Transcription

Société littéraire de Lausanne, « Possibilité d’admettre des femmes dans la Société / Sur les préjugés respectables », in Journal littéraire, Lausanne, 25 mars 1772, p. 2v-3v

Séance du 25 Mars 1772.

Serait il avantageux aux societés litteraires comme la nôtre, d’y admettre des femmesLa Question proposée et traitée ci devant sur l’utilité des Societés
Littéraires
avait conduit Mr D'Eyvèrdun à penser, que ce serait un
bien pour l’humanité, si La Constitution de ces sociétés permettait
aux femmes d’y avoir entrée et comme membres, et comme as=
sistantes. Cette pensée fournit matiere à une conversation in=
téressante sur ce sujet; On convient généralement 1° Que ce n’est
pas la Nature qui ferme aux femmes l’entrée du sanctuaire d’Apollon,
et qui leur interdit l’etude des sciences profondes, éxactes, et érudites,
<3> puisque l’expérience des divers siecles nous a prouvé que les femmes pou=
vaient briller dans cette carrieres que certains hommes bourrus
ont cru n’etre ouverte que pour eux. 2° Chacun accorde en mê=
me tems que pour les Belles lettres et les Beaux arts, les femmes
dont les sens sont plus délicats que ceux des hommes, et dont par
cette raison le goût est plus fin, ont tout ce qu’il faut pour s’ap=
pliquer avec succès à l'étude de tout ce dont le beau forme le caractere,
et qu’il serait utile aux hommes de se les associer, dans des recher=
ches de ce genre; et de les prendre pour guides et pour Juges.
3 Il n’y eut personne qui n’avouât que dans tous les genres de litté=
rature, les femmes qui s’y apliqueraient, ou qui par leur présence
et leurs suffrages encourageraient les hommes à s’y apliquer,
ne répandissent une aménité, une grace sur les sujets mê=
me les plus arides, qui en rendrait l’étude moins rebutante,
et l’aspect plus agréable et plus interessant. 4° On convint en
meme tems assés généralement qu’il serait bien difficile que, dans
une société comme la nôtre, qui a bien autant pour but, de
s’occuper des vérites les plus importantes, que de celles que n’intéressent
que par leur agrément, dans une societé comme celle ci dont les
séances familieres, et les conversations sans gêne, n’ont aucu
ne
apparence imposante, aucune autorite contraignante; Dans
une societé dont les séances courtes, ne laissent que peu de tems
à consacrer à des discussions sérieuses; On a trouvé, dis-je, qu’il
serait fort difficile, de ne pas nuire à l’utilité que l’on espere de
retirer de cet établissement, si l’on introduisait parmi nous les
Dames que l’on serait charmés d’y rencontrer; D’un coté il y
aurait sans doute un choix à faire entre les femmes, et ce n’est pas
sans quelque risque que l’on donne des préférences marquées,
entre les personnes du beau sexe. D’un autre côté quels sont ceux
d’entre nous qui voyant dans notre Société des dames aimables
ne fussent plus occupés du désir de leur plaire, que de découvrir
d’utiles vérités, et du dessein de dire des choses agréables, que de
discuter gravement et avec attention des questions épineuses
et quelquefois peu galantes, quoique dignes d’occuper nos esprits.
<3v> D’après ces considérations Les suffrages se sont réunis pour Juger
que l’Introduction des femmes dans nos assemblées régulieres, ne
pouvait pas compâtir avec la nature et le but de notre Socié=
té; mais en même tems on a senti combien il nous serait
avantageux si quelques Dames, comme nous en avons dans
cette ville, voulaient bien s’interesser à nos travaux, prendre con=
naissance des questions que nous aurions traitées, nous per=
mettre quelquefois de leur en rendre compte, et nous donner
leur avis sur ce qui leur aurait été Communiqué.

Utilité de la langue latineLe même memoire de Mr D'Eyverdun a donné lieu à Mr
Bugnon de proposer à l'examen de la Societé la question de
l’utilité de la langue latine que Mr D'Eyverdun parait re=
garder comme bien moins grande qu’on ne la présume
assés généralement, et méritant moins qu’on ne le pense, le
tems et le travail que l’on consacre à son étude. Cette question
a paru digne de notre attention, et on l’a proposée comme
toutes les autres questions dont nous avons dessein de nous occu=
per successivement.

Explication sur le mot préjugéQuelques membres ont prié Mr Pasche, de vouloir bien détermi=
ner le sens qu'il attache au mot Préjugé, dans la question qu’il
a proposée, pour savoir s’il en était de respectables. Il a répondu
qu’il entendait par là, des opinions réellement fausses, ou des
erreurs, et qu’ainsi sa question était en d’autres termes celle ci, Y a-t-=
il des opinions dont un homme Sage a vu l’erreur, et qu’il ne
doive pas chercher à détruire, parce qu’elles sont généralement re
=
gardées comme des propositions vrayes?

Remarques critiques Grammaticales sur BoileauMr Pasche reflechissant sur la délicatesse de la langue française,
surtout en poésie, et sur la difficulté defaire des vers français sans
aucun défaut, nous a donné une preuve de cette difficulté, en
nous communiquant des remarques critiques grammaticales
sur les vingt premiers vers de la troisième satire de Boileau, qui
est regardé avec raison
 tandis que chacun s'accorde à regarder Boileau comme un des poëtes français le plus
exactement correct chacun a senti la justesse des remarques de
Mr Pasche.

Etendue
intégrale
Citer comme
Société littéraire de Lausanne, « Possibilité d’admettre des femmes dans la Société / Sur les préjugés respectables », in Journal littéraire, Lausanne, 25 mars 1772, p. 2v-3v, cote BCUL, Fonds Constant II/35/2. Selon la transcription établie par Damiano Bardelli pour Lumières.Lausanne (Université de Lausanne), url: https://lumieres.unil.ch/fiches/trans/1291/, version du 18.02.2024.
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