Transcription

Société littéraire de Lausanne, « Sur les préjugés respectables », in Journal littéraire, Lausanne, 12 avril 1772, p. 10v-11

Séance du 12e Avril

La Societé assemblée chez Mr De Montolieu qui l’a présidée et qui nous
lû un mémoire qu’il a fait sur les préjugés, dans le quel après avoir
défini ce mot pris dans son sens ordinaire comme étant une opinion
embrassée sans éxamen sur la foi d’autrui, il en indique les causes
qu’il reduit à celles ci, 1° La Jeunesse dont l’ignorance, la confiance aveugle,
et le desir curieux de vite savoir forment à cet égard le caractere. 2° La
paresse qui redoute les soins et le travail qui exige L'examen apro=
fondi des opinions qu’on propose, des faits qu’on allegue &c. 3° La
trop grande confiance que l’on accorde à des gens que l’on estime et
qui ont une grande réputation.

Quoique ces préjugés puissent conduire au vrai, il est certain qu’ils peuvent
jetter dans l’erreur, et qu’ils ne donnent contre elle aucun préservatif.
Il importe donc de les bannir d’entre les sources de nos idées; et pour cela
de se faire une loi de tout éxaminer.

Mais à supposer qu’un préjugé soit une erreur en est-il de respectables.
C’est demander s’il est des erreurs respectables? S’il peut être avantageux de
se tromper? Cette demande envisagée en général et sans aucun raport
à quelque circonstance particuliere de tems de lieu et de personne, ne sau=
rait obtenir d’un homme de bon sens qu’une réponse négative; L’erreur
considérée abstraitement est toujours un mal qu’il faut fuir; mais souvent
une proposition qui est vraye prise dans un sens étendu, ne l’est pas
toujours dans certains cas particulier.

L’homme fait pour la vérité ne peut pas toujours la connaitre, ou ne
peut pas détruire toutes les erreurs chez tous les humains: faits pour
être conduits par la vérité, il est des cas où elle serait sans efficace sur
leur volonté, et l’on est obligé de lui substituer l’erreur. Le Peuple en par=
ticulier resistera aux conséquences d’une vérité simple et nue, et se lais=
sera conduire au merveilleux, à ce qui frappe les sens, il faut lui dégui=
ser la vérité la lui cacher quelques fois sous de faux ornemens.
Si par exemple on reconnait que la societé est le plus utile des éta=
blissemens, et que sans des préjugés erronés on ne puisse pas main=
tenir l’ordre dans les sociétés; il faudra convenir qu’il est des erreurs
<11> respectables. Ici l’auteur offre divers exemples de prejugés utiles au
maintien des Societés;

Etendue
intégrale
Citer comme
Société littéraire de Lausanne, « Sur les préjugés respectables », in Journal littéraire, Lausanne, 12 avril 1772, p. 10v-11, cote BCUL, Fonds Constant II/35/2. Selon la transcription établie par Damiano Bardelli pour Lumières.Lausanne (Université de Lausanne), url: https://lumieres.unil.ch/fiches/trans/1294/, version du 18.02.2024.
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