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Lettre à Frédéric de Sacconay, Sauveboeuf, 14 décembre 1744
de saulveboeufSauveboeuf ce 14e xbredécembre 1744
il est vray mon cher saconaySacconay que c'etoit a une èpitre un peu
chagrine de ta part que j'avois rèpondu aussy philosophiquement
la dernière fois, et cest parcequeparce que tu ne m'allèguois que de très med=
iocres sujets de chagrin que je te grondois presque et te taxois de
foiblesse car dailleursd'ailleurs (et tu le scais bien) tu ne trouveras nulle part
autant que chex moy, de la sensibilité pour tout ce qui te touche, jaimej'aime
dailleursd'ailleurs a philosopher cela me fait trouver chex moy des principes
de morale qui ne m'étoient pas prèsents et qui me sont nècessaires, enfin
comme je regarde comme une grande marque d'amitié les preceptes
et conseils sages et forts que l'on me donne, j'en donne de pareils a mes
amis, assès bons pour les écouter.
tu m'aprends que ta femme est sur le point d'accoucher, jespèrej'espère que tu
ne me laisseras pas ignorer cet èvènement, dieuDieu te donne mon cher amy
un enfant digne de toy. tu me loues sur mes conseils touchant
l'education des enfants, mais tu ne me dis pas si je pourray 1 mot biffure[...] espèrer
de trouver en suisseSuisse, l'homme que je te demandois. quand au raisonnement
que tu me fais sur tes impropriètès au lien conjugal, conte que tout
homme sensé sent en soy les mèmes inperfections quoyque diversement
modifièes, chacun est plus près de soy que tout autre, l'on sent ses pèchès
cachès, ses défauts ètoufès qui sont neanmoins des vertus, on les
sent dis je au moins autant que ceux qui paroissent aux yeux des
<1v> autres hommes, de méme que l'imprudence et l'erreur nous montrent
toujours les torts des autres et jamais les notres, de mème la raison nous ramène les
notres jusques mème dans les pèchès d'autruy, de la l'on se figure ètre
plus mèchant que l'on n'est, et cestc'est la ton cas en fait de mariage, cetoitc'etoit
le cas de socrateSocrate quand il disoit etre né pour ètre un scélèrat: jetoisj'etois plus
inquiet, plus chagrin, plus sujet a l'humeur, et a l'esprit d'indèpendance
que toy sans comparaison, je nayn'ay jamais eu un instant d'amour pour
ma femme, elle est pleine et petrie d'imperfections quoyque exempte
de vices, et bien jayj'ay èté et suis un fort bon mary; et puis je me dis
quelquefois comme toy, oh si javoisj'avois eu une femme moins docile, j'aurois
èté bien difficile a vivre, et point du tout je luy aurois recom passé
encore ce dèfaut comme je luy passe ses etourderies ses inattentions &c
va mon cher amy jamais honnète homme n'a rendu une honnète femme
malheureuse.
je te suis bien obligé des remarques que tu fais sur le fragment de l'art
de la guerre que je t'ay envoyé, ce qui t'a paru dur dans les premiers
vers, est une sorte d'harmonie de didactique absolument differente de celle des
morceaux de narration de mème que celle cy diffère de celle des vers
d'enthousiasme, peut ètre ce dèfaut t'eut il moins frapé deen le lisant
en son lieu, car l'ame des longs ouvrages est la varièté dans le style
surtout des ouvrages rimès; quand a ce qui t'a choqué, sur les qualitès
que jattribuej'attribue aux belges et allemands, prends garde que le juge ne soit
plus partial que l'auteur songe qu'en cet endroit je suis cosmopolite
sans cela trouverois tu qu'un françois eut assès loué sa nation par
ces 4 vers
le françois plus bouillant et moins discipliné
ne peut garder le rang qui luy fut destiné
<2r> terrible au premier choc, entreprenant, rapide
prompt a se rebuter presque autant qu'intrèpide
lis la lettre de picolominiPiccolomini a l'empereur après la bataille de thionvilleThionville
S. M. enfin dieuDieu a permis que vos armes vainquissent la nation
invincible... il est tant d'autres monuments pour qui voudroit louer
mais ce n'est point icy mon dessein, je dis seulement ce que chaque nation
a de propre a la guerre, si j'avois voulu vanter la germanieGermanie jauroisj'aurois
ete détruire l'empire romain, le belge eut paru vainqueur des espagnols
mais icy cestc'est leur caractère distinctif que je peints et je dis
l'on voit le germain lourd mais ferme un jour d'affaire
soutenir fièrement la fortune contraire
jayj'ay dit autre part en parlant de la façon d'encourager le soldat
... etudiés son foible il est d'un grand usage
le grec en pareil cas scavoit feindre un presage
le chef romain aux siens prèsentoit un laurier
le françois au combat doit marcher le premier,
et du germain tout pret d'ensanglanter les plaines
par de fortes liqueurs on rèchauffe les veines.
nestn'est ce pas la luy, cela n'empèche pas que je ne dise en plusieurs
endroits les germains indomptables &c le belge pouvoit et devoit etre
confondu avec l'allemand je luy donne ces deux vers voyès et jugès.
le belge remuant peu souple intèressé
des fatigues de marsMars ne s'est jamais lassé
cela dit beaucoup. quand a l'objection de l'importance du morceau eu
ègard a la façon lègère dont je le traite elle est plus considèrable, et cestc'est
un point sur lequel jexaminerayj'examineray et non pas seul, le pour et le contre
songe cepandant a la quantité de matières que j'embrasse et a la
difficulté dètalerd'ètaler a propos celle cy. quand a l'ambassade, le sort ordonne
plus que nos soins, de ces sortes de choses, en attendant je prends pour moy
le conseil que je te donnois l'autre jour, je meuble mon intèrieur. adieu
nos d1 mot dommage[...] te remercient et te disent mille choses de mème que tojusqu'à la fin de la ligne dommage[...]
mes respects chex toy