,
« Sur la physiognomonie », in Journal littéraire, Lausanne, 01 novembre 1781, p. 71
<71> Assemblée du 1er Novembre 1781, chez
Mr Gillies, Président. Présents, Mrs Bridel,
Levade, Vernede, invités Mrs Cazenove
Question.
Peut-on connoitre le caractère moral d’un
Homme, d’après son extérieur?
Question sur la PhisionomieMr Vernede a observé que la
Physiognomie avoit été autrefois en
honneur. Aristote & les Anciens faisoient
beaucoup de cas de cette science, ce Philo=
sophe en avoit meme composé un traité.
Adamantius, Montuus, Cocles, Taisnerus,
Camillus Balbus, Fontanus, Jean Baptiste
Porta, Robert Filud, le Pere Nicquet, l’abbé
Porretti s’en sont occupés, comme on
le voit dans le Dictionaire de Trévoux,
au mot Physiognomonie. Elle y est
définie l’Art ou la science qui enseigne
à connoitre le temperament, le naturel,
l’esprit, & les inclinations des hommes,
par leurs extérieurs.
Mais les Modernes & Mr de Buffon,
en particulier traitent la Physiogno=
monie de science imaginaire &
ridicule. Il semble réservé à Mr
Lavater, de fixer les esprits.
Au reste, tout en rejettant cette
espece de science, on agit journellement
comme si on la possedoit, en portant
un jugement, sinon définitif, du moins
plus que provisionnel, sur le simple
extérieur des Gens que l’on voit pour la
première fois. Et en effet n’est-il pas
naturel que les traits du visage diffé=
remment affectés par la situation
habituelle de l’Ame, reçoivent des impressions
qui, à la longue, déviennent permanentes?
Ainsi on distinguera un homme
vif, un homme fort; & ainsi de suite.
Mr Levade a traduit, à livre ouvert,
un Discours du Spectateur Anglois,
n° 86 du Tome II. Addison veut
qu’on tienne d’autant plus de compte
à une belle Ame, qu’elle est logée dans
un corps laid. Rien n’est plus noble,
dit-il, que de donner, comme Socrate, un
démenti à sa mauvaise physionomie.
La Physiognomie peut occuper
agréablement, mais il ne faut pas y compter.