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« Assemblée XLII. Discussion sur les principes de pitié et de compassion traités par Mandeville (2e partie) », in Extrait des conférences de la Société de Monsieur le comte de la Lippe, Lausanne, 29 février 1744, vol. 2, p. 112-131
- Société du comte de la Lippe (Auteur)
- Seigneux de Correvon, Gabriel (1695 - 1775) (Collaborateur)
La séance débute par le résumé que présente le comte de la Lippe sur l'assemblée précédente. Lors de celle-ci il a été lu une nouvelle dissertation de Schmauss à propos du droit de la Guerre. Le jusnaturaliste allemand établit la "règle du Droit" sur le sentiment plutôt que sur la raison. De même qu'il fait de l'utile le principal but du droit naturel. Opinion que l'assemblée ne valide pas estimant qu'il en résulterait alors beaucoup d'abus. Le comte présente également une synthèse des opinions sur la lettre de Gordon à propos du parricide. L'opinion de l'assemblée à ce sujet est que le parricide est difficilement légitime.
Seigneux de Correvon présente la suite de ses réflexions au sujet des idées de Mandeville sur la pitié et la compassion. L'exposé de Seigneux de Correvon est une défense de la pitié comme sentiment inhérent à l'homme et véritable caractère de l'espèce. "Il me semble démontré (...) par la nature même des choses, qu'un sentiment commun à toutes les créatures d'un certain genre fait partie de leur être et part visiblement de l'Auteur de leurs existence." Ceux qui se laissent aller à leurs sentiments sont peut-être plus faibles que d'autres, et moins impitoyables, mais ils sont surtout "plus hommes ou plus humains". L'intervenant voit donc dans la pitié une fonction morale que la providence elle-même a établit dans l'homme afin de pousser celui-ci à pratiquer la charité et à porter secours à ses semblables. Seigneux de Correvon décrit la pitié comme un "instinct mêlé de raison".
L'assemblée a tendance à le suivre sur ce point et souligne donc que la pitié est un "instinct" et non une "vertu" à exercer. Dans le même sens les différents membres insistent sur les liens entre pitié, compassion, ou encore sensibilité et bien public. Comme l'indique Mentor à Télémaque dans le roman de Fénélon, l'assemblée suit l'idée que c'est le rôle des magistrats d'avoir à coeur les maux du peuple et d'être touchés de ceux-ci afin de les faire cesser.
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Mots-clés:
- Droit et justice
- Droit naturel
- Littérature
- Littérature anglaise
- Genre - Critique littéraire/Compte rendu d'ouvrage
- Philosophie
- Sensibilité
- Utilité publique
- Providence
- Esthétique
- Sciences
- Médecine
- Société
- Société savante/cercle/salon
- Droit et justice
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Personne:
- Caussade, Jonathan, baron de (1679-1752)
- Dapples, Jean-François (1690 - 1772)
- Lignon, Jacques Bibaud, marquis du (v. 1677 - 1746)
- Lippe, Simon Auguste, comte de la (1727 - 1782)
- Loys de Bochat, Charles Guillaume (1695 - 1754)
- Loys de Cheseaux, Jean-Philippe (1718 - 1751)
- Polier de Bottens, Georges (1675 - 1759)
- Polier de Saint-Germain, Antoine (1705 - 1797)
- Seigneux de Correvon, Gabriel (1695 - 1775)
- Seigneux, François (1699 - 1775)
- Seigneux, Jean-Samuel (1688-1766)
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Société/Académie:
- Société littéraire du comte de la Lippe - Lausanne (1742-1747)
- Helder Mendes Baiao (intégrale/fini) [afficher]
Public
Précisions concernant les "Seigneux":
Gabriel Seigneux de Correvon est dit "M. le Boursier Seigneux".
François Seigneux est appelé "M. l'Assesseur Ballival (Seigneux)".
Jean-Samuel Seigneux est nommé "M. le Bourgmestre (Seigneux)".
Public
Ouvrages et personnalités cités au cours de l'assemblée:
- Johann Jacob Schmauss (1690-1747), J. Jac. Schmaussi Dissertationes Juris naturalis quibus Principia novi Systhematis hujus Juris, ex ipsis naturae humanae instinctibus extruendi, proponuntur, Gottingae, 1740, in-8°, 108 p. (exemplaire à leur disposition, mentionné à l'Assemblée 32)
- La "Lettre" sur le tyrannicide dont il est présenté la synthèse en introduction par le prince, et dont nous ne connaissons le titre exact, doit sans doute provenir du périodique The Independent Whig (1720-1721) ou des Cato's Letters (1720-1723), journaux républicains anglais édités par Thomas Gordon et John Trenchard (1662-1723) dont les idées eurent un impact important sur l'opinion publique britannique. A noter que c'est la deuxième lecture de ce genre avec celle qui est faite à l'assemblée 38. Le texte de l'assemblée 41 traite plus spécifiquement de l'attentat fait par Brutus et d'autres conjurés sur la personne de César.
- Cicéron (106 à 43 av. J.-C.), cité ici sur le sens d'une propriété que l'on acquière sur une chose lorsqu'il faut en user pour sauver notre vie.
- Bernard de Mandeville (1670-1733) auteur célèbre de la Fable des abeilles (1714). Le texte qui est commenté ici par Seigneux de Correvon est plutôt L'Essai sur la charité et les écoles de charité (1723). Cf. Assemblée 39.
- Henri II (1519-1559). Rappelé ici pour avoir autorisé et assisté au fameux duel entre Guy Chabot (1514-1584), baron de Jarnac et François de Vivonne (1520-1547), seigneur de la Châtaignerie. Ilustration du spectacle violent opérant une influence sur les moeurs comme les combats de lutteurs anglais ou les jeux du cirque chez les Romains.
- Lucrère (env. 98 à 55 av. J.-C.), De rerum natura, il est fait référence à ce traité pour ses prises de position sur le sublime provoqué par une tempête sur une mer déchaînée.
- L'oraison funèbre que Ligarius prononça à la mort de Cicéron et qui émut profondément César, au point que celui-ci s'oublia en laissant tomber ses papiers selon la légende rapportée ici.
- Diogène Laërce (déb. du IIIe siècle ap. J.-C.), Vie, doctrine et sentences des philosophes illustres.
- Différents personnages récurrents dans les tragédies grecques, notamment chez Sophocle ou Euripide, tels qu'Oreste ou Oedipe.
- Horace (65-8 av. J.-C.), à propos des idées qu'il expose sur les émotions se transmettant par mimèsis entre personnes.
- Nicolas Boileau (1636-1711), L'art poétique (1674).
- Virgile (70-19 av. J.-C.), L'Enéide.
- Certains épisodes bibliques ou antiques comme "Le Jugement de Suzanne", "Le Sacrifice d'Iphigénie", ou "La Mort de Britannicus" donnés comme sujets de tableaux prompt à toucher le spectateur et à élever son âme.
- Thomas Hobbes (1588-1679) est cité comme l'auteur dont la notion de pitié atteste l'erreur de son système philosophique basé sur l'égoïsme et l'hostilité générale des hommes entre-eux.