Transcription

Girard, Grégoire, dit le Père Girard, Lettre à Jean-Baptiste d'Odet, Berne, 05 octobre 1801

Monseigneur

Je viens de remettre a Mr D'Eglise  la lettre que Vous avez bien voulu
me confier . Je ne doute pas qu'il Vous en accuse luimême la reception,
et qu'il se concerte incessament avec ses collegues sur les objets qu'elle peut
contenir.

Quant à moi je suis enchanté que votre Grandeur m'ait fourni l'occasion
de lui donner une marque de mon empressement à la servir. Surtout, je
suis très sensible à la confiance qu'elle me témoigne; car je pensais l'avoir
entièrement perdue. Ce n'est pas Monseigneur que je crûsse Vous avoir
manqué en quelque chose, ou trahi de quelque manière les intêrets de
l'église dont je suis le Ministre; mais il arrive souvent que l'on se trouve
enveloppé dans la condamnation d'autrui, et que nous sommes censé penser
vouloir et faire tout ce que font, veulent et pensent les personnes, qui nous
appartiennent sous quelque rapport. Cette injustice s'est commise de tout
tems; mais elle est plus commune dans les momens fâcheux ou nous vivons,
et il est bien difficile de ne pas en être plus ou moins la victime. Ladessus
Monseigneur j'ai pris mon parti. Je rentre en moi même, j'en appelle
au témoignage de mon propre coeur, et je me console dans le silence
et la paix.

Votre Grandeur me fait entendre qu'elle aurait eu recours à moi
si elle n'avait craint de me mettre dans le cas de déplaire à ceux qui
<1v> peuvent me rendre la vie plus ou moins agréable. Cette crainte
Monseigneur demande ma reconnaissance, quoique je ne puisse pas
l'approuver. Les agrêmens de ma vie dépendent bien peu des person=
nes qui m'entourent. A mes fonctions près, je vis dans la solitude,
je suis hermite au milieu d'une ville peu populeuse et du tumulte des affaires.
C'est un gout décidé. Je l'ai contracté depuis bien des années et quoi
probablement il me suivra jusqu'au tombeau. D'ailleurs je suis si las
des discussions politiques et de tout ce qui peut me les rappeller, que si
jamais j'avais aimé a me répandre dans les sociétés, j'aurais pris depuis long=
tems le parti de les fuire. Cependant lorsqu'il s'agit de mon Ministère,
et des objets qui sont en rapport avec lui, je sais quitter et ma retraite et
mes livres, et je ne suis pas assez lâche pour craindre quelques désagrémens.

Recevez Monseigneur l'assurance de mon respect et de mon
entier dévouement

De Votre Grandeur

Le très humble et très obeissant
serviteur G. Girard Clier

Berne le 5 oct. 1801.

PS. Mon Beaufère  me charge de Vous remercier de votre souvenir
et de Vous offrir ses respectueux hommages.

Nous avons ici Mr Le Baron de Wessenberg  Envoyé du
Prince Evêque de Constance . Il est chanoine de Constance
et, dit on, Vicaire général. Aujourdhui il a été présenté
avec l'embassadeur français au Conseil exécutif. La
<2r> présentation a été très pompeuse: je n'en ai pas été témoin. J'ignore
l'objet de la mission de Mr de Wessenberg ; mais je sais qu'il a présenté
ses lettres de créance comme Envoyé du Prince et comme envoyé
de L'Evêque. Si votre Grandeur désirait en savoir d'avantage,
je m'empresserais de m'en informer.

Note

  Public

Apostille sur le folio 1r : "5.8.1801".

Etendue
intégrale
Citer comme
Girard, Grégoire, dit le Père Girard, Lettre à Jean-Baptiste d'Odet, Berne, 05 octobre 1801, cote AEvF VI. Religieux, 1. Cordeliers Minor conventuels, n° 28. Selon la transcription établie par Damien Savoy pour Lumières.Lausanne (Université de Lausanne), url: https://lumieres.unil.ch/fiches/trans/1225/, version du 20.11.2020.
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