question ainsi déterminée ne peut jamais
être decidée en general, le nombre des Détracteurs balanceroit
peut être ses Apologistes, elle ne peut embrasser que la Classe
des Savants, & en leur faveur il n’esitte point à se déssider
pour les Langues mortes & il s’appuie sur les Raisons suivantes.
Il met au nombre des plus grands avantages des Langues mortes
de pouvoir mediter & raisonner sur beaucoup de sujets & d’idées
offrant dans l’expression des mots consacrés, là où il n’en existe
point dans les Langues vivantes, il citte pour Exemple, les
Idées de Cercle & de Sphère qui etoient entierement negligées
chés les Romains, avant que Ciceron eut inventé les mots
Orbis & Sphéra.

Il prouve que nous sommes redevables àu la langue Latine
& Grecque de nous avoir enrichis des decouvertes & des Ouvrages
des Savans de toutte les Nations de l’Europe, ces deux Langues aiant
servi depuis près de deux mille ans d’interprête pour touttes les
scienses et les Beaux Ars avoient acquis par là même l’Expression
& l’énergie qui les distingue.

Mr Bonsen éstime que sans l’étudesecours de ses deux langues nos
progréts dans les sciences & les decouvertes utiles seroient encore
bien recullés.

<138v> Modeste à nos depents l’auteur du Memoire n’a point voulu y
discutter l’interessante & savante Question du meritte des Ecris des
Anciens & des Modernes. L’histoire de la Philosophie leur apprand
que les plus fameux Ecrivains ont choisi les premiers pour guide
& pour modèle, Les Modernes nous dit-il écrivent trop
pour qu’ils puissent bien écrire.

Les multitudesdifferentes Traductions qu’on a faites des meilleurs Ouvrages
Anciens ne scauroit dispenser de l’etude des Langues mortes,
premierement ils ne le sont pas touts, d’ailleur il existe toujour
une difference inévitable entre la Traduction & l’original
l’Auteur envisage les Langues Mortes comme un Sanctuaire
où les Savants peuvent y traitter des matieres abstraittes, même
en presance des Profannes, des petits esprits, dont on ne ménage
l’amour propre que par politesse.

Mr Bonsen finit par envisager l’utilitée des Langues
mortes par leur rapport avec les differents genres d’Erudition
la Theologie, la Jurisprudence, la Medecine.

Le Theologien doit les conoitre par devoir, son honneur même
s’y trouve interessé, La Bible éttant le princippe fondamental
de ses connoissances, il est de la derniere importanceessentiel qu’il en
conoisse les Langues originelles, & qu'ilpour fixer nôtre incertitude
sur le Choix des Commentaires qui se rapprochent le plus
de l’Original. Les Conoisseurs preferent la Traduction de
Luther dans la Langue Allemande, touttes les autres ont ettés
affoiblies par une suitte de Corrections & de reformes. Les traductions
eronnées enchainent de fausses Consequences à leur suitte
Les Théologiens sont ridiculisés & la Religion compromise.

Le Juriste ne scauroit se dispenser de puiser dans les Loix
Romaines des Principes generalement adoptes dans tous
les Paÿs.

L’auteur prevoit que l’Etude des Langues mortes deviendra moins
necessaire à mesure que les Langues vivantes s’enrichiront
<139> de leur bautée & que les auteurs se seront passé de leur dépouilles
suivant luy cet Epoque est encore dans l’Eloignement, & il se
resume à en conseiller l’Etude à ceux qui visent à l’Erudition
sans exclure celles des Langues vivantes, moins necessaires, mais
reunissant leur genre d’utilité.

Mr Sécretan en calculle l’utilité de ses deux Langues d’après la
Vocation qu’on a choisy.

Mr Solokosky penche à assigner aux Langues vivantes une utilité
plus genérale.

Mr Besson trouve qu’un François doit préférer l’Etudes des
Langues mortes, vû que la Sienne en vogue dans touts les Paÿs
luy offre  des Traductions dans touts les genres.

Mr Bridel éstime que les Savants ont une vocation particuliere
à cultiver les Langues mortes, il invite la Jeunesse à s’y apliquer
dans cet age qui luy en facilitte l’Etude, & luy en abrege les dégouts.

Mr Roget Nous a fait remarquer que les Langues mortes viennent
à l’appui des Beaux Ars, des Poêtes, des Ecrivains en general
elles se distinguent par une force, une energie qui doit
leur servir de modèle, Montagne & Roussau ont verifiés
par leur Ecris touts les Cas qu’ils scavoient en faire.

Mr De Corcelles pour établir la paix entre ses deux
Rivales, trouve plus piquant & plus sur de les cultiver l’une & l’autre.

Mr Gillis voit une impossibilitée à dessider la Question en
thèse générale, les Langues Mortes suivant luy complettent
la bonne Education en perfectionnant nôtre propre Langue.

Mr le D. Verdeil plus économe du temps de l’emploi du temps
en rejette l’Etude vû leur longueur, il croit qu’on peut peutil est aisé
d’acquerir des Conoissances dans plus d’un Genre sans leur Secours
le Phisitien même peut s’en passer.

Le Secretaire quoique rempli du Respect pour les Langues Mortes ne les voit
pas sans regrét leur étude affliger les premieres années des
Jeunes Gens, qui apprenent peniblement des Mots & point
<139v> la Langue dont ils ne sont paints à même de saisir les finesses
le Caprice des Parens les y contraint, leur choix seul devroit 3 caractères biffures
en dessider, dé la cette Etude faitte avec repugnance, s'oublie
avec facilitée, l’Experience vient icy à mon secour, & la miene
s’y place sans Amour propre, à neuf ans j’interpretois l’Eneide
de Virgile, & à 30 j’avois besoin d’une Traduction.

Etendue
intégrale
Citer comme
Société littéraire de Lausanne, « Sur l'étude des langues mortes », in Journal littéraire, Lausanne, 26 janvier 1783, p. 138-139v, cote BCUL, Fonds Constant II/35/2. Selon la transcription établie par Damiano Bardelli pour Lumières.Lausanne (Université de Lausanne), url: https://lumieres.unil.ch/fiches/trans/1366/, version du 21.02.2024.
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