Transcription

Société littéraire de Lausanne, « Sur les mœurs des Grecs », in Journal littéraire, Lausanne, 28 janvier 1781, p. 38v-39

28e Janvier<38v> Assemblée chés Mr d'Yyerdun, Sect Saussure de Morges

La question du jour n’aïant pas été traittée, Mr d'Yyerdun
lût un discours très bien écrit où un anonyme prend la
défense des Grecs un peu maltraités dans le discours de
Monsieur Gillies.

Il demande qu’on ne juge pas les Grecs sans les entendre «Vous
pourriés nous dit il vous faire une affaire d’honeur dans l’autre
monde avec Alcibiade ou quelqu’autre Heros de ce temps là».
Il ne peut pas se figurer que les gens come il faut d’Athènes
fussent pauvres, encore moins que l’on y fut mal logé et mal
vêtu. Il pense que le voluptueux le magnifique Alcibiade
etoit au moins aussi riche qu’un marchand de la Cité (de
Londres) et que s’il avoit un chien que lui coutoit 3500 Livres
tout chés lui etoit dans la même proportion.

Il nous prie de ne pas etre etonés si l’on ne distinguoit pas
toujours le seigneur de l’Esclave à Athènes: Il nous cite les
frais & les Cadogans de nos My Lord et de nos agréables.

Il nous dit que si les Juges etoient tirés de la classe du peuple
tout n’en etoit pas plus mal pour cela. Il cite toutes les
petites Républiques Démocratiques, où les Jugemens pour ne
pas partir de têtes bien savantes n’en sont pas moins respecta=
bles et respectés.

Il rend homage à la constitution d’Angleterre, il l’apelle
le plus beau des Gouvernemens, et il n’y observe des abus.

Il ne pardone point à Mr Gillies d’avoir refusé aux Grecs l’élé=
gance et le bon goût dans leurs maisons et dans leur parure.
«Coment un peuple environé de tous les Chef d’œuvres de
l’art qui avoit un gout exquis, des sensations de la plus
grande délicatesse, auroit il pû être mal vétu et mal logé?
Il cite en preuve le luxe bien conu et bien avéré des
Romains, et leur passions pour les usages les modes et la langue
des Grecs.

Il convient que l’Histoire de leurs Dieux paroit un peu
scandaleuse, mais il nous fait souvenir que ce sont des
ombres qui cachent des verités importantes, et des leçons
salutaires. «Il demande grace pour un système qui anime
qui embellit la nature qui divinise tous les Etres et fait
un temple du vaste Univers.» Il cite un morceau de Mr
Arnaud qu’il fait lire tout entier.

Il croit que le Dteur Gillies n’a pas eté moins injuste quand
<39> il a parlé des femes et de leur condition. Il soutient que les Grecs
etoient plus galans qu’on ne le fût jamais, et qu’on ne le sera à l’avenir.

Il repond que cet Iscomachus dont parle Mr Gillies etoit un
brutal come il y en a tant d’autres, et qu’à Athenes les femes avoient
sur les homes l’Empire qu’elles ont partout. est-ilIl prouve que les Grecs
etoient aux genoux de leurs maitresses, et qui plus est de leurs femes.
«Il observe que les homages, les soins que les homes ont rendu aux
femes ont toujours marché de pair avec leur civilisation, il
les regarde come un effet necessaire d’une Cause qui comence à
agire

Il demande «s’il est possible de se persuader qu’un home dont l’ima=
gination et le gout etoient exaltés par une réligion poetique
par une musique qui remuoït puissamment l’ame, par les Chef d’œuvre
les plus exquis de l’art, par le spectacle enchanteur des Aspasies et
Phrynés; que un tel home pût suporter que sa compagne fût
maussade et malpropre, que son esprit et son cœur fut desseché
par les soins du ménage ses mains durcies par les travaux domestiques
et toutes les graces ensevelies sous l’ecorce grossiere de nos plus
grosieres servantes?» Il ne peut en suporter l’idée Il soutient
que les jolies femes d’Athènes etoient plus feteës plus 1 mot recouvrementélégantes
que celles de Paris. Il nous introduit un pmoment à leur toilette
et s’il faut l’en croire, elle egaloit tout ce que l’art et la coqueterïe
ont inventé de plus recherché de nos jours.

Il attaque vivement Lysias et Isocrate où le Docteur a pris
ses authorités.

Il les accuse tous deux d’aigreur et de mysantropie. Ce dernier
etoit un autre Linguet raïé du tableau des Avocats d’Athenes
et d’aussi mauvaise humeur que lui.

Il finit en priant le Docteur Gillies de se rappeler les
discours de l’opposition et les tableaux qu’ils présentent: si
dans 2000 ans d’yci on jugeoit la Cour d’Angleterre ses ministres
et la nation d’après eux, on verroit tous ces objets bien diffèrens
de ce qu’ils sont réëllement.

Etendue
intégrale
Citer comme
Société littéraire de Lausanne, « Sur les mœurs des Grecs », in Journal littéraire, Lausanne, 28 janvier 1781, p. 38v-39, cote BCUL, Fonds Constant II/35/2. Selon la transcription établie par Damiano Bardelli pour Lumières.Lausanne (Université de Lausanne), url: http://lumieres.unil.ch/fiches/trans/1312/, version du 20.02.2024.
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