Transcription

Polier de Corcelles [-Saussure, -Aubonne], Louise, Lettre à Samuel Constant, avec copie de lettre de David-Louis Constant d'Hermenches envoyée le 30 mars 1767, Lausanne, 05 avril [1767]

de Paris du 30e mars

Les Scythes sont detestablemt joués; la Durancy a des
Bras et des mains épouvantables; son jeu est manieré
a coup de Hache a la le Kain , elle n’a point de
masque, point d’inflexion; elle n’interesse ni ne
touche, les docteurs disent cepandt qu’elle est
actrice, parce qu’elle a les mouvements les deployements
du Théatre, de grandes Pauses qui n’ont fait que
refroidir. Le Kain  jouë comme un sergent, avec
un vilain Turban une capotte de fourure sur les
épaules dont les manches pendent a vuide, des Bottes
jeaunes, une belle veste, un furieux sabre
et des moustaches; Il fait peine et l’on ne s’avise
pas de chercher en lui un personage intéressant.

Ils ont retranchés plusieurs vers, ils en ont ajoutes
après qu’obeïde s’est tuée qui font bien ; ils ont
retranché la moitié de la scene ou Attamare
vient faire évanouïr les Viellards. Obeïde a
retranché ces vers, le Succès est douteux, on a
Hué Les dieux qu’on y fait d’or y sont bien mal servi,
on a Hué Il n’est que les grands cœurs qui soit
digne d’aimer
, on a Hué Il est mort en brave Home,
on a Hué ou voulés vous aller et sans armes
et sans forces
parce qu’ils n’ont point l’air foibles,
on a Hué dans le recit d’obeïde a ma porte

Brisar jouë avec un air bien naturel bien
<1v> Scythe; mais si froid qu’il n’interesse point; Sozame
un maitre a dancer bien manieré; Il n’y a aucune
comparaison avec de Crousas et notre comte de
Golowkin interesse plus que Brisar; molé
est moins amoureux et moins noble que St Cierge,
c’est cepandt le role qu’on écoute avec plaisir,
la scene Attamare est tres bien jouée et prodigieusemt
applaudie; Le Kain n’y est pr rien et tout le monde
trouve que ce qu’il dit est Bêtte; Le Scythes et
le Persan sont plus manieré, que les nôtres; mais
ne vont pas si rondement; voila L’Histoire
de la piece. Cependt le respect pr voltaire
est si grand qu’on L’ecoute d’un bout a l’autre
avec attention; qu’au chaufoir on n’en disoit
rien, on la jouë aujourdhuy pr la 3e fois et
elle ira son chemin jusqu’à la cloture.

Il est certain que si elle etoit jouée dans le
gout ou nous l’avons prise  elle iroit aux nuës
et cela est bien facheux pr voltaire; mais c’est
d’une froideur a en mourir, on n’a rien vû de
pareil, il n’y avoit pas du monde ce qu’on
appelle grande foule; J’ay lû ma tirade
a quelques amis qui l’ont aprouvée plus
que je ne l’esperois; au reste on a ris
aux crêpes; le mariage n’a fait aucun
effet, c’est Mr de Breteuil qui va a
l’Ambassade a la Haye.

<2r> fragment d’une lettre du Prince Hereditaire 
sur les Scythes

J’ay assisté a la représentation des Scythes, J’etois
dans la loge du P. de Conti  avec Mesdes de Boufflers
et de luxembourg , les 2 premiers actes furent
goutés, le 3e ne paru pas aussi interessant.
La Scene entre le Persan et son confident paru
platte, pour moy je crois que l’abominable
acteur qui fit le role de confident y ajoute
beaucoup, la sçene suivante du Persan
avec le jeune Scythe m’a paru etre goutée,
on prevoyoit dans le 5e acte le denouement
parce qu’il paru qu’obeïde n’avoit d’autre
voye a se sauver et cette attente diminua
l’effet du coup de Theatre. Pour moy je
desirerois la lire; Je suis indécis; La
cabale etoit grande, l’on a applaudi dans
des moments ou je ne m’y attendois pas
et il m’a semblé que quelques beaux endroits
ont été pâssé sous silence.

<2v> lausane ce 5e d’avril

mon cher constant je vous envoye la copie de
toutes les lettres que nous avons reçus Hier de
d’Hermanges elles nous ont très amusés et
je ne veux pas avoir du plaisir sans vous
en faire part; dittes nous aussi quelques mots
de vous; de vos enfants sont ils innoculés; quand
doivent ils pousser; parlés mon cher cousin que
nous soyons inquiets avec vous, et tranquille
lorsque vous le serés; Je palpite toujours
mais ce beau tems me donne des forces,
ayés bien soin de notre Belle veuve elle
a toujours du mal. J’en suis au desespoir,
dittes lui bien cela de ma part. adieu
notre amy, toutes ces petittes femes qui
sont foles de vous, ne vous en déplaise,
vous disent forces amitié et moy je
vous embrasse tres tendrement et fort
a la Hate. Calemberg qui est la autour
de mon Bureau vous dit aussi des compliments.

Etendue
intégrale
Citer comme
Polier de Corcelles [-Saussure, -Aubonne], Louise, Lettre à Samuel Constant, avec copie de lettre de David-Louis Constant d'Hermenches envoyée le 30 mars 1767, Lausanne, 05 avril [1767], cote BCUL, Fonds Constant II/16/5. Selon la transcription établie par Béatrice Lovis pour Lumières.Lausanne (Université de Lausanne), url: http://lumieres.unil.ch/fiches/trans/1286/, version du 10.09.2022.
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