Transcription

Chavannes, Alexandre César, Anthropologie ou Science générale de l'homme: Ethnologie, Tome II, [Lausanne], [1750]-[1788]

ETHNOLOGIE
Seconde Section
ou
l’on considere les peuplades depuis l’eta=
blissement des Societés imparfaites et l’in=
troduction de l’Agriculture, jusques a leur
transformation en Societés regulieres et
civiles.

<2> CHAPITRE 1.
Introduction de l'Agriculture; pre=
mier pas que firent les societés impar=
faites pour s'elever a l'etat de Societé
reguliere et de civilisation.

NECESSITE D'UN ART INDUSTRIEUX
POUR AUGMENTER LES PRODUCTIONS
DE LA TERRE; AGRICUL=
TURE.

Pendant que les peuplades formées en com=
munautés vecurent errantes, la terre de=
meuroit inculte, et ne fournissoit des
productions spontanées et des paturages
qu'en petite quantité. Cependant la popu=
lation augmentoit et cette progression de=
voit necessairement amener un temps
ou la terre ne pourroit plus fournir par
elle même les productions necessaires pour
nourrir les hommes et les bestiaux. Le
genre de vie et de nouriture pouvoit
aussi a la longue devenir fastidieux
pour des hommes rechappés de la barba=
rie, et rien ne sembloit plus necessaire a
leur position que de deploier leur activi=
te industrieuse pour chercher quelque
nouvelle ressource qui augmentant
considerablement leurs subsistances, leur
permit de former un etablissement
a demeure, de se cantonner sur un sol,
pour y vivre reunis, qui put enfin satis=
faire a de nouveaux besoins, de nou=
veaux gouts, et accellerer leurs progrès
vers la civilisation et le bonheur. Pour
cela, il falloit trouver un art par lequel
ils pussent donner a un terrain une plus
grande fertilité que celle qu'il tenoit
de la nature, et y augmenter l'activité
productrice de celle ci au point de tirer
de ce même fond une plus grande quantité
de productions, et des productions même de

<2v> meilleures qualite que celles qu'ils fournis=
soit auparavant en sorte que par cette
amelioration, il devint d'un rapport suffi=
sant pour nourrir un nombre consi=
derable d'animaux et d'hommes fixés et
cantonnés sur ce sol. C'est cet art precieux,
le Pere de tous les arts, qu'on a appellé
la culture de la terre, L'Agriculture .

SON INTRODUCTION.

Il en fut de L'Agriculture comme de tous les
autres arts: souvent le hazard, souvent
aussi l'observation de la nature, en fourni=
rent les premieres idées; la reflexion et le ge=
nie purent ensuite conduire a de nouvelles
decouvertes propres a la perfectioner. Mais
on tomba dans bien des meprises, on fit
beaucoup d'essais malheureux: on igno=
ra longtemps les methodes de simplifier les
operations, en augmentant les produits;
il fallut des siecles d'experience pour s'ins=
truire de ce qui est generalement connu,
et s'assurer du succès des procedès admis
aujourdhui comme les meilleurs. Que
de temps surtout pour arriver a la decouverte des
instrumens qui facilitent les operations
et les amener a une certaine perfection?

ORIGINES DU JARDIN ET DU VERGER

Les hommes commencerent par la culture
des plantes , des legumes , des arbres . Dans
le nombre et la varieté de vegetaux que la
nature inculte leur offroit, l'experience leur
fit distinguer differentes herbes ou legu=
mes, tels que l'ail, l'oignon, le porreau,
l'artichau, l'asperge, la chicorée, les caro=
tes, les concombres, les courges, les melons
&c qui leur fournissoient 1 mot biffure une nouri=
ture agreable et salutaire. 4 mots biffure
2 mots biffure. Ils tiroient aussi deja un
grand pari pour leur alimentation de
divers sauvageons a fruit, tels que la
<3> vigne, le figuier, le citronier, le grenadier,
l'olivier, le poirier, le prunier, l'amandier,
le noier, le cocotier, le chatagnier &c.

Ces plantes et ces arbres se trouvant dïsper=
sés ça et la sur une immense surface et
confondus avec d'autres qui n'offroient pas
le même interet, ce qui rendoit leur recher=
che longue et peinible, rien, ce semble, ne de=
voit s'offrir plus naturellement encor a l'Esprit, que
l'idée de faire un choix de ces vegetaux salu=
taires pour les transplanter tous ensemble
dans quelque terrein, ou l'on put les avoir
a sa portée, soit pour les soigner, soit
pour les garder en reserve, et pouvoir prom=
tement y recourir au besoin.

L'experience eut bientôt appris que ces produc=
tions pourroient acquerir une qualité
superieure 2 mots biffure et donner
une plus grande quantité de subsistances,
si, dans le sol destiné a en recevoir la col=
lection, on pouvoit, par quelque moien,
aider a l'activité productrice de la nature
pour en hater et etendre le devellopement.

Il suffit pour cela que quelqu'un eut occa=
sion d'observer que des plantes elevées dans
un terrein moins humide, moins compacte,
plus meuble, ou fortuitement remué,
y avoient pris un accroissement plus rapide
plus etendu et produit plus de fruits
et de meilleure qualité. On prit ainsi
d'abord l'idée d'une culture grossiere.
On fit des essais en petit sur un morceau
de terrein: on le dessecha, on en arracha
les ronces, les mauvaises herbes, on fit
un deffrichement , on remua la terre
avec quelque hoiau de bois grossierement
construit: on presuma que cela donne=
roit aux sucs nouriciers de la terre un
cours plus libre et plus efficace. Sur
ce sol ainsi preparé on transplanta
de bonnes plantes, de jeunes arbres frui=
tiers, surtout de ceux dont le fruit pour=
roit etre conservé et mis en reserve.

<3v> L'experience fut couronnée de succès, ces
vegetaux prirent racine, et ils s'accrurent
et donnerent abondance de provisions.

L'idée vint bientot de 1 mot biffure sarcler 
la terre entre ces vegetaux de temps a au=
tre pour les netoier, de dresser les arbres
autant que possible et de les emonder
en les dechargeant de branches surabon=
dantes. Il etoit aisé de comprendre l'utili=
te de ces operations, mais c'est a quoi fut
borné dans les temps anciens tout ce
genre de culture. Le premier qui culti=
vateur recueillit sur un petit fond plus
de productions qu'on auroit pu en ramas=
ser et avec beaucoup de peine sur un
vaste terrein sans culture. Les autres
instruits par son experience, suivirent
son exemple. Ainsi naquit le jardin 
et le verger , et on connu quelle ressource
on pouvoit tirer de cette precieuse decou=
verte.

Cette premiere branche de l'agriculture
n'aura pu etre ignorée longtemps des
peuplades sorties de la barbarie; dès
qu'elles trouverent un sol favorable,
et sans doute qu'elles commancerent
par les plantes et les arbres que le sol
offroit deja par lui même et dont la
culture etoit plus facile a executer.

La ou il se trouva de la vigne  sauva=
ge on ne manqua pas d'en faire aussi
un objet de culture, au moins grossie=
re et imparfaite.

L'on aura pu même prendre d'assès bon=
ne heure l'idée d'une sorte d'arrangement
ou de distribution des parties dun terrein;
<4> ici on etablit une vigne, la un jardin
potager, ailleurs un verger d'arbres
fruitiers. Dans la vigne les seps furent
disposés en 1 mot biffure file; dans le jardin, les le=
gumes distribués en planches ou furent
allignés. Tout cela ne fut point ignoré des
anciens Grecs qui de la appellerent la
vigne ορχαδες, le verger ορχος, le
potager κηπυς, ses compartimens
κορμηται, πρασιαι.

On sut aussi très anciennement menager
et distribuer dans les jardins et les vergers
des eaux courantes. On ignora, c'est
vrai, longtemps, le luxe en ce genre, par=
terres, allées couvertes, bosquets, boulin=
grins, terrasses &c et tout ce qui tient a
l'ordonnance du dessin et a la magni=
ficence.

GREFFE.

Mais comment les hommes, pour obtenir
des fruits plus doux, plus beaux, et plus
saïns, ont ils pu en venir a l'operation
recherchée de la Greffe ? C'aura été vrai=
semblablement une decouverte de pur
hazard. Quelqu'un, peutetre un enfant
en se jouant, aura entaillé un arbre
et inseré dans l'entaille un rameau
vert de quelque autre arbre; il aura
observé quelque temps après que la
branche s'etoit incorporée au tronc,
qu'elle avoit repoussé des rameaux
et porté des fruits de meilleur gout
que ceux quelle auroit du donner na=
turellement si on l'eut laissée dans son
lieu. Un autre autre aura vu des
branches de deux arbres voisins, s'atta=
cher et se reunir assès intimement pour
pour que la seve de l'un put se communi=
quer <4v> a l'autre, et il aura observé que les fruits
etoient d'une qualité superieure a celle des
fruits produits ordinairement par ces arbres
chacun a part. Cela seul a pu faire naitre
l'idée d'un essai pour imiter le procedé de la
nature, et a force d'experiences reiterées et
diversifiées, de reflexions sur les phenomenes,
on sera parvenu a une methode de greffe
d'abord simple et grossiere, et qui se sera per=
fectionée dans la suite. Mais cette prattique
n'a été connue qu'assès tard; elle etoit in=
connue aux anciens Grecs, aux premiers
habitans du Latium; elle l'est encor a
plusieurs peuples Orientaux, ainsi qu'a
ceux du nouveau continent, qui ne con=
noissent encor que les sauvageons. Quoi=
que Moyse parle de la culture des arbres
fruitiers, il ne fait pas mention de la greffe
non plus que Homere et Hesiode. On
peut presumer aussi que les fruits des
anciens peuples n'etoient pas fort bons,
puisqu'on ne les faisoit pas entrer dans
l'ordonnance des repas.

CULTURE PERMANENTE DU SOL.

Les premiers essais de cette culture se firent
deja apparemment lorsque les peuplades
bergeres etoient encor exposées a changer
souvent de station. Après avoir deffriché
un sol, etabli un jardin, un verger, y
avoir fait quelque recolte, elles quittoient
tout d'un coup cet etablissement passager
pour se transplanter dans quelque autre
canton, ou elles etoient attirées par l'abon=
dance des paturages, et arrivées la, elles
s'occupoient a quelque nouveau defriche=
ment pour la culture: la chose ne pouvoit
etre autrement pendant que les bestiaux
faisoient leur principale ressource, et que
les paturages etant epuisés dans une con=
trée elles se voioient contraintes d'en aller
chercher ailleurs. On ne tardat pas a
saisir tous les inconveniens d'une pareille
<5> methode: on etoit sans cesse exposé a de
nouveaux defrichemens: a chaque fois,
il falloit parcourir de vastes terreins pour
chercher les plantes ou les arbres qu'on vou=
loit transplanter sur un sol choisi; cela
demandoit le concours de nombre de per=
sonnes, beaucoup de peine et de temps, et
le produit du sol ne repondoit pas aux
depenses et ne pouvoit suffire aux besoins.

Associée a la vie errante, cette culture
n'avoit pour objet qu'un produit momen=
tané et non l'amelioration du terrein, qui
ne peut en recevoir que d'une culture sou=
tenue et continuée.

On comprit aisement qu'en se fixant sur un sol
pour y former un etablissement de culture
permanent, on en seroit quitte pour les frais
et les travaux d'un seul defrichement , que
les semences ou graines des plantes, conser=
vées et semées dans la saison sur le même
sol, serviroient a y renouveller sans cesse
les mêmes productions; que les arbres s'y
eleveroient et s'y maintiendroient très long=
temps au moien d'une legere culture, et
que lors qu'ils viendroient a decliner de vi=
gueur, ils pourroient y etre aisement rem=
placés par leurs rejettons, sans qu'on eut
besoin de reiterer des transplants très
onereux: 3 mots biffure ce fut la la premiere
idée qui amena celle d'une culture
permanente: mais l'objet s'etendit bien=
tot beaucoup plus loin.

CULTURE DES GRAINS

A la culture des plantes et des arbres frui=
tiers a bientot succedé celle des grains , tels
que le froment , le seigle , l'orge , l'avoine ,
le ris, le maïs, qui dans l'origine ont été
des plantes productions spontanées de la terre car
quoique nous ne voions point ces grains
croitre d'eux mêmes dans nos campagnes
<5v> nous devons etre persuadés que les plantes qu'ils
produisent, sont des plantes indigenes de tel
ou tel pays, d'ou elles ont eté transplantées
dans les autres avec succès. Sans ce principe,
il faudroit supposer qu'elles se trouvent dans
tous les pays sous l'envellope de diverses especes
de gramens  dont la culture devellope et per=
fectione les qualités, jusques a en former des
plantes qui 1 mot biffure produisent nos di=
vers grains. Mais une telle opinion est demen=
tie par une experience constante qui demon=
tre qu'aucune culture ne peut changer la
nature d'aucune espece de grains; on peut
beaucoup perfectioner la qualité de certains
fruits par l'operation de la greffe, mais quant
aux grains, c'est tout au plus si la culture
peut rendre ceux ci plus gros et mieux
nourris; 2 mots biffure la 1 mot biffure plante et le
grain ne cessent jamais de se montrer
sous la même forme.

SON UTILITE

Il est singulier que les hommes aient pu
concevoir l'utilité des grains pour l'alimen=
tation, et qu'il ne leur soit pas arrivé a
tous, ce qu'on voit encor chès certains peu=
ples, dont les contrées abondent en leur offrent des grains
mais qui en ignorent l'usage. On comprend
cependant que les hommes auront pu trou=
ver d'un côté que la chair mangée habi=
tuellement, sans 1 mot biffure etre melée avec
aucun autre aliment, etoit une nouriture
trop succulente, trop echauffante, et d'une
digestion difficile; de l'autre, que les herbes,
les legumes, les fruits, etoient des alimens
trop peu substantiels pour une nutrition
solide; puis conclure, ou du moins etre
amenés par une sorte d'instinct, a la recherche
<6> de quelque substance intermediaire propre
a etre melangée avec les viandes, pour en -
absorber les parties trop grasses et onctueuses,
ou en temperer l'alkalescence  et en rendre
l'usage plus salubre. Il ne fallut que quelques
essais fortuits pour leur apprendre qu'elle leur
etoit presentée par la nature dans la substance
farinacée des grains qui pouvoient etre melée avec les autres
alimens comme nouriture subsidiaire,
et qui même prise seule et a part etoit for=
tifiante et salutaire.

La culture des grains, demande il est vrai,
demande tant de soins et de travaux, tant
de preparations et d'instrumens, qu'il n'est point
surprenant qu'un art si compliqué ait été
un des derniers expediens auquel les hommes
aient eu recours pour pourvoir a leur subsis=
tance; on est plutot etonné qu'ils n'aient pas
preferé la vie errante et bergere a une vie
sedentaire qu'il falloit acheter par un tra=
vail peinible. Mais quand on reflechit
a la grande utilité et salubrité de cette den=
rée, a l'abondance des ressources qu'elle a
offert aux hommes pour leur subsistance,
et la facilité qu'elle leur a donné pour leur
reunion en Societé, on ne doit plus etre surpris
qu'ils aient tourné principalement de ce côté la
leur attention et leur ïndustrie, et que par=
tout ou les peuplades auront pu se procurer
une telle ressource, 5 mots biffure
elles n'aient rien negligé de tout ce qui etoit
en leur pouvoir pour la mettre a profit,
et en tirer tout le parti que permettoit
leur position.

SEMAILLE. LABOURS.

L'art du jardin avoit appris aux hommes
que les graines des plantes tombant par
hazard, ou semées dans une terre 1 mot biffure
remunée, brisée, y germoient, s'y devello=
poient, montoient en herbe, et devenoient
<6v> des plantes de la même espece. Il n'en fallut pas
d'avantage pour concevoir l'idée de la repro=
duction et de la multiplication des grains par
la semaille  dans une terre debarassée de
toutes les plantes inutiles et convenablement
remunée. On fit donc des essais de defriche=
ment et de labour avec des instrumens gros=
siers, et sur le sol ainsi preparé on sema di=
verses especes de grains connus pour etre
propres a la nouriture: le succès repondant
a leur attente par une reproduction abon=
dante, les hommes furent bientot a portée
de juger quels etoient les grains les plus con=
venables au sol, dont ils pourroient se promet=
tre la meilleure recolte, et qui seroient le plus
a profit pour leur nouriture, en donnant
la preference a ceux qui pourroient se conser=
ver le plus longtemps après avoir été recueillis.

AUTRES PROCEDES DIVERS.

Après divers essais heureux de culture et
pour les plantes et pour les graïns, l'experience
et la reflexion apprirent bientot aux hommes
que des labours reiterés d'année en année sur
le même sol, deviendroient bien moins peinibles
et dispendieux, exigeroient le concours de
bien moins de bras, que des deffrichemens
sans cesse reiterés sur divers sols; qu'il y au=
roit meme un beaucoup plus grand produit a espe=
rer de la culture constante du même terrein
par l'amelioration qu'il en recevroit d'une
année a l'autre; surtout qu'en fixant sa
demeure sur ce sol pour etre mieux a por=
tee de le soigner et cultiver sans perdre
de temps, on pourroit encor le bonifier,
et en augmenter considerablement le pro=
duit par les engrais  resultant de la depouil=
le des vegetaux et des matieres stercorales 
des animaux, ressort puissant de vege=
tation dont il est impossible que l'on n'ait
pas appercu de très bonne heure l'active
influence. Car dès les temps les plus anciens
<7> on a du observer que les feuilles, le menu
branchage, les dejections animales, conver=
ties par la fermentation en terreau, les me=
langes de certaïnes terres noires, grasses
et fortes, joignès a cela les arrosemens
les egayages, pouvoient etre autant de
moiens pour amander un sol par lui même
peu fertile, ou pour ranimer la fecondité
du sol rallentie, ou pour augmenter celle
d'un sol deja naturellement fecond. Tous
ces divers procedés ont été connus et leur
utilité celevrée chès les anciens Grecs,
comme on peut s'en convaincre par
la lecture d'Homere et d'Hesiode.

ORIGINE
IMPORTANCE ET
IMPORTANCE. ORIGINE. DE
L'ART.

Les hommes ne purent donc meconnoitre
l'importance d'un art a la faveur duquel
un sol cultivé pouvoit devenir suffisant
pour la nouriture, non seulement des indivi=
dus occupés a sa culture, mais encor d'une
multitude d'autres dont l'activité pourroit
etre appliquée a d'autres genres d'occupations
très utiles a l'espece humaine, sans parler
des femmes, des enfans, des vieillards, qui
ne sauroient vaquer a des travaux peïni=
bles ou trop soutenus.

1 mot biffure Ainsi si l'on veut remonter aux
premieres origines 3 mots biffure de
l'agriculture, il ne faut pas les chercher
ailleurs que dans l'extreme utilité et im=
portance de cet art. L'agriculture est
née delle toutes les circonstances qui en ont
fait connoitre la necessité et les premiers
essais s'en sont faits par tout ou ils ont
pu se faire. Les Egyptiens attribuent
l'invention a Osiris, les Grecs a Cerès, a
Triptoleme, les Latins a Saturne, a Janus,
autant de personnages inconnus, ou de
noms ïnventés pour designer 1 mot biffure
<7v> les premiers qui s'etoient avisés de cultiver
la terre, et dont la traddition même n'au=
roit pu assigner les veritables noms: car
quoi de plus ridicule que de supposer que
ce soit ici l'invention d'un seul peuple, et
plus encor d'un quelle soit due a un seul homme?

PREMIERS ESSAIS IMPARFAITS

Les premieres idées de culture ont pu naitre
de bonne heure, mais rien de plus grossier
que les premieres operations et les premiers
instrumens. Avant l'invention de la cha=
rue, on remuait la terre avec des cornes de
boeufs, avec des batons pointus durcis
au feu, ou armés de quelque pierre tran=
chante; ou l'on emploioit, comme font
des tribus sauvages, certains crocs  ou
houes  de bois qui ressemblent au fossoir
des vignerons, ou des pelles  tranchantes
pour tourner couper, tourner et prepa=
rer le terrein: dans celui ci on faisoit
des trous avec un baton pointu pour
y semer les grains. Peu a peu on cher=
cha a substituer des procedés moins pei=
nibles, plus expeditifs, plus efficaces, pour
aider a l'activité productrice du sol: nous
en parlerons dans la suite.

CANTONNEMENT.

L'Agriculture une fois connue pour la
ressource de subsistance la plus riche et
la plus sure, elle devint un motif deter=
minant pour quitter la vie errante, pour
se cantonner  sur un sol, s'y construire
des demeures fixes, pour se rapprocher
les uns des autres, lier un commerce plus
etroit entre les familles, pour donner aux
communautés une forme plus reguliere
<8> et avancer par la considerablement les
progrès vers la civilisation. Ainsi comme
la vie Pastorale avoit donné naissance
aux Societés imparfaites, la vie agricole
produisit les premieres Societés regulieres
qui en effet n'acquirent dans les contrées
les plus propres a la culture: Telle fut
la premiere origine des Etats, cad des nom collectif
donné a une peuplade considerable ou une

nations fixées sur une certaine etendue
de Pays et soumises qui obeit aux mêmes
Loix.

Les peuplades, il est vrai, ne perdirent pas
d'abord cet ancien Esprit d'inquietude qui
les portoit a changer de sejour avec tant de
facilité: elles ne s'attacherent d'abord que
foiblement a leurs premiers etablissemens;
souvent elles ne s'y arretoient que par
force, faute de trouver mieux, pretes a les
abandonner des quelles pourroient esperer
de gagner quelque chose au change;
d'ou vient le gout anciennement repandu
pour les emigrations et pour envoier
des colonies au loin. Ce ne fut que
lorsque les pays propres a la culture se
trouverent a peu près tous occupés, lorsque
chaque communauté fut bien accoutu=
mee a son sol, et eut compris les avanta=
ges d'une culture continuée et soutenue,
ce ne fut que dès lors que les Societés com=
mancerent a devenir plus permanentes dans
leurs cantonnemens respectifs; ce qui
na eu lieu qu'après bien des siecles.

DIFFICULTES DES ETABLISSEMENS.

Les premiers etablissemens considerables
d'Agriculture offrirent de grandes diffi=
cultés, qui demandoient le concours des
travaux d'un grand nombre d'hommes,
le secours de divers instrumens, et un
appareil d'operations de l'art, qui durent
<8v> necessairement prendre naissance a
cette epoque.

Pour preparer un terrein destiné a l'en=
tretien d'un nombre considerable d'hommes
et d'animaux, il fallut faire des fossés
et des saignées pour dessecher les terres
humides et marecageuses, telles que de=
voient etre les bas fonds et faciliter l'ecou=
lement des eaux; creuser même des ca=
naux  profonds pour debarasser le cours
des eaux, abaisser le niveau des Lacs,
et en resserrer le Lit, prevenir les inonda=
tions des rivieres, elever des digues  pour
contenir les eaux courantes ou pour
soutenir les terres et en prevenir l'ebou=
lement; extirper des bruyeres  epaisses et
fortement enracinées, tailler, deraciner
des arbustes, abattre de grandes forets ,
pour en mettre le sol a profit, ou pour
en tirer des materiaux de construction,
et d'autres ouvrages necessaires, par=
tout encor, se mettre a couvert des
animaux ou carnaciers ou destructeurs
et qui semblent se plaire a enlever a
l'homme le fruit de ses sueurs, il falloit
elever des batimens reguliers pour
la demeure 1 mot biffure fixe des hommes,
pour y reduire les bestiaux, les foura=
ges les recoltes &c.

Tant d'ouvrages demandoient non seule=
ment une multitude de bras, mais encor
des instrumens pour rendre 1 mot biffure l'execution prat=
ticable, du moins plus facile et plus
expeditive, qui put accelerer le temps
des recoltes et du produit necessaire
a l'alimentation même des ouvriers;
instrumens de tout genre, pour creuser,
tailler, couper, scier, percer, enfoncer,
enchevetrer, planter, traïner, charier &c
<9> il fallut encor le secours d'un grand nom=
bre de bêtes de sommes destinées a porter
ou trainer des fardeaux, des materieux
pesans: et rien ne pouvoit encor reus=
sir sans un plan d'operations exacte=
ment calculé. Sans un concert entre les ou=
vriers, sans la direction de personnes
Intelligentes preparees pour veiller sur le tout
et procurer l'execution. Tout cela
supposoit l'exercice de divers arts,
inseparablemens liés aux premiers be=
soins de l'agriculture, sans lesquels
celle ci seroit demeurée absolument
imparfaite et insuffisante, et qu'on
peut dès la envisager comme essentiels au soula=
gemens des premiers besoins de l'espece humaine,
arts qu'on a appellés a cause de cela
de premiere necessité: c'est ce qui va
nous occuper au chap. suivant.

<9v> CHAPITRE II
Origines des arts de premiere necessité liés
avec l'agriculture, et premierement de la decou=
verte et de la fabrication des metaux.

NAISSANCE DES ARTS. DIVISION.

L'origïne primitive des arts aiant été la
suite naturelle des premiers besoins de l'hom=
me, elle a du necessairement preceder la
formation des Societés regulieres. L'organi=
sation, l'intelligence, le gout pour l'imitation,
le don même de la parole, tout a conduit
l'homme a des procedés dont l'idée fut puisée
dans la nature, mais a laquelle il chercha a
suppleer par une industrie qui pouvoit en
rendre l'application plus etendue et plus de=
terminée. L'etablissement des Societés impar=
faites contribua, sans doute, a perfectioner les
premieres inventions et les approprier aux
besoins de l'espece humaine: mais les arts
ne firent que des progrès insensibles et ils n'ar=
riverent même a un certain degré de per=
fection, et d'influence efficace sur le bien
general
, que lorsque les communautés se for=
merent en Societés regulieres, et eupurent,
par une agriculture perfectionée, se maïn=
tenir dans l'abondance qui permit aux
particuliers de develloper leur Intelligence
industrieuse a la faveur d'une communi=
cation libre et ouverte entre les nations et
les particuliers.

Ce fut dès lors seulement que, renoncant
a leur 1 mot biffure simplicité grossiere pour
se livrer a des gouts nouveaux, plus delicats
et plus raffinés, que faisoient naïtre leur
de nouvelles lumieres, accompagnées de
la curiosité, du gout des nouveautés, de l'am=
bition de se distinguer 4 mots biffure
ce fut dès lors, dis je,
qu'ils virent aussi se
 
multiplier dans la même proportion leurs
besoins 1 mot biffure de Seconde necessité, le
plus souvent purement factice, ainsi que
les divers objets de leur cupidité, leurs divers
usages, et leurs modes, et desla même 1 mot biffure qu'ils
<10> se trouverent comme entrainés et contraints
1 mot biffure a deploier toutes les ressources du genie
et de l'industrie pour inventer des moiens,
decouvrir des expediens, des instrumens,
introduire des prattiques abregées et toutes les operations
qu'on a comprises sous le nom d'art.

Les arts considerés dans leur rapport avec
les besoins de l'homme et en particulier avec l'a=
griculture se distinguent en 3 classes;

1. Les arts de premiere necessité pour l'hom=
me, et surtout pour l'agriculture, qui sont
nés avant ou avec celle ci, qui en ont prece=
dés les progrès comme la cause precede son
effet;

2. Les arts qui se sont introduits a la suite de
l'agriculture a mesure qu'elle s'est perfection=
née, et dont la naissance est due a l'abon=
dance jointe aux progrès vers la civilisation,
puisqu'ils ne se voient que chès les nations
policées; on les appelle les arts de seconde
necessité.

3. Les arts enfantés par une haute opu=
lence, qui s'est crée des plaisirs dependant
de l'opinion ou de la fantaisie, ou qui
n'ont d'autre utilité que l'etalage du
faste et du luxe, que les uns affectent
pour s'elever sur les autres.

ARTS NES PRINCIPALEMENT DE
LA METALLURGIE.

Quoique Quelque ancienne qu'ait pu etre la con=
noissance des metaux  chès les anciens hommes,
l'exemple des sauvages nous montre qu'ils
ont pu etre fort longtemps sans savoir en
faire usage, et que la metallurgie  ou
l'art de travailler les metaux et de les faire
servir a differens usages, doit sa naissan=
ce a l'agriculture comme celleci lui doit
reciproquement ses progrès; ce qu'on pour=
roit dire generalement de tous les arts d'ou
depend le bonheur de la vie humaine.

<10v> La traddition et l'histoire ne nous permettent
pas de douter qu'il y eut un temps ou les peu=
plades furent privées entierement de l'usage
des metaux, comme il existe encor des nations
auxquelles cette decouverte importante est
demeurée inconnue. Aux usages que nous
tirons des metaux, on chercha a suppleer
par des pierres, des cailloux, des os, des ar=
retes de poissons, des cornes d'animaux, des
coquilles, des epines &c. On conserve encor
dans les cabinets des curieux, des pierres
appellées pierres de foudre , qui ont la for=
me de haches, de socs, de marteaux, de
coins, de maillets; la plupart sont d'une
substance pareille a celle de nos pierres a
fusil, et d'une si grande dureté que la
lime ne sauroit y mordre: presque toutes
sont percées d'un trou rond placé a l'en=
droit le plus convenable pour recevoir
un manche: tout y annonce le travail
de l'homme, et une destination a divers
usages. Les outils  de pierre sont encor
communs chès les habitans de l'Amerique;
ils les preparent et les aiguisent en les frot=
tant sur un grez; a force de temps et de
patience, ils parviennent a leur donner la
forme convenable; ils y ajustent artiste=
ment un manche, et s'en servent avec dex=
terité. Les fouilles decouvrent sans cesse
de pareils outils en Asie et en Europe.

Des qu'on eut appris a travailler les me=
taux, les outils de bois et de pierre, dont
la constructïon etoit aussi difficile que l'usa=
ge peu commode, firent place aux outils
de metal, de cuivre et surtout de fer, tout
autrement aisés a façonner sous toutes
sortes de formes variées selon les usages,
tout autrement solides et propres a faire
quelque ouvrage avec expedition, preci=
sion et propreté.

Ainsi tous les instrumens de peche et de chasse
<11> furent armés de poïntes metalliques. On
fit servir le metal a l'armure de tous les
outils et instrumens de labourage deja
prattiqués, et a la construction des nou=
veaux qu'on put inventer. On en tira
des outils de toutes les formes pour façon=
ner les materiaux qu'ils s'agissoit d'appli=
quer aux divers besoins; les uns em=
ploiés a couper, tailler, comme la hache 
a deux tranchans, la doloire , la faulx ,
la faucille , le ciseau, le couteau; des
autres a percer, comme la tarriere ,
le foret , le poinçon  l'alesne, le clou ;
les autres a scier, comme la scie , la
lime ; les autres a saisir, serrer, pïncer,
comme le crochet, la tenaille , la pince  &c.
les autres a battre, frapper, enfoncer,
comme le marteau , l'enclume, le maillet;
les autres a dresser ou donner la direction
verticale, comme le niveau , l'aplomb
l'equerre, le compas &c.

DECOUVERTE DU MINERAI. FOUILLE.

Les hommes n'auront pas tardé a acque=
rir la connoissance des metaux en minerai que divers
evenemens 3 mots biffure 1 mot biffure mettent encor assès fre=
quemment sous leurs yeux. Tels furent sont les
bouleversemens occasionés par des chu=
tes d'eau et des inondations, qui dans plu=
sieurs pays, decouvrent des metaux aupa=
ravant cachés sous terre. Tels furent sont
ces torrens qui en se precipitant des mon=
tagnes deposent souvent sur le gravier
des vallées diverses matieres metalliques
et même de l'or. On voit 1 mot biffure 1 mot biffure aussi des rivieres
qui roulent dans leurs eaux des pailletes
d'or, d'argent, de cuivre &c. Ainsi encor
la foudre en detachant des morceaux de
rochers aura pu decouvrir les metaux
qu'ils contenoient comme cela est arrive au
<11v> Perou. Les vents en deracinant des arbres
auront pu aussi faire appercevoir des
mineraux cachés, comme cela est arri=
ve au Potosi. La superficie de la terre
enlevée par l'impetuosité des torrens,
aura pu laisser a decouvert la veine
et le minerai. Anciennement en Espa=
gne on trouvoit de riches veines seulement
en labourant. Les indices des filons se
montrent même quelquefois sur la surfa=
ce de la terre. Les observations comparées
sur l'espece et la qualité des terreins ou
l'on avoit trouvé des metaux, auront a
la fin fourni des indications suffisantes
pour reconnoitre les lieux ou se trouvoit
la mïne . On sait qu'on peut par la cou=
leur du terrein, l'inspection du sol et des
plantes, juger s'il renferme du minerai
et de quelle espece.

TRAVAIL DES METAUX. FONTE.

On comprend aisement comment les hommes
seront parvenus a connoitre les metaux
et en presumer l'utilité. Il est beaucoup
plus difficile de comprendre comment ils
seront venus a bout de les travailler, et
de les faire servir a leurs differens usages.

Avant que de les forger, il faut les purifier ou affiner,
separer les parties metalliques des parties
etrangeres avec lesquelles elles sont melées,
les reunir et en former des masses qu'on
divise ensuite, comme on les juge a propos.

Le premier moien qu'on aura emploié pour
cette operation, aura été la fusion par
le feu, dont la nature aura fourni un
modele dans ces degorgemens de matieres
metalliques qui sortent de temps en temps
de la bouche des Volcans, qui sont comme
des fourneaux naturels; d'ou est venu la
fable qui attribue l'invention de la metal=
lurgie <12> a des ouvriers voisins de ces fameuses
fonderies dont la nature seule fait les
fraix. Les anciens ecrivains ont rapporté
la decouverte de cette fusion a l'embrasement
fortuit de forets plantées sur des terres qui
renfermoient des substances metalliques;
la violence du feu aiant fait fondre le me=
tal, on le vit couler et se repandre sur la sur=
face de la terre: ainsi, diton, le fer fut de=
couvert sur le mont Ida, et des mines d'ar=
gent sur les Pyrenées. Peut etre aussi
c'aura été l'effet de quelque 1 mot biffure hazard
heureux; on aura exposé a un feu violent
des terres ou des pierres qui contenoient du
metal; on en aura vu couler une matiere
liquide, qu'on aura remarqué prendre
differentes formes et se durcir ensuite en
se refroidissant; cela aura conduit a des
experiences et des recherches qui auront
produit l'art de fondre  les metaux.

EXPLOITATION ANCIENNEMENT PLUS
AISEE

Il ne faut pas juger de l'exploitation  des anciennes mines par
l'etat et la qualité de celles qu'on exploite de
nos jours; La fonte même du minerai ne
devoit pas etre aussi difficile dans les pre=
miers temps quelle l'est aujoudhui. On
trouvoit les metaux ordinairement a la
surface de la terre, ou a une mediocre pro=
fondeur, et beaucoup moins melangés de
corps etrangers, plus aisés dès la a affiner
que le mineraï qu'on tire aujourdhui du
sein de la terre. On ramassoit beaucoup
d'or qui n'avoit pas besoin d'etre purifié;
il est meme encor des contrées ou en faisant
seulement passer de l'eau sur certaines ter=
res, on en recueille de l'or 2 mots biffure
qu'on se dispense d'affiner; toute l'operation
de l'art se reduit a bien laver la terre. L'or charié par
les fleuves est aussi tout purifié, et tel a
été l'or le plus commun ches les peuples
<12v> anciens. Il en aura été de même de l'argent
et du cuivre: on en trouve encor entrainé
par les torrens en masse, et sans melange de
corps etrangers. Rien n'aura été plus
aisé que la fusion de tels metaux. Lors
même qu'on aura commancé a exploiter
les mines, la fonte du minerai n'aura pas
été fort difficile, parcequ'il est assès ordinai=
re 1 mot biffure de trouver a la superficie des mines
le metal pur ou très peu melangé. On doit
juger des anciennes mines par l'etat de
celles qu'on a trouvées 4 mots biffure des lors
dans des pays peu frequentés; la ou
les mines n'ont pas été encor attaquées, on
trouve les metaux purs et malleables. Ainsi
tous les apprets qu'exigent aujourdhui la
fouille  et la fonte n'ont point été necessaires
aux hommes des premiers ages pour se pro=
curer l'usage des metaux: la consommation
qu'ils en faisoient n'etoit pas même assès con=
siderable pour exiger d'autres ressources
que celles que la nature leur offroit par
elle même.

DEVENUE PLUS DIFFICILE

Avec les progrés de l'agriculture et des arts
la consommatïon devint plus grande, et
pour suffire aux besoins, il fallut recourir
a l'exploitation, qui devint toujours plus
difficille, comme les metaux exploités tou=
jours plus cruds et moins purs; pour lors
il fallut etudier et approfondir l'art de
la fonte et de l'affinage 
et les operations en
devinrent plus longues
et plus compliquéés 1 mots biffure
2 mots biffure.
  On decouvrit
bientot qu'avant d'exposer le nimerai au
feu, il falloit le broier, le laver, le mêlanger
avec certaines terres, certains sels et en
certaine quantité: sans quoi il n'en pouvoit
resulter qu'une evaporation et une dissipa=
tion en fumée. A mesure que le minerai
devenoit plus difficile a beneficier, il
fallut etudier l'art d'augmenter graduel=
lement l'activité du feu; le genie s'exerca
<13> sur l'invention des fourneaux, des creusets 
des soufflets &c. On ne savoit encor purifier
l'or et l'argent qu'a force de les fondre et
refondre; pour cela on emploioit des creusets
de terre couverts et lutés  exactement.

FORGE

Les metaux une fois fondus purifiés et
reduits en masse, n'auront pu etre appliqués
aux divers usages, que par de nouveaux
procedés. Le premier connu aura été celui
de les refondre et de les couler  dans des mou=
les : 1 mot biffure plusieurs nations en sont encor redui=
tes la. Mais des hommes plus clairvoians
auront observé que les metaux, excepté
le plomb et l'etain, après une premiere fonte,
acqueroient dans le feu, un degré sensible
de soupplesse et de flexibilité, et qu'en les frap=
pant dans cet etat avec un corps pesant
et dur, ils s'etendoient sous les coups. Lidée
sera venue très naturellement de les battre
dans cet etat de chaleur 1 mot biffure et
de leur faire prendre par ce moien si sim=
ple, toutes sortes de formes. On aura 1 mot biffure emploié
1 ligne biffure
d'abord a cet usage des pierres, des cail=
loux, comme cela se prattique encor
en certains lieux; ensuite on aura pensé
a se servir des metaux même pour
battre les autres metaux au sortir du
feu: on aura jetté en moule quelque
enclume , quelque marteau: l'indus=
trie se sera exercée a rendre ces instrumens
moins imparfaits, et on sera parvenu
enfin a l'art de la forge  pour donner
aux ouvrages de metal des formes exac=
tes et commodes.

<13v> PREMIERS METAUX TRAVAILLES
L'OR. L'ARGENT. LE CUIVRE.

Les premiers metaux emploies furent sans
doute, ceux que le hazard decouvrit le plus
souvent, en plus grande masse, avec le moins
d'alliage et dont la manipulation fut la plus
aisée. C'est ce qu'on peut dire de l'or, de l'argent
et du cuivre . L'or  et l'argent  dans les com=
mancemens auront été appliqués a des usages
inconnus de nos jours; selon une ancienne
traddition on en fit des armes, et même des
outils pour la culture de la terre et autre usa=
ges, ainsi que cela s'est vu chès les Peruviens
et les Mexicains. Mais point de metal plus
anciennement connu et emploié que le cui=
vre et l'airain: on l'applique a tous les usages
auxquels nous faisons servir le fer. Les an=
ciens Grecs et Romains n'emploioient que
l'airain  pour leurs armes, leurs instrumens
et leurs vases sacrés. Chès les peuples du Nord
et surtout en Siberie on trouve encor dans
les anciens tombeaux, des armes, des an=
neaux et autres utensiles, qui demontrent
que le cuivre fut le metal de l'usage le plus
universel chès les anciens peuples de l'Euro=
pe. Les Peruviens en faisoient leurs haches
et il est encor en usage pour tous les outils
au Japon, et chès les peuplades non civïli=
sées de l'ocean oriental. Cela n'est point
surprenant: le cuivre est celui de tous les
metaux qu'on decouvre avec le plus de faci=
lité et qui se tire le plus aisement de la
mine; on le trouve même en massès assès
etendues: il se met aisement en fusion
après l'or et l'argent c'est le plus ductile de
tous les metaux. Mais c'est un metal
mol, qui s'emousse très facilement. Ainsi
pour executer en cuivre tout ce que nous
faisons en fer, il aura fallu trouver
le secret de le durcir: or c'est ce que les
<14> anciens ont su faire par le moien de la
trempe . Des experiences faites sur les mo=
numens prouvent qu'ils ont pu, par ce pro=
cedé obtenir un cuivre très dur suscepti=
ble de la meule, avec toutes les proprietés
du fer. Les Peruviens savoient durcir
leur cuivre par l'alliage .

LE FER.

Entre les metaux, le fer a été le dernier
qu'on a connu et qu'on a su travailler. Nous
en avons la preuve dans les outils de pierre 2 mots biffure
2 mots biffure repandus partout, et dans ces anciens
monumens ou l'on n'a trouvé que du cui=
vre. Les raisons en sont fort simples, 1° Le fer 
est de tous les metaux le moins facile a recon=
noitre et même a decouvrir. Les autres me=
taux se rencontrent souvent dans leur
naturel, ou a peu près sous l'aspect qu'ils
offrent après avoir été soumis aux opera=
tions de l'art: les marcassites même ont
une couleur determinée qui caracterise
l'espece du metal; mais le fer est toujours caché
sous des dehors qui n'indiquent pas même
du metal aux yeux du vulgaire. On ne
le trouve que sous la forme de roc ou de
gravier, ou sable noiratre. On le foule
aux pieds sans le soubsçonner, et il faut
etre naturaliste de profession pour le
reconnoitre: ordinairement il est enfoui
profondement dans la terre, dans les
pays même ou il est le plus abondans.

2° C'est de tous les mineraux le plus difficile
a exploiter. Dela matiere heterogene ou
<14v> il est envelloppé, il faut tirer le minerai
separé en petites balles; après quoi il faut re=
duire celui ci en fusion dans une fonderie
qui demande un attirail très compliqué et
le feu le plus ardent: il faut faire couler le
torrent de matiere enflammée dans des
moules, qui donnent ces masses de fer qu'on
appelle la gueuse . Ce n'est pas tout: sorti
du moule, il le metal devient tellement dur et cas=
sant qu'il ne sauroit souffrir le marteau
ni a chaud ni a froid: les limes, les ciseaux
les burins n'y ont aucune prise. Pour
le rendre traitable et pouvoir le travailler
il faut l'adoucir et le rendre ductile.

Pour cet effet, on a recours a une Seconde
operation d'un feu des plus ardens, pour
l'amener a un degré de chaleur qui le rende
capable de ceder au coups du martinet ,
ou marteau extremement pesant qu'un
artifice fait jouer a coups redoublés,
et on est contraint de reiterer même ce nouveau procedé
jusques a ce qu'enfin, a force d'etre chauffée
et battue, cette masse se change en fer
doux et ductile, reduit en barres, qui
peuvent etre soumises a la main du for=
geron, pour prendre les formes qu'il veut
lui donner a sa matiere en la maniant
et l'etendant sous le marteau.

Tant d'operations compliquées auront eté
suggerées par d'heureux hazards: on aura
saisi d'abord quelques indications dela na=
ture, et de proche en proche, on aura tiré
des consequences, qui a la fin auront fait
naitre le secret de manier le fer; et cette
<15> decouvrirerte n'aura pu etre que tardive. Nous
pouvons l'inferer de l'exemple des Peruviens
et des Mexicains qui savoient travailler
depuis longtemps l'or, l'argent, le cuivre,
mais n'exerceoient aucune industrie sur
le fer, quoiqu'il y en eut abondance dans
leur pays.

Combien de temps n'a til pas fallu pour
en venir a la trempe a la filiere, et forger du fil
d'archal , dont on attribue l'invention aun
citoien de Nuremberg au XV. siecle.

Le sont les peuples Septentrionaux et sur=
tout les Allemans, qui se sont distingués le
plus dans la Metallurgie. Cette Science
doit son plus grand lustre a George
Agricola de Misnie né en 1494.

<15v> CHAPITRE III
Autres inventions qui suivirent l'introdu=
ction de l'Agriculture et en haterent les
progrès: la charrue, les divers labours,

methodes pour preparer les graïns, pani=
fication.

CHARRUE

Occupés une fois de l'agriculture, les hom=
mes s'etudierent a chercher des instrumens
propres a faciliter les labours et augmenter
les produits. Aux premiers instrumens gros=
siers, ils substituerent celui qu'on a appellé
deslors dans la suite la charue. Ce ne fut d'abors qu'un
tronc d'arbre, armé a son extremité du
tronçon d'une de ses branches coupée et
façonnée en crochet aigu qui tenoit lieu
de soc pour tracer les sillons, ou une piece
de bois longue et recourbée a une de ses ex=
tremités, de maniere que celle ci etant appoin=
tie s'enfonçoit dans la terre, pendant que
l'autre partie servoit de timon pour le
trait; on y ajustoit aussi un manche
pour que le conducteur put diriger l'ins=
trument a volonté. Tel est l'espece de cha=
rue encor en usage au Chily. Dans
la suite, elle fut de deux pieces, l'une plus
longue, en guise de timon, ou l'on atteloit
les boeufs; l'autre plus courte, qui etoit
un bois recourbé dont la partie infe=
rieure durcie au feu servoit de soc,
et l'autre de manche. Celle ci etoit atta=
chee fortement au timon, et offroit
a peu près la figure S Virg. Georg
1. 4. 161. Telle fut la la premiere
charue des Egyptiens, dont on a même
conservé l'usage dans quelques cantons
de la haute Egypte. Elle est encor emploiée
dans les pays chauds, ou les terres sont
legeres, faciles a penetrer, et ne demandent
qu'un labour superficiel: car il faut
<16> on a besoin d'un instrument tout autrement solide pour les
terres compactes qu'il faut ouvrir profon=
dement, pour y faire penetrer la chaleur
du soleil, les sels et les vapeurs bienfaisan=
tes de l'air.

Chès les anciens Grecs, la charue fut com=
posée de 3 pieces principales;

1° γυη ou εκετλη, buris ou bura,
le manche , piece courbe, unique, que le
laboureur tenoit de la main droite, tan=
dis que de la gauche, il aiguillonoit les
boeufs.

2° ελυμα, dentale, le denteau, autre=
ment la sole , maitresse piece a laquelle
tenoit le manche et le timon, et qui pene=
troit le sol.

3° ισοβοη stiva, ou temo, le timon 
auquel etoient attachés les boeufs.

Hesiode ne parle point de la pointe de fer,
en Latin vomis, vomer, que nous ap=
pellons soc , dont on garnit le bout du
dental; de son temps tout etoit encor
en bois.

Il parle encor moins du coutre  fiché au
timon pour couper en ligne droite la glebe
que le soc doit soulever, et de l'oreille qui
sert a renverser la glebe soulevée et
la tourner: toutes ces pieces qui concou=
rent aujourdhui au labour ont eté
ajoutées depuis qu'on a connu la
metallurgie et la forge.

<16v> ANIMAUX DE TRAIT.

Ce ne fut peut etre que depuis l'usage de la
charue que l'homme parvint a domter et
soumettre entierement par le moien du
joug, le boeuf d'un naturel sauvage, et
le fier cheval, qui furent emploiés a la
trainer. On y emploia aussi les anes, et
les Grecs donnoient la preference aux mulets
quand il ne falloit ouvrir la terre que lege=
rement, ou qu'il ne s'agissoient que de don=
ner a un champ une Seconde façon.
1 mot biffure

TRAINEAU ROULEAUX. ROUE
CHAR. CHARUE.

Dès les temps les plus anciens, les hommes
eurent a transporter des farde2 lettres biffureaux trop pe=
sans pour en faire la charge des betes de somme;

Le premier expediens pour ce transport fut
le traineau  simple, mais hors des temps
de neige ou de glace, le frottement de cette voi=
ture est excessif, et son usage presque im=
pratticable. On pensa ensuite a poser le
traineau sur des rouleaux , et on comprit
que pour epargner le temps et la peine, ces
rouleaux devoient etre assujetis au corps
du traineau, de maniere qu'ils pussent
rouler sans interuption. Peu a peu ces
rouleaux massifs et lourds se converti=
rent, sans rien perdre de leur solidité,
en roues  plus legeres, dont la construction
fut successivement perfectionée. Les roues
furent d'abord massives et pleines, comme on les
fait encor au Japon: peu a peu on en
vint a les faire et evidées, composées de
3 mots biffure rayons plantés
dans un 1 mot biffure essieu , et fichés, de
l'autre 1 mot biffure extremité, dans les
jantes qui forment la circonference.

<17> Pour lors le traineau fut elevé de terre,
et on lui ajusta un train de roues, d'ou
nacquirent le char, le chariot , la cha=
rette. Les premiers chariots furent a
deux roues, des brouettes , ensuite on
y ajusta 4 roues, d'ou sont venues
nos voitures. Un des plus anciens usa=
ges du chariot fut son application a
l'instrument du labour, d'ou 1 mot biffure fut appellé
charue , qui a été d'un si grand secours
pour l'homme, et a tant contribué a la
perfectïon de l'Agriculture; ce qui a fait
naitre l'idée de placer Ceres sur un char.

LABOUR.

Les anciens Grecs connurent trois la=
bours qui furent aussi distingués par
les Romains. Le premier fut appellé
par les Grecs proscindere, de pro devant
et scindare couper, de σκιδω, du
1 ligne biffure
prim. rad. SC.
nous l'appellons rompre , verser, par=
ce qu'on ne fait que couper ou rompre la glebe  et
la renverser.

Le Second troisieme n'est pas nommé par Hesiode,
parcequ'il etoit inseparable de la Semaille.
Les Romains l'appellerent tertiare;
d'ou nous est venu le mot tercer, que
nous emploions pour exprimer le labour
qui est le Second en ordre, parce qu'on
l'envisage comme moins essentiel que
les deux autres, 1 mot biffure que les paresseux le negli=
gent, et qu'on peut lui donner la troisie=
me <17v> place pour le degré d'importance.

HERSE

Du temps d'Hesiode on ne connoissoit
pas encor chès les Grecs l'instrument appellé
occa , tibula, la herse , qui fut inventée
pour recouvrir le grain semé, afin de
le preserver de la rapacité des oiseaux, et
qu'il ne perdit rien par le dessechement
de la substance qui lui est necessaire pour
germer, croitre et murir. On abattoit les sil=
lons au moien
d'une herse tirée
a cote de la charue
par les boeufs meme
qui trainoient celle
ci, et cela sappelloit
delirare: Pline
L. XVIII 20. Varro
de re rust. 1. 29.
  Avant cette
invention, on recouvroit la semence
avec une espece de rateau  comme cela
se prattique encor en certains endroits
et par tout dans les jardins.

MOISSON. COUPE.

La Moisson  ou la recolte des grains, se
sera faite dans les commancemens d'une
maniere grossiere et peu profitable, faute
d'instrumens commodes pour couper les
epis . On se borna dabord a arracher ceuxci l'un
après l'autre comme on fait encor en cer=
tains lieux. La longueur et les depenses
de ce travail aura fait conduit a l'idée
de quelque instrumens tranchant pour
en couper une poignée a la fois: on
aura emploié des pierres aiguisées, des
os tranchans, enfin depuis l'usage
des metaux, on sera parvenu a la
faucille  dont l'invention est fort an=
cienne chès les Grecs et les autres peuples.

<18> SEPARATION DU GRAIN.
BATTAGE

Pour tirer parti du grain il falloit le
separer de l'epi. On commanca par arra=
cher les epis encor verds et les passer sur un
feu clair et ardent pour pouvoir ensuite
en detacher plus aisement les grains
ainsi legerement torrefiés, qu'on man=
geoit ensuite a poignées sans autre
preparation. Mais l'usage des grains se
trouvant ainsi borné au court espace
de temps que duroit la recolte, on comprit
bientot que celle ci ne devoit pas etre faite
avant la maturité, et qu'il etoit beaucoup
plus expedient de recueillir et de conserver
le grain mur et sec pour s'en assurer une
provision pendant toute l'année jus=
ques au retour de la recolte suivante.

Après avoir coupé les epis, on prit le
parti de les lier en faisseaux ou gerbes .
Ces gerbes ne se deposoient pas 1 mot biffure
dans un magazin ou grange , comme
on fait aujourdhui pour leur donner le
temps de se bien secher; mais on les etendoit
1 mot biffure sur une place ou aire  bien
nette, dont la terre avoit été auparavant
bien battue, puis on les faisoit fouler
par des animaux lourds et pesans, tels
queles Boeufs, qu'on faisoit passer et re=
passer plusieurs fois par dessus, jusques
a ce que les grains fussent exactement
separés. On se servit aussi de grosses pie=
ces de bois herissées de chevilles ou cailloux
pointus qu'on trainoit sur les gerbes,
comme cela se prattique encor chès les
Turcs. On emploia aussi des traineaux,
des chariots pesamment chargés; usage
prattiqué encor en quelques endroits de
l'Europe; peut etre aussi l'expedient des
Chinois qui se servent d'un rouleau de
<18v> marbre brut. A ces expediens qui subsis=
tent dans les pays chauds, les Europeens
ont substitué presque par tout celui des
fleaux  qui ne paroit pas bien ancien.

Les grains une fois separés se mettoient
dans des vases de terre ou dans des pa=
niers ou cabats destinés a cet usage

VAN. CRIBLE.

Quant a la maniere de nettoïer le grain en
le separant de la bâle  ou paille  avec
laquelle il se trouve melé, cette prattique
fut longtemps tres imparfaïte. On le
secouoit, on l'agitoit, on jettoit plusieurs
fois en l'air le grain avec la paille: le
vent emportoit celle ci pendant que le
grain retomboit sur l'aire par sa pesan=
teur: on se servoit pour cela de pelles
de diverses formes: enfin on rendit
l'operation bien plus aisée par l'heureuse
idée du van , methode connue de
tous les peuples civilisés, et toujours
encor preferée a l'instrument connu
aujourdhui sous le nom de Ventilateur .

On ne tarda pas a trouver l'instrument
du crible  si commode pour separer
le bon grain de ce qui peut s'y meler
d'etranger.

<19> NOURITURE TIREE DU GRAIN.

Les premiers cultivateurs auront d'abord
mangé les grains en nature, sans aucun
preparatif que celui que nous avons dit
plus haut, comme cela se prattiquoit encor
du temps d'Herodote chès divers peuples,
et se prattique toujours chès les Sauvages, et même
dans nos contrées, par les enfans, qui se
plaisent encor a manger du grain encor
vert, après l'avoir fait griller a moitié
sur le foyer. Les habitans du Canada
coeuillent de même du bled  d'Inde avant
sa maturité, pendant qu'il est 2 mots biffure
lait
, et après l'avoir exprimé de sa bâle,
ils le paitrissent dans son lait, pour
en former une pâte, qu'ils font cuire
sous la cendre chaude, ce qui leur don=
ne des galettes  bonnes a manger.

Des qu'on aura su conserver le grain mur
et sec, on aura cherché quelque appret
pour le manger. L'usage ou l'on etoit de
faire bouillir les plantes, les legumes, les ra=
cines, aura fait naitre l'idée de bouillir
aussi les grains, a peu près comme on ac=
comode le ris  dans l'orient, pour le man=
ger en lieu de pain ou aliment subsidiaire.

Les Sauvages d'Amerique font cuire
le bled d'Inde avec des feves tendres, et
bouillissent le tout avec de la chair d'ours
dont la graisse l'addoucit beaucoup, et
le rend agreable au gout. Cela Les
Grecs, les Romains et autres peuples, qui
ont suivi le même usage, ont compris
que la coction faisant enfler les grains,
et les attendrissant, en rend la mastica=
tion et la digestion plus aisées et plus salu=
taires.

Un autre usage non moins repandu
a été de torrefier  les grains. Cette prattique
a pu commancer par l'orge qui a eté
<19v> vraisemblablement de toutes les plantes
frumentacées la premiere dont les hommes
se soient avisés de faire leur nourriture.

L'orge est envellopée d'une bâle ou pelli=
cule, dont, avant l'usage de la meule, il
n'a pu etre debarassé que par la torrefaction
qui lui donne en même temps une Saveur a=
greable; de la vient que les Ethiopiens, dans
leurs voiages, ne prennent ordinairement
avec eux d'autres provisions que de l'orge qu'ils
ont fait passer au feu et a demi roti. Cette
prattique aura été ensuite appliquée aux
autres grains, et on en aura conserve l'usa=
ge depuis même qu'on s'est avisé de les broier
parceque l'action du feu fait que le grain se
depouille plus aisement de son ecorce et
devient plus facile a ecraser. On aura
aussi emploié la double methode en fai=
sant bouillir les grains avant que de les
griller comme font encor les calmouks
a l'egard de l'orge. Ils le font tremper quel=
que temps dans l'eau, et le pressent ensuite
pour le depouiller de son ecorce; après quoi
ils le mettent sur le feu dans des chaudieres,
ou ils le laissent sans eau, jusques a ce qu'il
soit bien roti; puis ils le mangent a poi=
gnée en guise de pain.

GRAIN REDUIT EN FARINE GROSSIERE

On comprit enfin que le grain sous une
envelloppe  grossiere et peu propre a la nou=
riture, renfermoit une sustance alimen=
taire exquise qui demandoit a etre separée
de la premiere, et 2 mots biffure. Dans
les recherches qu'on aura faites de quelque
expedient pour operer cette separation, l'idée
sera venue sans doute d'abord de broier 
les grains avec des pilons  dans des mortiers 
de bois ou de pierre, comme cela se prattique
<20> encor chès quelques peuples. Ailleurs on
trouva plus commode d'ecraser le grain avec
des rouleaux sur des pierres taillées en
tables; ce qui put conduire ensuite a l'idée
de la meule. Un tel expedient ne pouvoit
donner qu'une farine très grossiere et
melée avec tout le son: il eut été fort asses dif=
ficille d'en faire du pain, et sans doute
qu'on etoit reduit a la manger en bouil=
lie ou delaiée dans l'eau, comme font en=
cor quelques peuples grossiers.

PUIS TAMISEE.

Peu a peu on parvint a quelque expedient
pour separer, autant que possible, la farine
du son, 3 mots biffure en faisant passer le
grain pilé ou broié au travers d'un tamis 
ou sas  fabriqué avec des petites branches
d'ozier liées ensemble, peutetre en forme de
panier, comme font encor les Sauvages, ou
avec des petits brins ou filamens de jonc
ou de roseau entrelacés, comme cela se pratti=
quoit chès les Egyptiens et les Grecs, ou avec
de la filasse et du crin de cheval, suivant l'usa=
ge des anciens Gaulois. Cette farine tami=
sée aura eté d'abord mangée sans autre
appret que d'etre delaiée dans l'eau, ainsi que
cela se prattique chès les Russes et les mon=
tagnards d'Ecosse. Mais on n'aura pas tardé
a la faire cuire dans des vases de terre
pour en faire une bouillie semblable au
farro des Italiens, selon l'usage des anciens
peuples Grecs, Persans, Carthaginois, Ro=
mains, qui faisoient de cette bouillie leur
nouriture ordinaire: ceux ci quand ils
avoient des viandes les faisoient cuire
dedans, et ce mets chès les Romains etoit ap=
pellé pulmentum, d'ou les Italiens ont tiré
polenta . Les anciens habitans des Canaries
<20v> mangeoient ainsi leur farine cuite avec de la
viande. Les Sauvages 1 mot biffure savent aussi de leur
bled d'Inde torrefié dans les cendres chaudes,
et broié dans des mortiers de bois, tirer une fa=
rine grossiere qu'ils cuisent dans des vaisseaux
de terre 2 mots biffure avec toutes sortes de vian=
des pour en faire un potage connu sous
le nom de Sagamile.

PANIFICATION. FOUR.

Jusques ici les peuples avoient été reduits
a manger leur grain en farine. L'idée en=
fin leur vint de donner a celleci par la pre=
paration une consistence plus solide qui per=
mit de la garder quelque temps cuite pour
pouvoir la manger froide et associée a
d'autres alimens. Ce fut la premiere origine
du pain . Il n'est pas facile de deviner par
quelle gradation on sera parvenu a con=
vertir la farine en pain: C'aura été le resul=
tat de tentatives et de progrès lents, comme
cela est arrivé dans toutes les affaires hu=
maines; de la vient quela pa=
nification est très peu
connue des peuples
non civilisés.
  On s'avisa d'abord de delaier de
la farine  tamisée dans l'eau, et on s'apperçut que
quand on n'emploioit qu'une certaïne quan=
tité d'eau, si l'on remuoit et manioit ce melange for=
tement et a plusieurs reprises, il prenoit de
la consistence et se formoit en pâte . On
comprit bientot sans peïne que cette pâte pouvoit
etre cuite et qu'il en resulteroit un aliment
solide et 1 mot biffure salutaire. On parvint dès lors a faire
une espece de pain. Cette preparation se
faisoit sans aucun art, et a mesure
qu'on vouloit manger du pain, comme
on avoit accoutumé a l'egard des autres
mets. Ainsi faisoient les anciens peuples
orientaux; ainsi font encor certains peu=
ples qui ne sont que peu civilisés. On
aura couché des morceaux de pâte tou=
rnee, ou envelloppée dans des feuilles, sur
<21> l'atre  du feu, on les aura couvert d'abord
de cendres  chaudes, et ensuite de charbons
allumés, comme cela se prattique en certains
lieux, et se voit quelque fois dans nos campa=
gnes. On aura emploié des grils, des poëles 
percées comme celles ou l'on fait rotir les
marons; on aura pu se servir de pierres
creusées exprès qu'on faisoit premierement
chauffer a un feu ardent, comme cela se
prattique chès les Arabes; et dans quelques
districts de la Norwege, ou en suivant la maniere
des Sauvages qui cuisent leurs galettes entre
entre deux pierres brulantes, ou sur une
pierre qu'ils recouvrent de cailloux bien ardens.
1 mot biffure

On aura emploié des moules
de terre cuite, comme font certains Tartares,
pour cuire une pâte molasse de farine
de millet, qu'ils mangent presque bru=
lante, ou comme la plupart des peuples
d'Afrique, qui cuisent leur pâte par mor=
ceaux au bain-marie dans de la pote=
rie faite exprès. Cela aura pu amener
l'idée de ces tourtieres  de terre cuite por=
tatives, dont on se sert encor en certains
endroits, pour cuire le pain a peu près com=
me nous cuisons nos pâtés. Dela on
aura passé a l'idée des fours  a la Turque,
qui sont des especes de cuviers d'argile ren=
versés qu'on echauffe en faisant du feu
par dedans: apres quoi on met dessus
des galettes qu'on ote a mesure qu'elles sont
cuites, pour y en substituer d'autres.

Quant aux fours de pierre en Ceintre, ou
la flamme exerce uniformement son ac=
tivité pour operer une chaleur bien egale
et concentrée, ils sont d'une invention
posterieure a l'art du ceintrage et des
voutes, et des la même 1 mot biffure pas 1 mot biffure fort
ancienne.

<21v> LEVAIN.

L'idée et le secret de faire lever la pâte
ont été le fruit de quelque heureux ha=
zard, peutetre de l'oeconomie de quelque par=
ticulïer qui voulant faire servir un reste
de vieille pâte aigrie, l'aura melée avec
de la nouvelle sans prevoir l'utilité de ce
mêlange; il aura sans doute été surpris
lorsqu'il aura observé que ce melange avoit
fait enfler considerablement la masse, et
que le pain fait de cette pâte en etoit
devenu plus leger, plus savoureux, et
d'une digestion plus facile. Un seul
essai de ce genre rendu public aura
suffi pour introduire et accrediter l'usa=
ge du levain .

MEULE. MOULIN.

La prattique de broier les grains par le
pilon etoit bien longue et bïen fatiguan=
te: on n'en pouvoit tirer quune farine gros=
siere et en trop petite quantité pour en faire
une nouriture solide ordinaire. Cela
seul put rebuter nombre de peuples de l'usa=
ge du pain, mais ceux qui en connurent bien
toute l'utilité, chercherent de nouveaux ex=
pediens pour obtenir une farine plus
fine avec moins de peine et de temps et
en plus grande abondance.

Lusage decraser les grains avec des rouleaux
sur une pierre plate, fit naitre naturelle=
ment l'idée d'emploier, comme le font même
quelques tribus sauvages, deux pierres
<22> plattes, l'une fine et l'autre mouvante, qu'on
faisoit tourner a force de bras, a peu prés
comme nos Peintres broient leurs couleurs,
ou comme on reduit le tabac grossier en
poudre. L'idée de deux meules dont la su=
perieure tournoit sur l'inferieure fut exe=
cutée d'abord d'une maniere très imparfaite
car dans les commancemens la meule
superieure fut de bois garni de metal,
ce ne fut que dans la suite qu'on les fit toutes
deux de pierre. Elles n'etoient d'abord que
d'un pied et demi de diametre; on les fit
ensuite plus larges, et comme l'agitation
de cette meule  devint peinible et fatiguan=
te, on emploioit a cette operation des escla=
ves ou des prisonniers de guerre; On aug=
menta ensuite l'epaisseur et le diametre
des meules, et pour aider a la force du bras
et augmenter la rapidité du mouvement,
on y ajouta un artifice mechanique
d'ou naquit le moulin  a bras, qui est en=
cor en usage dans les armées et les places
fortes. A la force des bras on substitua
celles des animaux, des anes, des cheveaux
d'ou l'on distingua, mola asinaria,
mola jumentaria. Enfin on en vint a
appliquer aux moulins la force du vent
et des eaux courantes. Mais ce mecha=
nisme demeura fort longtemps impar=
fait: c'est ce qu'on peut inferer de l'usage
ou l'on etoit, de tremper les graïns dans
l'eau puis les laisser secher un mois entier
avant de les porter au moulin, pour en
faciliter la moulure, qui n'auroit pu que
difficillement s'effectuer sans cela. Les mou=
lins a eau ne furent connus a Rome que
du temps de Jules Cesar: on les fit d'abord
mouvoir par les eaux qui s'ecouloient des
fontaines. Le premier qu'on vit sur le
Tibre fut construit par Belisaire; 1 mot biffure bientot
1 mot biffure on en etablit sur des ruisseaux, ils devin=
rent deja très commun au IVe siecle. Les
<22v> Europeens prirent l'usage des Romains.

Les moulins a vent ne leur ont été
connus que depuis le temps des croises
qui en apporterent l'idée de l'Orient ou ils
sont très communs, parceque les rivieres
y sont rares, et les vents assès reguliers.

On commenca a moudre  les grains sans les
emonder, apres quoi pour separer la farine
du son, on emploioit le sas fait avec des soies
de porc. Ensuite on ajouta aux moulins des
bluteaux  pour tamiser la farine a mesu=
re que les meules agissent sur le grain. Le
mechanisme une fois perfectioné, on cessa
de moudre dans le domestique, et on mul=
tiplia les grands moulins Publics.

Il a fallu bïen du temps pour amener
l'art a la prefection ou il est aujourdhui,
telle que toutes les operations pour avoir
de la farine, s'executent a la fois avec une
celerité et une precision admirable, sans
quil en coute beaucoup de peine a
ceux qui dirigent le mechanisme.

<23> CHAPITRE IV
Autres inventions qui suivirent de près
l'introduction de l'Agriculture, pour ajou=
ter aux objets de premier besoin des res=
sources de commodité, premierement
pour la nouriture.

LIQUEURS

De tout temps les peuples même non civi=
lisés chercherent a se procurer quelque
boisson  moins insipide que l'eau, plus pro=
pre a donner au corps humain cette cha=
leur vivifiante dont il a besoin pour se
soutenir, pour reparer ses forces lorsqu'elles
sont epuisées, et qui en exhaltant les Es=
prits, peut dissiper les idées, rejouir le coeur et com=
muniquer a l'ame un feu qui l'eleve en
quelque sorte au dessus d'elle même.

Dans les pays disgraciés de la nature com=
me la Lapponie Danoise, les hommes boi=
vent pour se fortifier l'huïle de baleïne.
D'autres peuples boivent le sang des ani=
maux tout chaud, comme font ceux qui
chassent sur les Alpes au chamois et au
bouquetin, et les Sauvages du detroit de
Davis, pour qui cette boisson est même très
agreable. Chès la plupart on a cher=
ché
eu recours a la fermentation  pour
exprimer des substances même alimen=
taires quelque liqueur  artificielle, ou
breuvage  Spiritueux.

HYDROMEL. OXYMEL.

En rendant raison pourquoi le miel 
etoit anciennement en usage dans les sa=
crifices, Plutarque observe qu'avant qu'on
connut le vin, les hommes n'avoient point
d'autre breuvage que du miel detrempé
et delaié dans de l'eau, breuvage ce que
nous appellons Hydromel ; il ajoute
<23v> que plusieurs nations barbares en corri=
geoient la saveur en y faisant tremper
quelques racines aigrelettes et vineuses,
ce qui donnoit ce que nous appellons l'oxy=
mel . L'usage de l'hydromel a été en effet
des plus anciens et des plus generalement re=
pandus, comme il l'est encor, chès les Litua=
niens, les Polonois, les Moscovites, mais ceux
ci ont l'industrie de le bouillir et le faire
fermenter; ce qui donne une liqueur
qui a beaucoup de force, et assès d'agrement.
On s'avisa même d'assès bonne heure de tirer
une liqueur fermentée du lait, comme
font les Tartares qui du lait de jument qu'ils
font aigrir 1 mot biffure tirent une liqueur presque aussi
forte que l'eau de vie.

BIERRE

Les peuples non civilisés auront cherché
aussi a tirer parti 2 mots biffure des vegetaux
et des grains. Des Sauvages Americains
ont le secret de faire tirer une boisson très violen=
te 1 mot biffure de certaines racines pourries  qu'ils font
infuser dans l'eau. La plupart font rotir
du maïs jusques a ce qu'il soit reduit en
charbon, et après l'avoir bien pilé, ils le
jettent dans de grandes chaudieres
pleines d'eau ou ils le font bouillir; l'eau
noire et degoutante qu'ils en tirent fait
leurs plus grandes delices. Pour mieux
se regaler encor, ils font infuser dans
une auge pleine d'eau 20 ou 30 boisseaux
de maïs, jusques a ce que l'eau soit bien
impregnée du grain et commance a
s'aigrir: alors quelques vieilles femmes
machent des herbes ou des grains de
maïs, quelles crachent ensuite dans des
calebasses, et quand elles croient en avoir
assès, elles versent dans l'auge ce melange
<24> qui sert comme de levain et ne manque
pas d'y produire une legere fermentation.

Dès que celle ci a cessé, on tire le tout au
clair, d'ou resulte un breuvage appellé
chica qui a le gout de la petite bierre
aigrie, et qui entete beaucoup. C'est
peut etre par des essais pareils que les
anciens peuples parvinrent insensible=
ment a la composition de la bierre .

Il est surprenant, il faut l'avouer, que
des hommes non civilisés ontaient pu concevoir
l'idée d'une liqueur qui demande autant
de preparation et de temps. L'orge  en
est la base; mais il faut auparavant
le faire germer, puis secher, ensuite le
moudre d'une certaine maniere: Après
cela, il faut incorporer cette farine avec
l'eau par le moien de grandes chaudieres
et de grands fourneaux, il faut pour
cela la brasser  fortement et longtemps;
enfïn pour faire fermenter la liqueur
il faut y meler une certaine quantité
de levure. Toutes ces preparations deman=
dent des prattiques compliquées. Sans
doute que dans les anciens temps les ope=
rations furent plus grossieres, mais la
liqueur ne fut non plus ni si agreable
ni si saine que nôtre bière a laquelle
l'on a ajouté le houblon , pour en corri=
ger les deffauts. Il n'en est pas moins
vrai que la bierre des anciens etoit une
liqueur forte et enyvrante, très connue
des anciens habitans de la Grece, de
l'Italie, de la Germanie. L'art de tirer
des grains par la distillation une li=
queur forte a été connu ancienne=
ment en orient, et chès les Arabes qui
l'on apporté en Europe au XIV siecle.

<24v> CIDRE

Dans tous les pays qui auront produit
abondance de fruits on aura eu de bon=
ne heure l'idée d'en exprimer le jus, en les
ecrasant, les broiant, les foulant, pour en
obtenir par la fermentation une liqueur
visceuse et spiritueuse que nous appellons
cidre , poiré , vin de fruit. Les Hebreux
la designoient sous un nom que nous
avons rendu par cervoïse . Les Grecs
et les Romains la connoissoitent aussi 1 mot biffure et
Virgile parle d'une liqueur faite avec
le fruit du cormier  dont usoient les
peuples Septentrionaux, qui les rendoit
extremement gays et contens.

VIGNE. VIN.

Partout ou les hommes auront trouvé de
la vigne, ils auront pensé a exprimer le
jus. Il est des pays qui produisent natu=
rellement de la vigne dont les raisins peu=
vent etre mangés et exprimés. Instruits par
l'experience de l'utilité de la culture, ils
auront bientot compris que celle de la vigne
pourroit contribuer a en augmenter les
productions et leur donner une qualité Supe=
rieure, capable de fournir une beaucoup
meilleure liqueur et en plus grande abondance. Ils auront rassemblé
des Sauvageons pris ça et la, pour les
transplanter en terrein convenable, et
en former des plantations regulieres, soit
en les isolant en forme de seps  separés,
soit en les unissans par leurs branches
en forme de treilles , soit en les faisant
monter sur des arbres qui pour leur 1 mot biffure donner
un soutien, ce qu'on appelle utins . 1 mot biffure
1 ligne biffure
utins de vitis.

<25> Lidee leur sera venu ensuite de remuer la terre autour autour de la vigne, d'y repandre quelque
engrais, de soutenir les Seps par des sup=
ports ou echalas , on aura aussi senti la necessité
de tailler  le Sarment , d'emonder  la vigne 
comme les autres plantes; et c'est la au fond a quoi se reduit
l'essentiel de sa culture qui ne demande
ni ente, ni ecusson, ni greffe, ni marcotte.

Pour exprimer le jus du raisin , on aura
ecrasé les grappes, on les aura foulées
dans des cuves. Les pressoirs  etoient connus
chès les anciens orientaux du temps de Job,
chès les Hebreux &. les peuplades non encor civi=
lisées auront trouvé quelque ïnvention
semblable, mais d'un artifice bien infe=
rieur a nos pressoirs qui sont d'une me=
chanique composée très ïngenieuse, qui
suppose une connoissance approfondie
de cette science.

Les Anciens Grecs après avoir coupé les
raisins les exposoient pendant 10 jours
au soleil et a la fraicheur de la nuit.
Il les mettoient ensuite a l'ombre pendant
5 jours, et le 6e ils les fouloient. Cette
methode longue, embarassante, qui
demandoit un grand espace pour l'eten=
dage, et ne permettoit pas de faire beau=
coup de vin a la fois, suppose que le
vin etoit fort rare, fort cher, et
reservé pour les riches. Les autres na=
tions n'auront pas mis tant de façon
a leur vendange .

<25v> VAISSEAUX. VASES.

Le besoin et le desir de conserver surement
et commodement les liqueurs fermentées,
aura produit l'invention des vaisseaux
ou vases propres a cet usage. On aura em=
ploié d'abord ceux que la nature offre d'elle
même, des gourdes  des calebasses, des citrouilles et
autres fruits qui etant evuidés et dessechés
sont assès solides et commodes pour contenir
des liqueurs, les noix de coco, les roseaux
de Bambou, les cornes des animaux,
dont l'usage pour conserver les liqueurs, et
même pour les boire, fut fort repandu
en orient, ainsi que chès les Grecs, les Romains
et les peuples Septentrionaux. On se servit
ensuite de la peau preparée des animaux
ou de ce qu'on a appellé outres , qui
sont encor fort en usage. Des qu'on
eut l'art de faire des vases de terre cui=
te, on en fit aussi pour le vin qui fu=
rent appelles amphores .

La mauvaise odeur des sacs de peau et
le danger de les voir decoudre, la fragili=
te des vases de terre, firent penser a la
fabrique de vases  en bois qui rendirent
le transport des liqueurs plus aisé et
la garde plus sure. Mais il fallut bïen
du temps encor pour arriver a la constructïon
des cuves , seaux , barils , tonneaux  &c
et autres vases qui supposent le cein=
trage , a la connoissance duquel les hom=
mes ne sont arrivés qu'assès tard.

<26> ASSAISONNEMENT.

Ainsi les peuples sortis de la barbarie ne par=
vinrent que graduellement a tirer parti des
diverses productions de la nature et a les pre=
parer dune maniere convenable pour les
convertir en alimens et en boissons salu=
taires. D'ailleurs rien de plus simple dans
les commancemens que leur table et
leurs mets ; de la viande rotie ou bouillie;
du pain cuit au moment, des legumes,
des herbes bouillies, des fruits, du miel,
du lait, du beurre, du fromage; c'est a
quoi se reduisoit tout l'appareil de leur
repas. Chacune de ces substances se man=
geoit a part: on ignoroit encor l'assai=
sonnement  avec l'huile, le miel, le beurre,
les epices, et tout raffinement  de sauces ,
de ragouts . Remarquons ici que que les chan=
gemens survenus successivement dans
la nouriture ordinaire des anciens peu=
ples, sont marqués par ceux qui survin=
rent dans la matiere de leurs offrandes
religieuses. Dans les premiers temps, ils
n'offroient que des herbes, des plantes et
des plantes et des fruits; ils ne faisoient
leurs libations qu'avec de l'eau: on vint
ensuite par degrès aux offrandes de
miel, de lait, d'huile, de farine, de vin,
et aux victimes d'animaux: ceux ci même
furent immolés sans sel dans un temps
ou l'usage du sel pour l'assaisonnement
n'etoit pas encor connu.

A mesure que les Societés se policerent et
a5 lettres biffurecquirent des richesses on vit s'introduire
et se propager le gout pour la bonneche=
re et la delicatesse dans les repas; on
fit un art de la recherche des apprets  qui
pouvoient rendre les alimens plus flatteurs
pour le palais et plus propres a exciter
l'appetit; on chercha a varier et melan=
ger les alimens de diverses especes pour
prevenir l'uniformité et le degout.

<26v> ORDONNANCE. SERVICE.

Peu a peu l'idée vint de faire des mets,
presentés ensemble sur une même table, une
espece d'assortiment, d'ou naquit ce qu'on
appelle l'ordonnance des repas: on y
joignit le service qui regloit le temps
de ces repas et les accompagnemens qu'exi=
geoit la decence.

Les familles en vinrent a prendre leur re=
pas en commun a certaines heures fixes
l'un vers le milieu du jour, l'autre vers
le soir: celui ci etoit le plus considerable
et la famille y etoit toujours reunie: d'ou
vint que les Grecs l'appelloient κοινα
commun, d'ou Cernar (ce qui repond au
nôtre souper  1 mot biffure); le premier fut appellé
par les Grecs δειπνον. 4 mots biffure
4 mots biffure
et
par les Latins prandïum diner .

Pour la propreté et la decence, on eu
des utensiles et de cuisine  et de table,
des pots, des plats , des coupes , de coquilles
de bois, de terre cuite &. auxquels on
substitua ensuite l'or, l'argent, et le cuivre.

Longtemps on ignora l'usage des ceuil=
leres  et des fourchettes ; il est encor des
peuples qui prennent tout avec les doigts,
d'autres comme les Chinois se servent de deux petits batons,
ou baquettes, avec quoi ils saisissent habi=
lement tout ce qui est sur la table.

<27> On n'avoit pas non plus de couteaux de
table et de poche: mais pour couper les
viandes, on emploioit un poignard qu'on
portoit a sa ceinture. En lieu d'assietes 
on se servoit de grandes feuilles d'ar=
bres, peut etre aussi de coquilles, de tranchoirs en bois, de quelque vais=
selle de terre cuite; les riches emploierent
l'or et l'argent.

HUILE

Les peuples anciens chercherent a extraire
de diverses substances ce que nous appellons
l'huile liquide onctueux utile pour la nourriture, l'assai=
sonnement et
pour divers besoins de la vie humaïne.

Plusieurs vegetaux purent en fournir,
mais on s'attacha particulierement a
celle qu'on pouvoit tirer du fruit de l'oli=
vier comme superieure a toutes les autres.

Elle fut bien connue des orientaux, et
les Phoeniciens firent un profit immense
avec celle qu'ils apporterent en Espagne.
Les Grecs firent l'honneur de cette inven=
tion a Minerve parce que et l'huile d'Athenes fut
fort celebre. Il semble d'abord qu'il ne
fut dut pas etre aisé d'extraire l'huile des oli=
ves. Cet art tel qu'il s'exerce en France
est fort compliqué: il faut reduire les
olives en pâte au moien de la meule:
ensuite on met cette pâte dans de grands
cabas, on l'arrose d'eau bouillante, en=
suite on presse le tout; l'on ramasse
l'huile qui surnage sur l'eau avec
des couilleres, et l'on separe l'huile
fine, l'huile d'assaisonnement, de
l'huile grossiere, de l'huile destinée
pour les lampes. Sans doute qu'ancien=
nement on ne connut pas ces artifices.
On piloit les olives dans des mortiers
<27v> ensuite on les faisoit passer sous la meule
pour les reduire en pâte: on serroit celle
ci pour en exprimer les jus comme on fai=
soit pour d'autres fruits, on n'obtenoit par la
qu'une seule espece d'huile assès grossiere
qui servoit a tout usage. 2 mots biffure Aujourdhui encor
on ne fait pas autre chose 1 mot biffure dans
tout le Royaume de Napples.

Dans les pays ou l'on n'etoit pas a portée
de l'olivier, on chercha a extraire l'huile 
de diverses autres substances telles que
les noix , les noisettes, les pavots, les tour=
nesols, et dans les pays froids on fit
servir l'huile de baleine.

LUMIERE ARTIFICIELLE.

Un des besoins qui occuperent l'industrie
des hommes fut celui de quelque lumiere 
artificielle pour les eclairer dans les tene=
bres. On se contenta d'abord du feu allu=
mé sur le foyer, ou de quelque brasier
ardent qu'on transportoit ou l'on vouloit
aller; pour marcher a sa lueur: tout
l'art se reduisoit a y bruler des bois
odoriferans. Pour transporter plus
commodement la lumiere, on emploia
des morceaux de bois fendus en long,
et bien sechés: une fois allumés, la flam=
me se conservoit et s'animoit même en
les portant a la main, ainsi que cela
se prattique encor chès les gens de la cam=
pagne qui souvent ne s'eclairent qu'avec
des morceaux de bois qu'ils font secher au
four. Sans doute qu'on choisissoit, com=
me font ceux ci, du bois resineux  qui
brule plus aisement. L'idée vint ensuite
d'enduire des branches avec de la poix
pour en faire des flambeaux  qui sont
encor en usage, ce qui fit naitre l'expedient
des torches  emploiées en nombre de
<28> pays et particulierement a la Chine.

Les anciens Grecs emploioient des rechauds
portatifs, ou ils faisoient bruler un bois
odoriferant, qui rendoit un feu vif et
clair, ce qu'ils appelloient λυχνος-
lumiere. Il est bïen etonnant que
l'invention de la lampe  ait été inconnue
a des peuples qui savoient emploier la
graisse et le suif pour assouplir des ma=
tieres dures, la cire pour enduire des
vaisseaux, l'huile pour s'oindre et se
frotter.

1 mot biffure Les inconveniens des prattiques pre=
cedentes en amenerent de plus commodes.
On observa enfin que certains corps plon=
gés dans l'huile, venant a s'allumer, don=
noient une flamme pure, conservoient
leur lumiere, et ne se consumoient que
lentement: il ne fallut que cette observa=
tion pour faire impaginer la lampe. La
forme des lampes fut d'abord grossiere,
peu a peu 1 mot biffure on la rendit plus commode
et on en vint a les orner. On y emploia
l'huile, et a ce deffaut, de la graisse,
comme cela se prattique encor.

Mais il s'est ecoulé bien du temps avant
qu'on soit arrivé a l'idée des chandelles 
de cire ou de suif.

OECONOMIE DOMESTIQUE.

Les sauvages ne prennent aucune mesure
pour les besoins avenir; ils consomment a
mesure qu'ils recueillent, et dans les saisons
mortes, ils sont souvent en danger de perir
faute de subsistance; c'a été le cas des
<28v> anciennes peuplades tombées dans la bar=
barie. Il n'en a pas été de même des peu=
ples devenus bergers; ils ont eu quelque asses de
prevoiance  pour s'assurer en toute saison
une subsistance suffisante, pour eux mêmes
et pour leurs bestiaux; ils transportoient
leurs provisions avec eux. Mais ce n'a été
que chès les peuples cantonnés et agricoles
qu'on a observé ce soin attentif pour
mettre en reserve les provisions  dans des
endroits propres a les conserver longtemps
et en amasser dans les annees d'abondance
pour les annees de disette. Cette oecono=
mie  s'est perfectionée peu a peu. Dela
sont nes les etablissemens des maga=
sins a foin, a grain, les greniers, les
ceillïers , les caves  &c l'idée heureuse
de saler les viandes pour les preserver
de la corruption, et les garder longtemps,
ce qu'on a etendu au poisson et
a d'autres comestibles.

OBSERVATION.

Certains procedés grossiers ont precedé
l'Agriculture, mais ils se sont perfectionés a
mesure que celle ci a fait des progrès, et
ceux ci ont conduit naturellement a des
procedès nouveaux: ainsi entre l'Agricul=
ture et les arts il y a toujours eu une
correspondance sensible de progrès qui
sont allés de pair entreux, et parallele=
ment aux progrès vers la civilisation.

Nous en avons eu la preuve jusques
ici; nous la retrouverons dans ce que
nous avons a dire des inventions relatives
aux autres besoins de l'espece humaine.

<29> CHAPITRE V.
autres inventions de commodité pour le
vetement et le logement.

FIL. FILAGE. TISSU.

Les inconveniens des peaux, des feutres,
1 mot biffure firent naitre l'idée de travailler les ma=
tieres brutes du poil, de la laine, du coton
du lin, d'une autre maniere pour en for=
mer des equipages moins grossiers, plus
legers, plus soupples, plus commodes et
plus agreables, et avec cela encor plus
solides et durables. On parvint a reunir
les brins  ou floccons  pour en faire un
fil continué, pour et pour cela, on emploïa
la quenouille et le fuseau , dont l'usage
ancien s'est conservé partout, jusques
a l'an 1530 ou un nommé Jurgen de
Brunswick inventa le rouet  et la bobi=
ne  dont l'usage quoique très commode,
n'a pas été adopté en nombre de lieux.

Le filage  une fois introduit on fit divers
essais: on en composa des tresses , des
ouvrages a reseaux  d'une certaine lar=
geur, jusques a ce qu'on arriva au tissu
a chaine  et a trême : invention qui a
ete si utile a l'espece humaine, en mettant
a profit toutes les matieres vegetales et ani=
males, pour en faire des etoffes aussi com=
modes qu'elegantes.

L'art du tissu  ou la tisseranderie  n'a
pu se perfectioner qu'a la longue: peutetre
que l'idée en fut prise de la construction des
toiles d'araignée; peut etre aussi de l'inspec=
tion de l'ecorce interne de certains arbres,
dont les filamens sont arrangés l'un sur
l'autre en travers et croisés presque a angles
droits. Pendant longtemps on s'en tint
a des prattiques très simples, toutes semblables
a celles qu'emploient les ouvriers de grandes
<29v> Indes, pour executer des etoffes dont on ad=
mire cependant la finesse et la beauté. Une
navette et quelques morceaux de bois sont
les seuls outils qu'ils emploient, et tels ont
pu etre ceux qu'on a emploié pour les tissus
pendant bien des siecles; ca été tout au plus de
petits mêtiers portatifs comme ceux ou
lon fait les lacets  et les rubans: il aura
fallu beaucoup de temps et d'experience
pour en venir a ces artifices composés
ou l'on execute de grandes pieces, comme
ceux qu'on emploie pour les toiles  et
pour les etoffes .

MATIERES PREMIERES.

Les matieres emploiées pour le tissu ont été
le poil  ou bourre , et la laine ; mais cela
ne pouvoit convenïr a tous les climats,
ni dans le même pays, a toutes les Saisons
de l'année.

On chercha, 1 mot biffure quelque
matiere plus qui put fournir des etoffes
moins chaudes et plus legeres que celles
qu’on eut tiroit des precedentes, et qu’on a ap=
pellées draps. Dans plusieurs pays
s’offrit le coton . Cette bourre fine et
delicate qui sert d’envellope a la graine
de l’arbrisseau appellé cotonnier, fut
connue dès les temps les plus anciens et
telle est sa ressemblance avec la laine
<30> jointe au peu de preparation qu’ilelle demande,
qu’on peut presumer que son usage a sui=
vi de bien près celui de la precedente, dans
les pays ou la nature en fournit, et en=
suite dans ceux ou il a pu etre transporté
par le commerce. Il n’en aura pas été
de meme de la soie que fournit le cocon
qui sert d’envellope a un ver; 1 mot biffure
5 lignes biffure
27 lignes biffure
 

Voiès plus bas chap. VIII.

L’emploi des plantes filamenteuses se
sera presenté plus tard a l’industrie humai=
ne, parce que pour degager les fils de l’ecor=
ce qui les envellope, il faut rouir  les
plantes. cad. les macerer dans l’eau,
les secher, ensuite les tiller  une a une
ou les briser par paquets; puis les seran=
cer . cad. les faïre passer par les dents
d’un peigne  pour enlever l'etouppe  ou
le grossier superflu: operations trop com=
pliquées pour avoir été sitot decouvertes.

L’emploi du lin  a precedé de beaucoup
celui du chanvre .

<30v> On a eu recours a divers expediens pour
la preparation de ces matieres premieres des=
tinées au tissage. Les anciens emploioient
l’huile, comme on fait encor a la chene pour
le grossier taffetas , afin de le rendre impene=
trable a la pluye et pour lustrer les satins , et
dans les Indes orientales, pour preparer le
fil dont on fait les toiles de coton. Peut etre
emploioit on l’huile et la chaleur du feu
pour tirer l’estame  et filer la laine plus
finement et plus facilement: après quoi
l’etoffe une fois tissée de ces fils imbibés
d’huile, etoit degraissée par le moien de
sels, et autres preparations emploiées pour
le foulage.

FOULAGE

La bonté d’une etoffe depend non seulement
du filage et du tissage, mais aussi du fou=
lage  qui lui donne la consistance. Ce secret
aura été decouvert plus tard, et les premiers
essais auront été encor très imparfaits,
comme sont encor a cet egard les procédés
de certains peuples grossiers, entr’autres
les habitans de l’Islande, qui pour fouler
leurs draps, se contentent de les arroser
d’urïne, et les paitrir ensuite longtemps
avec les pieds. On en vint peu a peu a
emploier de grands maillets de bois dont
les coups redoublés sur les draps les ren=
doient plus fermes et plus unis: mais il
a fallu bien du temps pour soumettre
cette operation a un artifice, telque celui
des moulins, a foulon , qui par des roues
que l’eau fait mouvoir, mettent en action
de gros marteaux ou battoirs  qui tom=
bent successivement dans des auges, ou
les draps sont renfermés.

<31> BLANCHISSAGE

Dès les temps les plus anciens on a pensé aussi
aux moyens de nettoier  les etoffes et les blan=
chir  lorsqu’elles etoient salies par l’usage ou
par accident. La plus ancienne methode
aura été de les jetter dans une fosse pleine d’eau
et de les fouler aux pieds. Il y a 1 mot biffure des Sau=
vages qui degraissent leurs habits en les
laissant tremper quelque temps dans la boue;
après quoi ils les passent et les lavent dans
une eau claire et nette. Ensuite on aura
pensé a emploier de l’eau impregnée de
quelques cendres , ou quelques herbes deter=
sives comme p. ex. la soude. Après l’avoir
brulée, on faisoit passer l’eau sur ses cen=
dres, et par la cette eau contractoit un sel
lessiviel très fort, capable de detacher
et degraisser les laines 2 mots biffure et les toiles.

Les Sauvages tirent aussi de certaïns
fruits une eau savonneuse très propre
a blanchir les etoffes; d'autres peuples
entr'autres les Persans, emploient a cela
certaines terres bolaires, marneuses,
dissoutes dans l'eau. Ces expediens et au=
tres pareils auront pu etre imaginés par
les anciens peuples. Les Lessives  telles qu'on
les pratique parmi nous auront ete intro=
duites peu a peu; mais l'invention du
savon  est beaucoup plus recente.

VETEMENS. ROBE. MANTEAU.

ches les anciens peuples sortis de la barba=
rie, la forme des vetemens aura été extre=
mement simple-on prenoit un morceau
<31v> d'etoffe un peu long, et on le faisoit passer
autour du corps et repasser même, en lui
donnant telle forme qu'on jugeoit a propos;
d'ailleurs il n'y avoit ni manches, ni crochets
ni lacets pour le contenir: il se contenoit
par lui même; tel est encor l'equipage de cer=
tains peuples. Dans la suite on imagina
quelque methode plus commode pour cou=
vrir tout le corps; au moien de la coupe
et d'une couture grossiere, on fit une tuni=
que  ou robe  a manches  larges qui ne pas=
soient pas le coude, mais sans plis, et qui
couvroit immediatement la peau. Après
cela on joignit un manteau  fait d'une
seule piece qui se mettoit sur la tunique
et s'y attachoit avec une agraffe . Cette
equipage adopté par les anciens Orien=
taux fut aussi celui l'equipage commun
des premiers Grecs, puisqu'on a trouvé
sur des monumens des Dieux representés
avec des manteaux. A la suite des temps
on abandonna le manteau aux Philoso=
phes. Les Romains couvroient leur tu=
niques d'une toge , espece de robe sans
manches; ce fut d'abord chès eux une
marque d'honneur; ensuite elle devïnt
une equipage commun a tous les ordres.

Pour se garantir mieux des injures de
l'air, les Romains, dans la suite, se cou=
vrirent encor d'un manteau appellé
Lacerna; On ne commanca a le porter
que sous les Empereurs.

CEINTURE

Ces longues robes etoient un peu embaras=
santes. Les orientaux etoient ordinaire=
ment <32> ceints; mais les Grecs et les Romains
ne se ceignoient que lorsqu'ils vouloïent
se rendre plus lestes, pour agir, marcher,
aller au combat; dans ces cas, ils retrous=
soient leur tunique au moïen d'une cein=
ture  de cuir: il en fut ainsi chès tous les
autres peuples.

CHAUSSURE.

Dans les climats temperés, on prit soin
de revetir les jambes de guetres d'etoffes,
de botïnes  de cuir, avec des soques  a se=
melles de bois, ou des souliers a semelles
de cuir. Les anciens Grecs portoient des
botines de cuir de boeuf qu'ils mettoient
a crud sur la jambe; mais ils ne les por=
toient, ainsi que les souliers, que lorsqu'ils
sortoient de la maison. Les Romains eu=
rent des chaussures  aussi de cuir. On
en aura pu faire 1 mot biffure d'autres matieres
comme les Chinois qui en font de jonc,
d'ecorce, et même de soie, et les Egyptiens
qui en faisoient de papyrus. Certains
peuples en ont fait de metal; tout cela
a pu dependre des matieres premieres
que chaque pays pouvoit fournir.

VOILE.

L'equipage des femmes etoit très peu different
de celui des hommes: elles portoient une
tunique plus longue, attachée et renouée
avec des agraffes: mais elles ne paroissoient
en public que couvertes d'un voile , ou
mante, qu'elles mettoient par dessus la robe;
1 mot biffure attachée aussi avec une agraffe;
equipage d'un usage general et fort
ancien.

<32v> BARBE. CHEVEUX.

Partout les hommes porterent la barbe 
longue, et la coeffure naturelle de leurs
cheveux, dont ils faisoient consister la
beauté dans leur longueur, qui etoit
regardée aussi comme une marque d'hon=
neur et de liberté: c'est pourquoi l'usage
s'introduisit de raser  la tête aux esclaves
et aux criminels: ce qui a 2 mots biffure fourni
1 mot biffure aux Ecclesiastiques l'idée de faire
hommage a Dieu de leur chevelure,
en signe de leur servitude ou de leur
entiere soumission a sa volonté. 1 mot biffure
5 mots biffure Lusage sintroduisit de très bonne heure de faire des boucles 
aux cheveux, qu'on nouoit avec des
crochets d'or, comme cela 2 mots biffure se prattique
en usage meme encor parmi des peuples non civi=
lisés. et Sauvages.

DEFFAUT DE LINGE. BAIN.

Dans les temps anciens on ne connut
ni les chapeaux, ni les bonnets, ni les
doublures d'etoffe ni les boutonnieres
et boutons &c. ni l'emplois des toiles a
des caleçons, des bas, des chemises. Le
deffaut de linge , joint une transpira=
tion violente commune chès les anciens
peuples, qui se donnoient beaucoup de
mouvement, les exposoient a une assès
grande malpropreté, qui leur rendit
l'usage journalier du bain  indispen=
sable.

<33> LOGEMENT MAISON. ARCHITECTURE

L'agriculture aiant fixé une fois des hommes
sur un sol pour s'y etablir, leur a fait penser
a se construire des demeures  solides, durables
plus spacieuses et plus regulieres que les caba=
nes des peuples bergers: telle a été la pre=
miere origine des maisons , et de l'art de les
construire selon les besoins, appellé Archi=
tecture. L'uniformité des besoins dans ces
anciens temps aura sans doute suggeré
aux peuples sur cet objet des idées et des prat=
tiques aussi a peu près semblables, quoique
diversement modifiées selon la tempera=
ture et les influences de l'air propres a
chaque climat. Il ne s'agit d'abord que
de faire des habitations assès etendues et
asses bien distribuées pour contenir une
famille, des domestiques, des bestiaux,
des provisions, des fourages, des outils. Il ne faut
pas tant d'espace pour des hommes qui
ne batissent que pour eux mêmes, et qui,
ne sans pensentr pas a l'opinion des autres,
ne songent qu'aux besoins et aux commo=
dites de ceux qui doivent occuper le
batiment .

ANCIENNE FORME DES MAISONS

Les premieres maisons furent d'abord
a un etage  comme elles le sont encor en
nombre de pays ou l'on ne pense a epar=
gner ni le terrein ni les materiaux: d'un
côté etoit le logement pour la famille
a l'autre extremité, les loges et etables 
pour les animaux domestiques, qua=
drupedes ou ailés; au milieu l'aire
<33v> les fourages, les greniers, ceilliers &c. Telles
sont encor les maisons de nos campagnards.
et d Dans les pays peuples, cultivés ou le
terrein devenoit precieux, ou l'on cherchoit
a rapprocher les habitations ainsi qu'a epar=
gner les fraix de batisse et de couverture, on
s'avisa de faire des maisons de 2 ou 3 eta=
ges; au bas, on placoit les loges des ani=
maux, au dessus les appartemens, et pour
le plus souvent, les femmes etoient releguées
au plus haut de la maison. On arrivoit
aux etages superieurs par des escaliers 
prattiqués en dehors comme cela se voit
encor dans nos campagnes, chès les Grecs,
4 mots biffure et asses generalement en usage
dans le Levant; les toits  etoient en terrasse 
ce qui a été suivi par quelques peuples
Europeens. Dans les pays plus froids,
les maisons eurent une couverture
en charpente solide, garnie ou de chaume 
ou d'ancelles , ou d'ardoise; a quoi on
a substitué les tuiles  partout ou on a
pu en obtenir a un prix modique.

Premiers MATERIAUX DE CONSTRUCTION

Les materiaux de construction  furent
d'abord des bois bruts, comme il a été dit
Sect. 1. et Peu a peu l'idée vint de
tailler, equarir  et planer. Les premiers
outils furent des pierres dures et trancha=
tes, comme celles dont les nations d'Ameri=
que font usage. Des qu'on eut des outils
<34> de metal, on travailla avec plus d'expedition
et de regularité, et on prit l'idée d'une char=
pente  qui pouvoit s'executer avec la ha=
che et le marteau. Mais il fut très difficil=
le de faire des planches  avant l'invention de
la scie, et même de l'admirable mechanisme
qui fait mouvoir la grande scie par la force
des eaux: on fit sans doute ce qu'on fait encor
ches certains peuples: ils commancent par
fendre les troncs en plusieurs parties par
le moien des coins de pierre: ensuite avec
la hache, ils degrossissent chaque piece et
enfin ils y passent une espece de rabot; ce qui
ne peut donner qu'un ouvrage très long,
et très imparfait.

Les essais de poterie fournirent aussi
lidée de mouler des briques  ou careaux
qu'on fit secher au soleil, puis ensuite cuire
dans des fourneaux, ce qui donna d'ex=
cellens materiaux. Les Egyptiens, les Chal
deens en firent grand usage: les ruines
des anciens edifices d'Asie annoncent qu'ils
etoient construits de briques sechées au so=
leil ou cuites au feu: 2 mots biffure les anciens
Grecs batirent aussi en briques et les au=
tres peuples en firent de même. L'invention
des tuiles fut a été cependant de beaucoup posterieure par=
ce qu'on emploïa d'autres materiaux propres
a la couverture.

On chercha quelque ciment  pour lier les bri=
ques, mais il n'est gueres connu: c'etoit vrai=
semblablement du bitume, car on a trou=
vé de vieux edifices construits avec de la paille
et des roseaux hachés et cimentés avec ce
gluten.

<34v> MAÇONNERIE

Quoiqu'on ait pu dès les temps les plus an=
ciens construire des huttes grossieres en pier=
res renduites de terre, comme on fait en
certains lieux, la maçonnerie  proprement
dite en pierres coupées et taillées, ou liées
avec du mortier, a été de beaucoup posterieu=
re a l'emploi des briques, parce que la coupe
et la taille demandoient des connoissances
et des outils de fer dont etoient depourvus
les anciens peuples, et que l'idée de la chaux 
et du mortier n'a pu naitre quassès tard, et
seulement dans les pays ou il s'est trouvé
force bois a bruler et pierres a calciner.

Cet art n'a pu s'introduire qu'a mesure
qu'on a senti le besoin de batimens durables
et a la suite des progrès faits dans les autres
arts, dont le secours est indispensable pour
celui la; car il fallu des outils et des machi=
nes pour tirer la pierre des carrieres, d'autres
pour les charier, d'autres pour les travailler,
d'autres pour les elever, les brosser, poser, &c &c &c.

Les Peruviens et les Mexicains, il est vrai,
sont parvenus a elever de grands edifices
en pierre, sans le secours de ces machines
ni même des outils de fer: mais comment
executoient ils ces ouvrages? Pour tailler
les pierres, ils les cassoient avec certains
caillou noirs et fort durs en forme de
coïns: pour les polir, ils emploioient un
frottement opiniatre des unes contres les
autres, qui demandoit un temps très
long, et un grand concours de bras.

Mais ces prattiques etoient si incommo=
des et si longues que les edifices en pierre
furent parmi eux extremement rares,
comme ils l'ont été chès tous les peuples
avant qu'ils aient pu porter la mechani=
que et les outils en fer a un certain
point de perfection. Dela vient
<35> que la plupart des maisons furent cons=
truitent en bois, comme cela se voit encor
en Perse, en Turquie et même en Europe.

ARCHITECTURE COMPOSEE

Des qu'on eut les machines et les outils, tout
fut taillé au ciseau . La pierre fut fa=
connée comme le bois; aux poteaux  qui
originairement servoient d'appuis aux
cabanes, on substitua des colonnes  de
bois taillées que les Grecs appelloient μυ=
νες auxquelles on plantoit des chevilles
pour y suspendre des utensïles: enfin ces
colonnes furent travaillées en pierre  et
en marbre  que les Grecs appellerent σελα
et pour les rapprocher de la forme hu=
maine, on les orna de bases  et de cha=
pitaux . La pierre fut substituée au
bois partout ou cela se pouvoit, et recut
quelques ornemens: on fit aussi des
jours reguliers, on observa une certaine
proportion entre les dimensions d'un bati=
ment: on chercha a reunir au necessaire
et au commode les agremens et les embelis=
semens, a la solidité, la delicatesse, l'elegan=
ce, et quelques fois la majesté: de tout
cela naquit l'Architecture composée,
mais qui ne s'est introduite qu'a la longue,
avec les progrès de l'opulence et du luxe,
a mesure que les hommes ont pris l'idée
de la beauté et des proportïons, et se sont
formé le gout avec l'Intelligence qui doit
en regler les procedès.

<35v> APPENDICES DES MAISONS MEUBLES

Quels etoient les appendices des maisons
chès les anciens peuples? quels en etoient
les meubles? c'est sur quoi on n'a pas de
grandes lumieres.

Le devant de la maison presentoit une
cour  et un portique  ou il y avoit une
espece d'appartement assès commode pour
y placer des etrangers qu'on recevoit chès
soi. On y allumoit des feux en hyver;
pour les rafraichir
en eté, on y placoit
des vases pleins d'eau

Les portes  de la maison s'ouvroient en de=
hors et sur la rue; chaque fois qu'on vouloit
sortir, on etoit tenu de faire auparavant
quelque bruit pour avertir les passans de
s'eloigner. Au dedans de la porte etoit ajus=
tée une barre ou verrouil  qu'on pouvoit
lacher ou lever par le moien d'une cour=
roie; la porte avoit un trou au dessus
du verrouil, et par ce trou on introduisoit
un morceau de metal assès long, courbé
en faucille, et emmanché de bois ou d'y=
voire: c'etoit ce qui servoit de clef  pour
saisir la courroie, faire lever lea verrouil barre
et ouvrir la porte; ces usages ont
passé des Grecs aux autres peuples.

Toute la decoration  interieure des ap=
partemens se reduisoit a des lambris 
et du boisage artistiquement travaillé:
<36> ce gout paroit même très ancien. Les
revetissemens de tapisserie, de dorure et
de moulure ne se sont ïntroduits qu'avec
les arts de luxe.

MEUBLES

Tous les meubles  se reduisoient a des cof=
fres, des tables , des sieges et des lits.

Les coffres  etoient des caisses de bois pro=
prement travaillées, qui n'avoient ni ser=
rures, ni cadenats: mais pour qu'on ne put
pas les ouvrir sans qu'on s'en appercut,
on les entouroit de cordes si artistement
nouées que ces noeuds servoient de sceau
et de cachets, parce que celui qui les avoit
fait etoit le seul qui put les delier et ou les
refaire, après les avoir deffait.

Les tables etoient etoient les unes a
trois pieds appellées chès les Grecs 1 mot biffure
τραπεζαι; les autres a 4 pieds.

Chès les anciens Grecs, les Cretois, les Lace=
demoniens, chès les Romains même avant
la seconde guerre Punique, on ne connois=
soit de sieges, et même pour manger, que
des bancs  ou sieges  de bois avec un simple
dossier sans bras, mais revetus d'un mar=
chepied. 4 mots biffure

Les lits des anciens Grecs et autres peuples,
furent composés d'une couchette  san=
glée, qu'on apprit peu a peu a garnir
de matieres propres a favoriser le
<36v> sommeil, comme la feuille, le poil
la laine, la plume, le crin, d'ou nac=
quirent les matelas , les traversïns , les
oreillers , les coitres , les coussins, et on y mit des couvertures 
selon les saisons.

En campagne, on couchoit sur des peaux
qu'on couvroit de tapis , en guise de
matelas .

<37> CHAPITRE VI
Le devellopement de l'industrie, et l'intro=
duction des metiers ou professions mecha=
niques.

DEVELLOPEMENT DE L'INDUSTRIE

Les progrès de l'Agriculture produisirent
le devellopement de l'industrie des hommes,
pour perfectioner les premiers procedès
de l'art, auxquels la nature pouvoit les avoir
conduit lorsque des besoins pressans reveil=
loient leur activité. Les ouvrages neces=
saires aux besoins domestiques s'executoient
4 mots biffure au commancement dans l'interieur
de chaque famille. Les femmes etoient
chargées de toutes les occupations du dedans
entr'autres la preparation des alimens et des
vetemens pour tous ceux de la maison.

Les hommes pourvoioient a la sureté, au
necessaire, et au bïen etre de tous. Les tra=
vaux de la culture et d'industrie que cela exi=
geoit demeuroient a la charge de chaque
chef de famille. Le même particulier alloit
a la peche, a la chasse, soignoit ses trou=
peaux, labouroit son champ, faisoit
ses outils, construisoit sa demeure. Dans
les cas pressans, il imploroit le secours
de ses voisins, a la charge d'un juste re=
tour au besoin. C'est ce qui se prattique
encor chès les Sauvages et même en Euro=
pe dans certains lieux ecartés ou l'on
n'a pas de quoi attirer et entretenir des
maitres de metier. La necessité de faire
ainsi tout par eux mêmes 1 mot biffure produisit
parmi les hommes
ce genre de vie simple qui caracterise les
premiers ages, ou l'on ne se croioit pas avi=
li par une occupation mechanique, ni
en la partageant avec ses domestiques.

Ainsi vivoient les Grecs dans les temps
heroiques, et les Romains dans les
commancemens de leur Republique.

<37v> 9 lignes biffure

Mais aussi; dans
ces temps ou les hom=
mes etoient forcés par
le besoin a s'ocuper
tous de la culture
des terres, les objets
d'industrie
ils ne pou=
voient donner que
très peu de temps aux
objets d'industrie, soit
pour les executer,
soit pour apprendre
a les faire, et ces
objets des la même 1 mot biffure
etoient tous très gros=
sierement travaillés
comme cela sest vu
  1 mot biffure parmi les Colons qui ont
deffriché les terres dans le nouveau mon=
de. Ainsi l'industrie est restée très impar=
faite, jusques a ce que l'agriculture ait été
perfectionée au point que le travail d'un
seul homme a pu suffire a l'alimentation
de plusieurs, et qu'il se soit trouvé des gens
qui, par une culture perfectionée assidue de leur
sol, aient obtenu des productions super=
flues, dont ils pouvoient sans ïnconve=
nient se dessaisir pour les fournir a d'au=
tres familles qui en etoïent depourvues.

INTRODUCTION DES METIERS

Car dès lors ceux qui vïnrent a manquer
ou de sol, ou de productions necessaires
a leur entretien, furent naturellement invi=
tés ou plutot forcés a diriger leur activi=
té vers quelque autre objet que la cultu=
re, et a la deploier sur des objets d'indus=
trie qu'ils pussent offrir en echange des
productions dont ils avoient besoin a ceux
qui en avoient de surabondantes. Alors
s'estimant heureux de pouvoir s'assurer
ainsi de leur subsistance, ils s'etudierent
a perfectioner cette industrie, en executant
avec plus d'art et d'une maniere plus regu=
liere, ce qui s'etoit fait jusques alors gros=
sierement, et sans autre guide que la
simple nature suivie ou imitée d'une
maniere très imparfaite. Ce fut dès lors
que les 4 mots biffure operations industrieuses
commancerent a n'etre plus exercées indis=
tinctement <38> par tout le monde et on commança a que s'introduisit la dïstinc=
guertion des differentes professions , metiers ou
arts mechaniques exercés par certaines
personnes, qui s'en occupoient par etat, pour
imaginer, executer et fournir aux autres
les divers objets d'industrie qui pouvoient
leur convenir.

DISTRIBUTION DES PROFESSIONS.

Ces arts furent d'abord en petit nombre,
et les ouvrages 1 mot biffure asses grossierement exe=
cutés: un seul homme pouvoit encor s'oc=
cuper de plusieurs. Mais peu a peu les besoins
se multipliant avec les gouts, les objets d'in=
dustrie se multiplierent aussi: on fit dans
chaque art de nouvelles inventions et de
nouvelles recherches pour perfectioner ce
qu'on avoit inventé: les ouvrages devïn=
rent moins grossiers, et plus variés; pour
les executer, il fallut plus de temps et plus
d'habileté: les apprentissages  devinrent
plus difficilles; le même homme ne put
plus se partager entre plusieurs: Enfin
les arts  se subdiviserent en plusieurs
branches separées qui devinrent autant
de metiers  a part: ceux qui les exercoient
furent aussi en consequence dïvisés et
subdivisés, distinctement separés en di=
verses classes d'ouvriers , ou artisans .

DISTRIBUTION DES FAMILLES EN
CLASSES, ET GENE DES PROFESSIONS.

Dans les commancemens, le besoïn seul
determinoit l'importance des arts et le
degré de consideration qui pouvoit ap=
partenir a ceux qui les exerceoient. Aucun
<38v> n'etoit inutile, tous etoient estimés: chacun
etoit libre de s'occuper de celui pour lequel
il se sentoit du talent et du gout. Mais
la distributïon des arts une fois introduite,
amena celle des familles en diverses classes,
et la gene des professions. D'abord les Peres
exerceant des professions honorées et lucra=
tives furent naturellement conduits a les
apprendre a leurs enfans et ceux ci a leurs
descendans. Par la on s'accoutuma peu a peu
a regarder les profession comme un apa=
nage hereditaire, et chaque famille ja=
louse de son art, se regarda comme privi=
legiée pour l'exercer. Plusieurs considera=
tions vinrent encor a l'appui de cette pre=
tention. On supposa que des ïnventions fai=
tes ou perfectionées par une famille etoient
comme autant de Secrets dont d'autres
familles ne devoient pas partager le pro=
duit: c'etoit la une recompense et en mê=
me temps un encouragement pour l'indus=
trie. On presuma encor que chaque famil=
le prendroit plus d'interet a un art dont
elle auroit la jouissance exclusïve, quelle
feroit plus d'effort pour y exceller et que
les recherches s'y multipliant d'une gene=
ration a l'autre, l'art y feroit sans cesse de
nouveaux progrès. On crut aussi que des
enfans apprendroient beaucoup plus aise=
ment et feroient beaucoup mieux ce qu'ils
auroient toujours vu faire, et a quoi ils
se seroient habituellement eexercés sous la
direction de leurs Peres, et que des progrès
soutenus dès la premiere enfance repon=
droient de leur succès pour la suite. On
envisagea même cet usage comme un
moien de reprimer toute ambition mal=
entendue, qui pourroit s'elever chès des par=
ticuliers, de sortir de leur etat pour
passer a quelque autre 1 mot biffure ou ils s'imagi=
neroient trouver plus de lucre ou de consi=
dration: ce qui previendroit cette inquietude
dans les Esprits qui a été toujours si funeste
<39> aux Societes et a ceux quelle possede.

Telles furent les raisons primitives d'un
usage très anciennement adopté et qui
dans les Societés même regulieres passa
en Loi, comme savoir que le fils ne pourroit
embrasser aucune autre profession que
celle de son Pere, et que nul ne pourroit
s'elever d'une classe inferieure a une Su=
perieure; ce abus manifeste qui supposoit une inegali=
decidée entre les rangs, et une gene
complete dans les professions.

INCONVENIENS.

Dès qu'il y eut inegalité des rangs jointe a
celle des fortunes, les professions ne furent
plus honorées qu'en proportion de ce qu'elles
etoient lucratives; le luxe une fois intro=
duit, les arts de luxe devinrent plus lucra=
tifs que les autres et furent plus honorés;
l'avilissement devint le partage des arts
de necessité et des familles qui etoient redui=
tes a les exercer. Il resulta necessairement
dela que l'emulation dans ces arts ne fut
plus entretenue comme auparavant par
l'estime publique; ceux qui exerceoient
des professions lucratives ne songerent plus
a acquerir une capacité dont ils n'avoient
plus besoin, pour se soutenir, et les autres
condannés a rester pauvres, ne firent au=
cun effort pour atteindre a une habileté
qui ne pouvoit les tirer de l'avilissement.

Telle fut la principale cause du peu de
progrès que les hommes firent, pendant
bien des siecles, dans la perfection des arts,
jusques a ce que des nations eclairées
comprirent que ces arts ne pourroient sortir
de leur etat de grossiereté que lorsqu'on
accorderoit a tous les individus une liberté
entiere et egale pour les exercer a leur choix
et a chacun d'eux une consideration
proportionée a ses talens et ses succès
en chaque genre. Quel est en effet le
<39v> ressort le plus efficace d'emulations? nest
ce pas l'ambition de s'elever par ses talens et
ses succès? Jamais on ne verra un hom=
me exceller en son genre, si on lui ote tout
espoir de parvenir a quelque chose de mieux
ou pour lui ou pour sa famille; gener le
talent et le gout est le vrai moien de mul=
tiplier le nombre des hommes deplacés
dans leur etat. Quelles ont été constam=
ment les nations qui se sont le plus distin=
guées par leurs talens industrieux? tou=
jours celles ou les professions ont été li=
bres. Combien les chinois ne l'emportent ils
pas sur les Indiens ou les professions sont
distribuées par castes. Combien les Grecs et les Romains
ne n ont ils pas surpassé les Egyptiens?

Mille inconveniens sont attachés a la gene.

Les familles qui appartiennent a une classe
peuvent se multiplier a l'excès, alors com=
ment gagner leur vie? Si au contraire elles
deperissent, que deviendront ces professions?
Si on vient a reconnoitre le peu d'utilité et
le danger d'une profession ïntroduite, com=
ment que faire pour l'abolir: si l'on com=
prend la necessité de l'introduction d'un
art nouveau, ou prendre des sujets pour
l'exercer? A quoi enfin aboutit cette dis=
tinction des classes? a produire entr'elles
une separation entiere, un mepris mu=
tuel, une jalousie reciproque, ce qui rend
une Societé malheureuse.

PREMIERS OBJETS DES PROFESSIONS

Sans doute que les premieres professïons
introduites ne s'occuperent que des ob=
jets d'industrie relatifs aux premiers
besoins
, et tournerent leurs vües actives
vers le perfectionement de ces objets pour
en rendre l'usage plus aisé, plus commode
et plus sur. Ces objets furent 1° les armes
necessaires a la sureté et la deffense com=
mune <40> 2° les ïnstrumens de chasse peche et
de chasse, deux ressources qui meriterent
toujours une grande attention parmi
les Societés. 3° les ïnstrumens essentiels
a la vie pastorale et a l'agriculture,
les outils et les machines appropriées
aux divers travaux de l'homme et destinées a en
assurer le succès et les produits 4° les
preparations necessaires pour la nouri=
ture, les boissons, 5° la fabrique des
vetemens et des couvertures. 6° la
construction des abris portatifs et des
demeures fixes ou maisons, objet de
lArchitecture , qui suivit partout les pro=
grès de l'Agriculture, seule capable
de nourrir un nombre considerable
dhommes rassemblés en un même lieu.
1 ligne biffure

<40v> CHAPITRE VII
Introduction des arts de seconde necessité,
d'agrement et de luxe.

INTRODUCTION DES AUTRES ARTS.

Quel est le ressort qui a produit parmi les
hommes les arts de premiere besoin, quelque
peinïble qu'en soit l'exercice? c'est le senti=
ment deleurs foiblesse, et la necessité de re=
courir aux objets exterieurs pour assurer leur
conservatïon, de mettre ces objets a profit
par certains procedés laborieux, auxquels
il importoit de donner l'efficace la plus
1 mot biffure promte et la plus sure. Mais l'homme
n'etoit pas fait pour s'en tenir la; les prero=
gatives de son espece, son Intelligence, son
activité ïndustrieuse l'invitoient naturelle=
ment a tïrer parti de ces mêmes objets
un parti plus etendu et les mettre tous en
quelquesorte a contribution pour aug=
menter les ressources qui pouvoient rendre
son existence plus agreable et plus douce et
plus heureuse.

Tel a été le puissant ressort, qui, quand
ses besoins de premiere necessité ont été
satisfaits, a reveillé sa curiosité, excité
ses recherches, develloppé augmenté son industrie,
et multiplié ses inventions, pour joindre
au necessaire le commode et l'agreable.

Quand Ainsi quand l'Agriculture, secon=
dée des arts de premier besoin, fut assès
perfectionée pour porter dans une societé
l'abondance au dela de la consomma=
tion, quand surtout il yeut un certaïn
nombre de personnes en possession de
productions superflues et dont il leur
importoit de se desaisir, alors tous ceux
qui se trouvoient ainsi favorisés, pense=
rent naturellement a profiter de ce super=
flu pour se procurer divers objets de
cupidité  dont la jouissance pouvoit
augmenter leur bien etre et exciter
puissamment leurs desirs; ce qui pou=
voit <41> s'executer par echange contre
des objets de proprieté ou d'industrie,
qui leur seroient fournis par ceux
qui manquoient de ces productions
superflues dont l'acquisition devenoit pour ceux ci 1 mot biffure
1 ligne biffure absolument indispensable.

DIVERS OBJETS DE CUPIDITE.

Nous pouvons dïstinguer 3 classes d'objets
de cupidité.

1° les objets de commodité  c.a.d. des choses
dont les hommes pourroient se passer sans
que leur vie ni leur espece fut en danger,
mais qui ne laissent pas d'influer du plus
au moins sur leur bien etre, leur santé, leur
vigueur et dès la même sur la population
et la prosperité d'une nation, en repandant
au millieu d'elle le contentement, la joïe, la bonne humeur
et ce qui fait le bonheur de la vie sociale humaine.

Tels sont p. ex des alimens sains, variés
et entremelés, pour un service de table pro=
pre et decent, et ce qui peut contribuer a
soutenir l'appetit et les forces; des habita=
tions salubres, distribuées selon les saisons
et les divers usages domestiques, des ha=
billemens commodes et appropriés aux
divers temperatures, des meubles qui
procurent 1 mot biffure diverses aisances, des uten=
siles qui favorisent les diverses 1 mot biffure fonctions
de la vie 1 mot biffure ordinaire, des aides pour les di=
vers objets d'economie, pour la marche,
les transports et les diverses operations
rurales &c.

2° les objets d'agrement  cad. des choses
qui ne sont ni necessaires, ni même d'une
influence bïen directe et decisive sur la
vie animale et sur ce qui fait l'essentiel
du bien etre, mais qui peuvent cependant
contribuer a certains egards 2 mots biffure
et aux douceurs de l'existence, en procurant
a l'homme certains plaisirs, certaines res=
sources contre l'ennui et le degout, certaines
recreations pour le delasser de ses fatigues.
Telles sont toutes celles qui peuvent flatter
<41v> agreablement les sens, le gout, l'odorat,
les oreilles, les yeux, reveiller dans l'ame
des mouvemens de plaisir et de joie, la rendre
plus contente de sa situatïon ou plus dis=
posée a gouter les charmes de la vie sociale

3° les objets de faste et de luxe, cad. tout
ce qui n'aboutit qu'a relever l'eclat de l'exte=
rieur des uns et flatter leur amour propre,
pour en ïmposer aux autres, pour les humilier,
relever et produire au grand jour l'inega=
lité des fortunes. Tels sont les objets de pure
decoration en fait de batiment, d'equipage,
de parure, tout ce qui en est de pure parade,
et qui 1 mot biffure un vain etalage de somtu=
osïté, tout ce qui ne tient qu'a l'opinion et ne pro=
duit qu'un plaisir imaginaire et trompeur.
D'ou l'on voit que ceux de la classe preceden=
te rentrent dans celle ci, quand on en fait un
objet d'ostentation plutot que d'amuse=
ment et de recreation.

ARTS DE SECONDE NECESSITE, D'AGREMENT,
DE FASTE.

Le gout pour ces 3 objets de cupidité s'etant
introduit parmi les hommes avec l'inegali=
té des fortunes, il en est resulté necessaire=
ment que les pauvres, cad. ceux qui man=
quoient du necessaire, se sont occupés a
deploier toutes les ressources du genie et de
l'industrie pour imaginer et executer tout
ce qui pouvoit devenïr pour les riches
un objet de cupidité comme et dés la même
pour eux, un moien d'assurer leur subsis=
tance. Et ainsi sont nés, après les arts
de premier besoin, les arts de seconde
necessite, les arts d'agremens, les arts
de luxe, en general tous ces metiers, fa=
briques, manufactures, qui s'occupent a
faconner des matieres premieres, pour
en faire des objets de cupidité a presenter
aux riches en echange de leur superflu.

<42> IDEES SUR LES ARTS DE LUXE

Quant aux arts de luxe en particulier il est evident qu'ils
ont ete une suite naturelle de l'inegalité des
fortunes: mais il n'est pas de la même evi=
dence, si l'introduction de ces arts a été a=
vantageuse a l'espece humaine ou si le
luxe a produit plus de bïens que de maux
.
Pour repandre quelque jour sur cette ques=
tion il faut distinguer un luxe de ma=
gnificence, un luxe de raffinement, un
luxe de frivolité.

Le Luxe de magnificence , qui ne brille
proprement que dans les ouvrages publics
et dans la pompe des Grands, ne 1 mot biffure peut
etre 1 mot biffure desavantageux a une nation par
qu'il ne sauroit se propager des Grands
aux petits, et qu'il met ceux ci en oeuvre
qui pour les faire subsister: bïen entendu
qu'il ne retombe pas a leur charge par le
poids des exactions, des corvées, des tra=
vaux non payés, et que le peuple soit
epargné, comme il l'etoit chès les nations
anciennes, ou la magnificence ne se
deploioit qu'avec les depouilles et les contri=
butions des peuples vaincus et soumis.

Le luxe qui consiste dans des raffinemens
recherchés pour des objets d'usage, d'agrement,
ou de parade , ce luxe, sans utilité reelle,
devient très nuisible aux particuliers par
les depenses qu'il exige et qui se renouvellent
sans cesse: il n'est pas moins contagieux,
parce qu'il gagne de proche en proche tou=
tes les conditions et les fortunes: lorsqu'il
est une fois repandu, les plus riches se rui=
nent pour le soutenir, et les pauvres travail=
lent a s'enrichir par toutes sortes de voies
injustes pour s'elever au niveau des grands
par un faste  immoderé.

Les conditions une fois confondues par le
luxe de raffinement, on cherche encor a se
distinguer par le luxe  de frivolite , en eta=
lant pour la vaine gloire et pour la montre,
<42v> des choses qui n'ont que l'eclat, le merite de
la rareté et de la cherté: c'est ce dernier luxe
qui consomme la ruine des plus grandes fa=
milles et acheve de corrompre les moeurs.

Le Luxe ne sauroit s'elever a ce point chès
une nation, sans y augmenter la somme
des besoïns, et par la même des consomma=
tions. Or ce que le luxe dissipe en consomma=
tions superflues est autant de retranché
sur les consommations necessaires, et ce
retranchement retombe tout entier sur le
pauvre peuple. Les artisans occupés
aux objets de luxe sont autant de sujets
enlevés a l'agriculture, et de la nait le
rencherissement des denrées, la difficulté
de les obtenir, et la disette chès ceux qui
n'ont point de fond en propre. Les propri=
taires
même, qui sembloient devoir y
gagner, n'en deviennent pas plus riches,
parce que tous les objets d'ïndustrie ren=
cherissent pour eux en proportion de la
hausse du prix des denrées: ainsi le luxe
ne tourne au profit de personne; cha=
cun y perd.

Si l'on considere même la chose de près,
on trouvera que l'industrie qui s'exerce sur
des objets de luxe, ne produit chès une na=
tion aucune richesse reelle. Cette La va=
leur de ces objets est determinée par la
main d'oeuvre qui les façonne, et celle ci
est ne rend jamais que ce qui est necessaire pour
la subsistance de l'artisan, et de sa famille;
c'est ce qui a lieu generalement parlant
lorsqu'il s'agit d'une industrie repandue
et dont le prix est fixé; Ainsi l'artisan
du luxe ne fait autre chose que consumer
sa part du travail du cultivateur, et
il eut apporté a sa societé des richesses
beaucoup plus reelles, s'il eut fait sortir
lui même du sein de la terre les produc=
tions qu'il consomme. On ne peut pas dire
cela de ceux qui travaillent pour les
objets de besoïn.

<43> Il y a un temps ou le luxe semble mul=
tiplier la masse des richesses dans un etat;
il y anime l'industrie, il fait fleurir le com=
merce, il met tout en valeur, il multiplie
sans fin les jouissances: mais bientot il
fait languir l'agriculture, et dès lors il
diminue les ressources nationales: il en
desseche la vraie source et bientot après
succede l'apauvrissement general. Les
grands a la fin sont forcés de se retrancher;
les arts de luxe tombent, ceux qui en vi=
voient manquent de pain, et la nation
devient enfin miserable.

Malgré tout cela on ne sauroit disconve=
nir des grands avantages que le devellop=
pement de l'industrie, même dans les arts
de luxe, ait a apporté aux societés. Il est essen=
tiel au bonheur de celles ci que les riches mul=
tiplient les objets de leur depense, et les canaux
par lesquels leur superflu se reverse sur les
autres. Or il n'y a que les arts qui aient pu
les forcer a se dessaisir de leur superflu, et
par la on peut dire qu'ils ont multiplié les
ressources de subsistance, et favorisé en ce
point la population. 1 mot biffure Quoiqu'ils aient
oté des bras a la terre, d'un autre côté, en
augmentant la consommation et le prix
des denrées, ils ont contribué a donner
au cultivateur de l'emulation, et hater
les progrès de l'art, en sorte que la sous=
traction des bras a été bien compensée
par la regularité, l'energie, l'expedition
et le succès des operations de culture.

Les arts seuls, en produisant une circu=
lation rapide et continuelle des richesses
chès une nation, ont pu prevenir encor
prevenir jusques a un certain point la
trop grande inegalité des fortunes, d'ou il
ne resulte que oppression et tyrannie de
la part des riches, jalousie et injustice
de la part des pauvres.

<43v> Les arts ont même beaucoup influé sur
le devellopement des facultés Intellectuelles;
ils ont entretenu parmi les hommes l'Esprit
de societé en même temps que celui de liberté
et d'egalité, qui resultent de la multiplication
des besoins qui les rendent necessaires les uns
aux autres et rapprochent ainsi les condi=
tions et les fortunes; on pourroit dire même
quils ont contribué a eloigner les fleaux
destructeurs de la superstition et de la guerre
qui sont le triste appanage des peuples
grossiers et oisifs.

<44> CHAPITRE VIII.
Arts divers de seconde necessité, d'agre=
ment et de luxe, dont l'ïndustrie hu=
maine s'est occupée.

ARTS DE SECONDE NECESSITE.

Sous les arts de seconde necessité on peut
comprendre toutes les inventions et les proce=
dès dont les arts de premiere necessité ont été
successivement enrichis, en vüe de joindre
au necessaire, la commodité, l'aisance, la
facilité, la decence, la salubrité et même
l'abondance. On peut Ainsi a cette classe
on peut rapporter les arts.

RELATIFS  A LA NOURITURE.

L'art d'assaisoner les alimens pour les ren=
dre plus sains et plus agreables; l'art de
bien conditioner  le pain, pour le rendre
plus leger et plus savoureux; l'art du
cuisinier , boulanger , patissier . char=
cutier &, restaurateur  &c.

L'art de bïen preparer les boissons et en=
tr'autres la bierre et le vïn; quoiqu'il
faut joindre la culture de la vigne, d'en
perfectïoner le fruit pour obtenir un vin
de meilleur qualité, de bïen gouverner
celui ci pour le conserver, le bonifier
le rendre plus sain et fortifiant; l'art
2 mots biffure du brasseur, du sommeiller 
du vigneron, &c.

L'art de greffer et enter les arbres fruï=
tiers pour leur faire produire des fruits
plus beaux, plus exquis, plus variés,
et celui de naturaliser les productions des
pays etrangers et même eloignés; ce qui
a été indispensable lorsqu'il s'agissoit
d'etablir de nouvelles colonies, dans les
temps anciens; et n'a cessé dèslors de se
prattiquer; il n'est pas jusques aux pro=
ductions <44v> de l'Amerique qui n'aient passé
dans nôtre continent, entr'autres les pom=
mes de terre apportées par Drake l'an 1586.

Toutes ces operations sont comprises sous
le nom d'art du jardinier qui cultive dans
un enclos artificieusement planté tout ce
qui est propre au besoin et au plaisir. Cet
art primitivement connu des orientaux 
ne fut pas moins cultivé chès les
Grecs, temoins les jardins d'Epicure, et
ches les Romains, ou furent celebrés les jar=
dins de Pompée, de Lucullus, de Mecene,
de Marius, dont la maison de plaïsance
fut une echole d'instruction pour le jardi=
nier. Cet art est venu très tard a la
connoissance des Germains, et des Gau=
lois; il n'a même été bïen connu que du
siecle passé, et il doit ses progrès rapides
a le Nôtre et la Quintinie.

Il faut joindre ici l'art du service de la ta=
ble avec l'attirail des utensiles necessaires
pour manger commodement, propre=
ment et agreablement.

RELATIFS AU VETEMENT.

Dans les arts relatifs au vetement, on
peut comprendre la Tisseranderie per=
fectionée au point de fournir des etoffes
solides, 1 mot tache: presque? convenables, pour les divers
climats, les diverses saisons, et appropriées
aux diverses conditions, par rapport
a la matiere et aux couleurs; dès la
même de differens prix assortis a la diver=
sité des fortunes: mais ceci peut aussi
appartenir aux arts d'agrement dont nous
parlerons plus bas.

<45> Il faut y joindre l'art du tailleur  qui
consiste a donner a l'habillement des for=
mes convenables pour le rendre moins ge=
nant, plus commode, et presenter aux
yeux un aspect plus gracieux. Il est
vrai qu'au lieu de reduire cet art aux
termes de la pure commodité, on en a
fait en divers lieux un art 1 mot biffure non seulemen
d'agrement, mais encor de luxe, de frivoli=
té, de petite maitrise: qu'auroiton pu
imaginer de moins commode, de moins
naturel, 6 mots biffure
1 mot biffure, que des pourpoints et haut
de chausses, des habits a paniers et plis=
sés, justes au corps et boutonnés &c

N'oublions pas l'art du cordonnier  qu'on
ou l'on a aussi completement substitué
la frivolité et la gene et a la commodi=
te et la salubreté; l'art du bonetier  et
celui du chapelier  qui est d'une invention
recente, car la mode des chapeaux  ne
remonte pas au dela du regne de Charles
VI en France; l'art du perruquier qui
a tant exercé l'imagination de ceux
qui tirent leur subsistance de la succes=
sion rapide des modes &c.

RELATIFS AU LOGEMENT.

Nous pouvons mettre au rand des arts
de second besoin relatifs au logement ,
l'architecture, pour ce qui regarde la
distribution appropriée aux influences
du climat et des saisons, aux divers usa=
ges et commodités de la vie. l'assortiment
convenable des jours, une certaine regula=
larité <45v> ou Symmetrie qui peut contribuer
a la facilité des operations domestiques
et a la salubrité.

Il faut y joindre l'art relatif a l'ameuble=
ment pour pourvoir une maison de meu=
bles et utensiles  appropriés a chacun des
dïvers besoins domestiques, 1 mot biffure a chacune
des operations journalieres, pour epargner
du temps et de la peine et mettre partout
de l'aisance. Des sieges garnis de 1 mot biffure
peaux ou de laine, de coussins, des lits 
commodes et bien fournis pour reposer
tranquillement pendant la nuit, des
petits lits pour se reposer pendant le
jour de quelque fatigue ou pour prendre
ses repas, tels quils furent en usage du
temps 1 mot biffure
chès les Asiatiques,
ches les Grecs, chès les Carthaginois, ches
les Romains. Ceux qui y etoient couchés
avoitent le corps elevé sur le coude gauche
et ils prenoient leur manger de la main
droite: quant ils vouloient se reposer
leur dos etoit soutenu avec par des traver=
sins. Scipion l'Africain apporta de Car=
thage a Rome l'usage de certains petits
lits tout simplement rembourés ; mais
on ne tarda pas a rencherir, et l'usage
de se jetter en sortant du baïn sur des
lits fit prendre l'habitude de les garder
1 mot biffure pour manger: cette coutume a
la fin devint generale dans tout l'Em=
pïre. Mais il ne fut encor questions ni
de pavillons, ni 2 mots biffure
2 lignes biffure
2 mots biffure
On ignoroit encor aussi
les meubles de commodité et d'agrement
que nous avons de nos jours, cheminée, vitra=
ge, lustre, glaces, 2 mots biffure &c.

<46> ARTS RELATIFS AUX OUTILS. MACHI=
NES. VOITURES.

Il faut joindre ici les arts qui se sont occu=
pés a perfectioner ou inventer toutes sor=
tes d'instrumens, d'outils, de mechanismes,
pour favoriser les mouvemens, les pro=
cedés journaliers, pour 2 mots biffure 2 mots biffure
1 mot biffure faciliter toutes sortes d'ouvrages, et en abre=
ger l'execution; entr'autres les divers ex=
pediens inventés pour le transport des
personnes, avec leur attirail de bagages
et de marchandises. La premiere voiture 
fut une espece de brancard   ou chaise
couverte, emploiée pour le transport des
personnes impotentes, et lorsqu'on eut pris
le gout de l'aise et du luxe, des personnes
même en santé distinguées par leur digni=
té ou leur opulence. Cette voiture etoit
portée par des hommes comme cela se prat=
tique encor en Orient, et entr'autres a la
Chine, ou on l'appelle Palanquin. Elle
fut fort a la mode chès les Romains qui
se faisoient porter ainsi par leurs esclaves.

Dans la suite on donna a cette voiture
la forme d'un coffre fermé et on la fit por=
ter par des betes de somme: on l'appella
Lectica .

Pour le transport des bagages et des mar=
chandises on emploia le char a 2 et 4
roues trainé par des animaux de trait; pour
le faire servir au transport des personnes,
on lui donna une forme plus legere, qu'on
appella chariot; ils furent d'abord grossie=
rement faits; ches les Grecs et les Romains
<46v> ils devinrent avec
le temps un peu
plus lestes, et plus
brillans; on y em=
ploioit dans les cere=
monies des chariots
ornés d'or, d'ar=
gent et d'yvoire.

Des lors on a emploie imagine divers expediens pour
les rendre plus commodes; on les a couvert
ensuite on en a fait un coffre suspendu
sur des couroies fixées a des ressorts, pour
addoucir les cahots, et de la sont venus
les carosses , coches . fiacres. cabriolets 
visquets, et tout ce qui coupe en ce
genre les charons . et les Selliers .

ARTS D'AGREMENT ET DE LUXE

Nous avons dit que tous les arts de secon=
de necessité peuvent devenir des arts d'agre=
mens lorsqu'on y joint ce qui a pour but prin=
cipal, le plaisir, l'amusement, et une sorte
de raffinement dans les jouissances dont
on pourroit se passer; nous pouvons dire
encor que tous les arts d'agrement peuvent
devenir autant d'arts de luxe et de faste
lorsqu'on passe les bornes, et qu'on donne
1 mot biffure dans des excès qui ne sont que de
pure ostentation, et n'ont d'autre but que
de ceder a l'opinion et satisfaire l'amour
propre qui aime a briller et s'elever sur les
autres.

ART DE CUISINE 1 mot biffure ET 1 mot biffure SERVICE

1 mot biffure L'art du cuisinier qui peut etre envisagé comme
de second besoin, et utile, lorsqu'il ne tend
qu'a soutenir l'appetit naturel, devient
une affaire de pur agrement et même
de faste et de luxe, lorsqu'il sexerce a relever
<47> le gout des alimens par des assaisonne=
mens recherchés, etudiés, dispendieux, ou
la somtuosité a beaucoup plus de part que
le plaisïr; il devient même extremement
funeste, lorsqu'il est porté au point de subs=
tituer a l'appetit naturel un appetit factice
qui 2 mots biffure et trompeur, a un appe=
tit naturel emoussé par la continuité
des excès.. Cet art perfide s'introduit de
3 mots biffure
premierement en orient ou les peuples
naturellement sensuels, chercherent a ren=
dre leurs mets plus piquans par les dïver=
ses productions que pouvoit fournir leur
climat. Le commerce porta ces productions
aux autres nations qui les recurent com=
me un bienfait, et la volupté en regla
l'usage avant qu'on put en decouvrir le
danger.. Les Perses qui pousserent
fort loin le luxe de la table, le trans=
mirent aux Grecs qui rencherirent encor
sur eux pour la delicatesse. Les Romains
un fois puissans et riches se degoute=
rent de leur ancienne simplicité, et se
lïvrerent aux exces les plus honteux: peu
a peu la contagion 1 mot biffure de leur exemple gagna toute
l'Europe. Ils se piquoient de servir sur
leurs tables tout ce que la nature pouvoit
offrir de plus exquis et cela dans tous les
pays ou ils avoient penetré. Ils manquoient
de nos sucres, de nos epiceries, mais ils avoient
aussi divers genres d'assaisonnemens que
nous ne connoissons pas. Les Italiens
ont formé leur cuisine sur celle des Ro=
mains, et c'est de ceux la que les Francois
ont tiré la leur quoique les disciples n'ai=
ent pas tardé longtemps a surpasser
leur Maitres.

Les modernes ont laissé bien en arriere
les anciens pour les lïqueurs spiritueuses;
mais a quoi cet art a til servi si ce n'est
<47v> multiplier les poisons destructeurs de
l'espece humaine.

Pour le service  de table, les modernes ont
eu l'avantage de la porcelaine et même
de la belle fayence; ils ont surpassé les
anciens pour la propreté, l'ordonnance
et le frequent changement de service:
mais le faste et le luxe de ceux ci fut
tres grand en vaisselle d'or et d'argent.
bassins, coupes, plats &c.

ETOFFES PRECIEUSES. SOIERIE

L'opulence introduisit aussi l'art de sou=
mettre diverses matieres rares au tissu,
pour en faire des etoffes precieuses, plus
faites pour l'agrement et la parade que
pour le besoïn.

On peut donner le premier rang a cette
singuliere industrie qui a su tirer d'un
insecte degoutant a la vue, une matiere
filamenteuse, dont on fait les etoffes les
plus riches, et les plus estimées parmi les
grands, je veux dire la soierie. Connue
depuis longtemps chès les Indiens et chès
les Chinois, c'est d'eux que les Europeens
en ont appris l'usage et la fabrique. Les
Romains crurent que la soie etoit l'ou=
vrage d'une araignée commune ches
les Seres, peuple de Scythie, d'ou ils l'ap=
pellerent Sericum. Ils en recurent de
diverses contrées des Indes, mais ils ne surent
gueres s'en servir; d'ou vient que les ouvrages
en soie furent si rares dans l'empire pen=
dant plusieurs siecles, et de la plus grande
cherté. Deux Moines revenant des Indes
<48> en l'an de l'Ere C. 555 apporterent avec
eux une grande quantité de vers a soie a Cons=
tantinople, avec toutes les instructions neces=
saires pour etablir des manufactures, et
il s'en etablit en effet a Athenes, a Thebes,
a Corinthe: cet art passa en 1130 aux
Siciliens et aux Calabrois, qui le transmi=
rent a leurs voisins, a l'Espagne et a la Fran=
ce. Henry II en France, et Elisabeth en
Angleterre, furent les premiers qui por=
terent en Europe des bas de soie. Dans le
XVIII. Siecle on apprit a donner du lustre
aux soies, et dans celui ci on a perfectioné
le gouvernement des vers, la culture des
muriers, l'art du filage et la fabrique
des etoffes.

TEINTURE

L'industrie s'est aussi beaucoup occu=
pée de la teinture  qui consiste a prepa=
rer divers ingrediens que la nature four=
nit pour diversifier agreablement la cou=
leur des etoffes dont on s'habille. Les peu=
ples Sauvages se plaisent a teïndre leur
corps a nud de diverses couleurs, et ils
ils savent même teïndre les matieres soli=
dement avec des feuilles de certains arbres
qu'ils pilent et delaient dans l'eau; comme
ceux du Chili font entr'autres des teïntu=
res qui peuvent souffrir plusieurs fois
l'epreuve du savon sans se decolorer.

Les anciens peuples auront eu aussi
des expediens de ce genre; des fruits, des
plantes qu'on aura ecrasées, l'effet des
pluies sur certaines terres, sur certains
mineraux, auront fourni par hazard
l'idée de diverses matieres propres a la
teinture. Le secret de la teinture est très
ancien chès les chinois et les Indiens.

<48v> POURPRE

La decouverte de la pourpre  düe a un pur
hazard a valu aux Tyriens une grande
celebrité. Le Roi de Phoenicie auquel on
presenta les premiers essais de cette couleur,
a ce que porte la traddition, l'avoit reservée
pour le Souverain seul. Suivant Homere,
il n'appartenoit qu'aux Princes de se vetir de
pourpre. Elle fut consacrée au service des
Dieux, et pendant longtemps ce fut la marque des
premieres dignités. Dans la suite elle devint
l'equipage des gens opulens, comme un
grand objet de luxe, on parle de certaines
etoffes pourprées a la maniere des anciens
qui avoient conservé leur lustre pendant
plusieurs siecles.

ECARLATE

La teinture en ecarlate  d'un rouge vif et
brillant, qui se tire du suc renfermé dans des
coques ou grains rougeatres, qu'on receuille
sur l'yeuse, espece de chêne verd, et qu'on
appelle vermillon, cette teinture disje, fut bien
connue des anciens; mais depourvus de
preparations chymiques, ils n'ont jamais pu
parvenir a l'ecarlate fïne qui est la plus
eclatante de toutes les couleurs. En general
3 mots biffure L'art de la teïnture demeura chès eux tou=
jours imparfait, parcequ'ils emploioient
pour 2 mots biffure cela le sang des animaux, le plus
souvent tout crud, sans y meler les sels, les
acides, les mordans, et les preparations chy=
miques 2 mots biffure dès lors prattiqués pour
rendre les couleurs durables; Il est 1 mot biffure
certain du moins que pour la solidité des couleurs
les modernes ont trouvé des expediens beau=
coup plus commodes et plus surs que tous
ceux qui avoient pu etre connus et em=
ploiés par les anciens.

<49> NUANCE ET BRODERIE

Il faut rapporter ici l'art de la nuance 
qui fait entrer des fils de differente teinte
dans le tissu même des etoffes, et celui de la
broderie  qui a l'etoffe fabriqué ajoute
par le moien de l'aiguille, des fils d'autre
teïnte, des fils de soïe, d'or ou d'argent, en
suivant un certain dessin pour tracer des
figures agreables. L'invention du premier
est attribuée aux Babyloniens, celle du
second aux Phrygiens. L'un et l'autre fu=
rent connus de bonne heure des Grecs; ils
n'ignorerent pas même l'art de faire entrer
dans le tissu de minces lames d'or; ne con=
noissant pas le filage de ce metal, ni la
dorure, ils ne savoient faire autre chose
que revetir de lames d'or extremement min=
ces les matieres qu'ils vouloient relever
par l'eclat de ce metal.

PARURE. ORNEMENS. TOILETTE

Chès toutes les nations un sexe a cherché
a plaire a l'autre par certains agremens ornemens 
propres a relever les agremens naturels
de la figure, et donner a celle ci de l'inte=
ret. Les peuples sauvages tressent leurs
cheveux, ils y attachent des plumes de
differentes couleurs, avec des aiguilles
d'yvoire ou d'argent, ils se peignent le
visage en blanc et en noir, ils cherchent
a donner une forme artificielle a leurs
oreilles et a leur Nez; ils percent l'un et
l'autre pour y ajuster des pendans &c.

Les femmes parmi eux ont aussi leur
Toilette : elles se donnent peine pour
arranger leurs têtes: elles font des boucles
a leurs cheveux, ou les renferment dans
<49v> des rubans, ou des plaques d'argent; elles
les teignent; elles se colorent aussi le visage,
et elles s'ajustent de grandes mouches de
couleur. Au Sud du Mogol, les femmes
se font decouper la peau en fleurs et la
peignent de diverses couleurs avec des jus
de racines. Aux Indes, les Banianes por=
tent des pendans, des colliers et des anneaux,
plus ou moins precieux, passés dans le
Nez, aux doigts, aux bras, aux jambes
et aux orteils. Nous avons vu (S. 1.)  tous
l'attirail des ornemens des femmes chès les
anciens orientaux; leur parure  n'etoit pas
moins recherchée, jusques la qu'elles se noir=
cissoient le tour de l'oeuïl d'Antimoine, deja
du temps de Job . Usâge qui
passa aux filles de Sion  et s'est
conservé encor chès les femmes de Syrie
et d'Arabie. Il n'est pas douteux que
les anciens peuples n'aient aussi recher=
ché de pareils moiens de plaire artificiels,
et n'aient adopté de bonne heure ceux
qu'ils ont pu recevoir de l'orient. A me=
sure qu'ils se seront civilisés, ces moiens
seront venus plus etudiés et plus raffinés.

Ainsi chès les Grecs et chès les Romains,
les hommes frisoient  leurs cheveux, ils les par=
fumoient, ils les ornoient d'anneaux d'or et
d'argent, qui servoient a serrer les boucles. Les
femmes prenoient aussi grand soin de leur
coëffure ; elles usoient de drogues pour netoier
et blanchir la peau, embellir leur teint, elles
se mettoient du rouge jusques sur leurs levres,
elles se noircissoient les sourcis et le tour
des yeux; Elles portoient des colliers  d'or,
des brasselets  d'or garnis d'ambre, des pen=
dans d'oreille a trois pendeloques, des anneaux 
ou bagues  aux doits qu'on donnoit aux
Epouses le jour des fiançailles. Les colliers
<50> entrautres sont d'un usage des plus an=
ciens. On en paroit le sein des deesses: ils
etoient la recompense des Heros.

Cet art pour les ajustemens a aprouvé
bien des variations: mais la methode
Romaine se repandit, sans doute, en
Europe, mais le temps y a introduit de
grands changemens surtout depuis l'in=
vention de la poudre  a cheveux, celle des
perruques  pour les hommes et des epin=
gles  pour les femmes. La poudre n'est con=
nue que depuis le XVI siecle: au siecle
passé même les comediens seuls en fai=
soient usage et seulement sur le theatre.

Les premieres perruques furent faites a
Paris en 1620. Aux brochettes de bois
on substitua les epingles imaginées en
angleterre en 1543. Les Dames Europeenes
ont borné leur fard  au blanc et au rouge,
mais elles ont sans cesse changé de modes pour les
coeffures et les ajustemens; Ce qui a produit
un luxe tres dispendieux ou l'on ne voit
que vanité, caprice et coqueterie .

<50v> PIERRES PRECIEUSES. TAILLE

Les hommes ont toujours fait grand cas de
ce qui peut fixer sur eux les regards, et don=
ner aux autres une idée avantageuse de
leur opulence. De la ce gout pour des
galons  dont ils se sont plu a couvrir leurs
vetemens pour en imposer par une surfa=
ce brillante, et ces ornemens en pierres
precieuses dont la valeur n'est fondée
que sur l'eclat eblouissant, et leur rareté
qui en rend l'acquisition couteuse. On
aura connu de bonne heure les pierres
precieuses colorees de couleur, puisqu'elles
se trouvent dans les mines même ou les
metaux se forment, dans les rivieres, et
même a la superficie des terres ou les
torrens les deposent. Quoiqu'etant brutes,
elles n'aient pas une couleur bïen vive,
elles ont neanmoins assès d'eclat pour
avoir pu exciter l'attention. Quelqu'un
en aura trouvé une cassée par quelque
accident naturel, il n'aura pu qu'etre frap=
de l'eclat du brillant de ces cassures; Cela lui aura
fait naitre l'idée d'en chercher de sembla=
bles, et d'imiter l'accident de la nature en
les cassant ou en s'etudiant a les decrasser,
ou leur enlever cette ecorce terne dont
on les trouve envellopées. On aura aise=
ment ïmaginé l'expedient de frotter  ces
pierres l'une contre l'autre, ce qui leur au=
ra d'abord donné un poliment  grossier;
puis on se sera avisé d'emploier la poudre
même de ces pierres obtenue par le frot=
tement, ou de les 2 mots biffure par les coups de marteau,
pour operer un poli plus parfait, et on
aura trouvé que cela leur donnoit encor
beaucoup plus de brillant declat. Tout cela
aura été executé sur toutes les diverses
pierres precieuses, et enfin on aura
trouvé plus expedient de substituer a la
poudre des pierres même, la poudre deme=
ril qui n'a pas été inconnue aux anciens.

<51> Ainsi sera né l'art du lapidaire  qui con=
siste a tailler et polir les pierres precieuses,
pour leur donner tout le feu, le brillant,
et l'agrement dont elles sont susceptibles. Les
lapidaires de Paris qui formoient deja un
corps en 1260 ont porté leur art dès lors
au plus haut point de perfection. Des
les temps anciens on a connu et celebré
les saphirs, les rubis, les topazes, les eme=
raudes, les jaspes, et autres pierres de cou=
leur qu'on appelle orientales.

DIAMANT.

Maïs le Diamant  n'a été connu que long=
temps après, parceque cette pierre brute ne
ressemble qu'a un grain de sel, a un sim=
ple caillou d'un gros blanchatre, sale et
terne, a la simple vüe duquel il ne vient
pas seulement en pensée qu'on puisse par
le travail, en tirer quelque parti. Ce qui
est arrivé aux diamans du Bresil, dont
on n'a connu le prix que depuis un demi
siecle, est arrivé a tous les autres dïam=
mans, pendant bien des siecles: on les
fouloit aux pieds sans en tenir comte.

Enfin on parvint a connoitre le merite
de ces diamans bruts appellés ingenus ,
ou pointes naives, d'un naturel poli,
taillé a facettes , transparant, tirant un
peu sur le noir, d'ailleurs sans beaucoup
de jeu, de vivacité et d'agrement. Mais
on n'en connoissoit pas d'autres, et ceux
qu'on a conservés dans plusieurs monu=
mens anciens, ne sont pas autre chose: ils
ressemblent a des morceaux d'acier brunis.

Les vrais Diamans ne sont connus que
depuis environs 300 ans que Louis van
Berchem trouva le secret de polir les Dia=
mans bruts, premierement en les frottant
l'un contre l'autre, ensuite par le moien
de leur propre poudre, et a l'aide
<51v> dune machine pour augmenter l'effet du
frottement, et parvint enfin par la a les
tailler a volonté et a facettes regulieres.

ART DE METTRE EN OEUVRE.

Les pierres precieuses polies et taillées n'ont
pu servir d'ornement sans etre montées
en or ou en argent et disposées avec une
symmetrïe agreable: dela l'art du met=
eur en oeuvre qui s'occupe a monter
les pierres precieuses travaillées pour en
faire des ornemens, tels que les pendans
d'oreille, les bracelets, les bagues, les ca=
chets &c art aussi ancien que celui du
lapidaire; mais dont les procedés ont été
assès grossiers jusques a ce qu'on ait mis
en usage la sertissure  qui consiste a
rabatre des parties fines et deliées du me=
tal pour fixer et assurer solidement la
pierre precieuse.

ORFEVRERIE

Mais ces joiaux de dïvers genres ou l'on
enchassoit les pierres precieuses supposoient
le travail de l'orfevrerie  qui consiste
a travailler l'or et l'argent pour leur don=
ner diverses formes d'utilité et d'agre=
ment. Cet art fort connu des anciens
peuples orientaux ne l'aura été des autres
peuples que depuis 1 mot biffure quils auront decouvert 1 mot biffure ces
metaux, et qu'ils auront appris a les affiner
et a les travailler. Ce fut chès eux un des
premiers fruits de l'opulence, qui fut
ensuite poussé plus loin a mesure que
le faste fit des progrés. Cet art fut culti=
vé de très bonne heure chès les Grecs;

<52> Les Romains en firent aussi grand cas: les
Empereurs d'Orient la soutinrent beaucoup
dans leurs etats: mais depuis les invasions
des Sarrasins, elle passa chès les Europeens
qui l'ont elevée a une haute perfectïon
pour l'elegance des formes et la beauté
de lexecution.

DAMASQUINURE.

Une des principales branches de l'orfevrerie
fut l'art de mêler l'or avec l'argent, de fai=
re avec la soudure  des composés de pieces
de ces deux metaux, en y enjoignant même
d'autres, art qu'on a appellé Damasqui=
nure, parcequ'il fut inventé a Damas,
d'ou il passa sans doute de très bonne heu=
re chès les Grecs; car on voit par la descrip=
tion que Homere nous a laissée du bou=
clier d'Achille, quils surent allier dans le
même ouvrage, le cuivre, l'etain, l'or et
l'argent, et même avec l'impression du feu
sur ces metaux, et par leur melange, ren=
dre la couleur naturelle des divers objets.

Ils transmirent cet art aux Romains, et
ceux ci aux Gaulois, qui l'ont fait passer
aleurs descendans, chès qui la Damas=
quinure, surtout depuis le regne de
Henry IV, a été portée au plus haut de=
gre de perfection et de beauté.

ART D'INCRUSTER.

Les anciens firent aussi beaucoup de
cas de l'art d'incruster  dans le bois 1 mot biffure
des plaques d'or, et d'argent et d'yvoire
qu'ils savoient y ajuster proprement
et artistement, en y ajoutant des bas
reliefs: par le même art ils faisoient
des ouvrages de marqueterie.

<52v> LUXE DES MEUBLES.

Les meubles de luxe chès les anciens fu=
rent le fruit des arts precedens, mis en
oeuvre par l'opulence; des utensiles d'or et
d'argent, des bassins , des vases , des coupes 
travaillés et faconnés au marteau et
même ornés de figures ciselées . Les autres
meubles etoient des tables et des sieges
incrustés d'or, d'argent, d'yvoire, des
beaux trepieds, des cuvettes, des vases
precieux pour la matiere et le travail.

Les siecles suivans n'ont pas abandonné
ce genre de luxe, mais dans les derniers
temps, on 2 mots biffure a substitué en grande
partie a l'or et a l'argent, des matieres moins
precieuses, mais et d'un usage beaucoup
plus agreable, telles que la porcelaine
le cristal , le verre, des bois precieux
travailles avec un gout exquis, en mou=
lures &.

Les anciens porterent fort loin le luxe des
Lits quant au travail du boïsage et de
lincrustage. Les Romains depuis leur
relachement firent usage de matelas de
la laine de Milet, et du duvet de plumes
le plus fin. Ils emploierent le bois de cedre
d'ebene, de citronnier, enrichi d'incrus=
tage, de marqueterie, de figures en relief;
ils eurent même des lits d'yvoire et d'ar=
gent massif, avec des couvertures fines
en pourpre rehaussées d'or; Quelque
brillant que fut cet appareil, tout cela
napas approché du raffinement des
<53> modernes enfait de pavillons, imperia=
les, ciels de lit, rideaux, garnitures
precieuses &c.

VERRERIE.

Une branche de luxe de l'art qui n'a pas été con=
nue des anciens c'est la verrerie. Ils y
suppleoient par diverses matieres transpa=
rentes, le cristal de roche, le talc &c

On dit que les Sidoniens faisoient en
verre  des ouvrages polis au tour et d'un
gout exquis; cela peut s'entendre de quelque
matiere ou même de quelque composition
transparente qu'ils imaginerent, mais
ce n'etoit pas nôtre verre. Les Romains
2 mots biffure emploioient la pierre Speculaire , ainsi appellée a cause
de sa transparence, pour garnir les fene=
tres, les litieres, les ruches. Du temps de
Seneque l'usage en devint si general
qu'il y avoit nombre d'ouvriers unique=
ment occupés a la travailler et a la poser.

L'invention du verre proprement dit
tel qu'il se travaille aujourdhui, est le
fruit de la chymie perfectionée a
qui seule il appartenoit d'en soumettre
la composition et la fusion a des regles
constantes et en multiplier a l'infini les
formes et les usages.

MIROIR

L'amour propre a fait chercher de bonne
heure aux hommes les moiens de rendre sen=
sible a leurs yeux leur propre image. Cela
ne pouvoit se faire que par la reflexion, des raisons et
la nature leur a fourni le moien et en
meme temps le modele dans le cristal des eaux.

Dela nacquit l'idée de chercher un instru=
ment a reflexion portatif et qu'on put
avoir commodement sous les yeux. C'est
ce qu'on appelle miroir . On fit en orient
<53v> des miroirs de metal poli qui y sont
encor fort en usage. On en fit chès les
Grecs et les Romains d'airain, ensuite
d'etain et de fer bruni; puis d'airain
et d'etain melés ensemble qui furent
trouves superieurs. On ne les quitta
que pour des miroirs d'argent dont
linvention est due a Praxitele. Le
luxe mit de riches ornemens aux
miroirs et en decora les appartemens.

On en incrusta sur les plats; les tasses;
les goblets en furent garnis. Depuis
l'invention du verre, on s'avisa d'en
faire de verre etamé  qui surpas=
soient tous les anciens.

Lidée vint de leur donner toute la gran=
deur possible, et cela donna naissan=
ce aux glaces . Avant le XIII siecle, on
scut faire 1 mot biffure en Allemagne des
miroirs de glace soufflée , dont la fabri=
cation a passé de la a Venise. Les
grandes glaces coulées n'ont paru en
France qu'en 1688 de l'invention de
Thevard.

PORCELAINE

Depuis longtemps les chinoïs ont
trouve le Secret de la porcelaine
et le hazard la fait decouvrir
dans ce siecle en Allemagne et
en France, ou il se fabrique dela
porcelaine qui a le dernier degre d'ho=
mogeneite, et soutient un feu ar=
dent; mais la maniere d'y appliquer
les couleurs n'a eté trouvee qu'en
1749.

<54> 

<54v> CHAPITRE IX.
Des beaux arts liés avec le dessin.

2 mots biffure BEAUX ARTS

Le genie a produit les beaux arts, non par
une creation de ce qui n'etoit pas, mais par
une imitation de ce qui est. Cette imitation
de la nature, principe commun a tous ces
arts, n'a pas a la verité, pour tous la même
etendue. QuelquLes uns ne presentent dans leurs
tableaux que ce qui est soumis a la vüe; tels
sont la Gravure, la Sculpture, la Peïnture
l'architecture, liées avec le dessin. Les 1 mot biffure autres
embrassent tout ce que l'imagination peut
saisir, 3 mots biffure; tels sont la Poësie
et l'Eloquence. La musique même qui
semble n'offrir ses tableaux qu'a un seul
sens, saisit toutes sortes d'objets, elle peint
tout ce qu'on entend, ce qu'on voit, même
ce qu'on ne voit point; elle offre l'ïmage du
repos par une expression qui suppose du est liée au
mouvement; avec sa magie, on peut
reveiller dans l'ame les sentimens qu'y font
naitre la nuit, le sommeil, le silence, et
les mouvemens que lui fait eprouver, le
cours des eaux impetueuses, l'orage,
la tempête, la vüe des deserts &c.

Pour distinguer ces arts des mechani=
ques, on les a appellés chès les Romains libe=
rales, liberaux , comme ne devant etre
exercés que par des personnes d'une condi=
tion libre; nous les appellons beaux arts 
parce qu'ils doivent toujours nous rappeller
au vrai beau au beau essentiel, immu=
able, invariable, dont la nature nous offre
l'original et le modele. Si on ne les envisage
que relativement aux besoins de a la vie
animale, ce sont des arts de pur agrement
mais ils sont moins d'une très grande
<55> utilité pour la vie d'Intelligence si le devel=
lopement des belles facultes de l'homme l'ame,
et les charmes de la vïe humaine.

BEAUX ARTS LIES AVEC LE DESSIN.
ORIGINE ET PROGRES DE CELUI CI.

Le premier des arts liberaux a été le des=
sin qui a pour but de presenter aux yeux
la copie des objets que la nature nous of=
fre. Le besoin que les premiers hommes eu=
rent de former des allignemens ou pour
des operations de culture, ou pour façon=
ner des materiaux et construire des demeu=
res, les conduisirent naturellement a diri=
ger leurs operatïons par des lignes droites.

Mais peu a peu ils apprirent a mettre une
certaine varieté agreable dans les contours
par differentes inclinaisons de lignes, ou
courbures, selon les diverses choses qu'ils vou=
loient faire, ou pour imiter diverses formes
des objets de la nature dont ils avoient été
frappés. Dela naquit l'art du dessïn  qui
fut le principe des autres arts imita=
teurs, la gravure, la sculpture, la peïnture
et même l'architecture. Cet art, quoique
très souvent rapporté aux besoins de la
vie, dans ses progrés et ses diverses bran=
ches, devint un art d'agrement, qui s'est
repandu chès tous les peuples. Les plus
sauvages en effet ont constamment mar=
qué un gout decidé pour copier les objets
dont ils etoient frappés, et cela seul prou=
ve que le dessïn ne sauroit deavoir 1 mot biffure
son origine ni a aucun peuple, ni a au=
cun particulier, ni a aucun cas fortuit,
mais unique qu'il la doit uniquement 1 mot biffure
1 mot biffure au penchant naturel des hom=
mes pour l'imitation.

<55v> Le premier moien dont on s'avisa pour tracer
exactement les contours  d'un objet fut fourni
par la projection de son ombre: on en suivit
les traits sur une la surface ou elle etoit pro=
jetée, avec un charbon, une craye &c et
cette delineation  offrit une ressemblance sen=
sible avec l'objet. Ce procedé pris dans la
simple nature conduisit a de nouvelles ten=
tatives: on essaia de copïer les contours pris
a la seule vüe, on accoutuma la main a se
laisser guider par l'oeuil, et on parvint a
rendre en petit sur le papier les objets sou=
mis a l'imitation, en observant les propor=
tions appercues. Mais ce n'etoit encor
la qu'une expression grossiere 2 mots biffure,
du profil ; 5 mots biffure on s'etudia a
de dessiner aussi les parties ïnterieures en tra=
cant entre les contours quelques traits cor=
respondans: ainsi après avoir pris les con=
tours d'une tête, on chercha a exprimer
les yeux, le Nez, la bouche. Tout cela se
fit d'abord avec quelque matiere qui ne
laissoit après elle que des traces colorées
sur une surface. Dans la suite on cher=
cha 4 mots biffure emploia un instru=
ment pointu, propre a sillonner la une ma=
tiere tendre comme l'argile, la cire, l'ecorce,
enfin on pensa a l'imprimer le dessin avec un
style de metal, sur quelque matiere plus
dure et plus propre a retenir longtemps
les traits. 2 mots biffure C'est ainsi que les peuples meme sauvages
3 mots biffure emploient des instrumens gros=
siers de pierre dure leurs figures etoient pour dessiner des
ordinairement dessinées figures sur des arbres
depouillés de leur ecorce. De ces premiers
dessins sont partis tous ceux qui appar=
tiennent a la gravure.

<56> GRAVURE EN CREUX.

Depuis l'invention de la trempe, le style  est
devenu un burin , instrument de metal
poïntu qui dirigé avec la seul main, ou
la main armée du maillet, sert a tracer
par excavation  un dessïn sur le bois, la
pierre et le metal même: operation de l'art
qu'on a appellée gravure  en creux. Elle
a ete bien connue des anciens Grecs
et des Romains.

GRAVURE EN PIERRES FINES

Une des dernieres gravures en creux aura
été celle en pierres fines, qui demande des
outils très fins et très delicats, une grande
sureté de mains et beaucoup d'adresse. On
emploia d'abord les mêmes expediens, les
mêmes mordans , que ceux qu'on emploioit
deja pour la taille et le polïment des mêmes pier=
res. La gravure  des orientaux ne fut peut=
etre 1 mot biffure autre chose; elle fut ou moins peu au dessus
de celle qu'on a trouvé etablie chès les Peru=
viens, et on peut en dire autant de celle
des anciens Europeens. Elle fut beaucoup
superieure chès les Egyptiens, qui la trans=
mirent aux Pheniciens, comme ceux ci aux
Grecs, les Grecs aux Etrusques; d'ou elle
passa aux Romains. Les plus belles gravu=
res en pierres fines nous sont venues de la
Grece: on y trouve la correction du dessin,
l'elegance des proportions, la finesse des
expressions, la naiveté des attitudes et
un caractere sublime.

<56v> Laurent de Medicis tira de l'orient et sur=
tout de la Grece, quantité de pierres gravées
qui firent renaitre en Italie le gout et le ta=
lent pour ce genre de gravure, ou le premier
artiste celebre fut un de Florence graveur
en cornalines.

Claude Briagues a été le premier qui s'est avi=
se de graver sur le diamant.

GRAVURE EN IMPRESSION.

Quoique les anciens aient pu tracer sur le
marbre et sur le bronze, des inscriptions, des
Loix, et sur les pierres, diverses figures, cepen=
dant ils n'ont pas eu seulement l'idée de graver
sur le bois ou sur le cuivre, pour en imprimer
le dessin et l'executer le reduire en peinture. Les chinois
et les Indiens ont été les premiers qui ont su
graver sur le bois pour ïmprimer des figures
colorées sur leurs etoffes ou toiles peïntes.

Cet art 5 mots biffure
n'a pas été connu des Europeens avant le
XV siecle. On a un S. Christophe executé
dans ce genre en 1423, une passion de
1440. Le plus ancïen livre avec des figures
gravées en bois, est celui de vita christi im=
primé a Augsbourg en 1476; d'autres veulent
que ce soit le liber similitudinis imprimé
en 1462. On eut l'idée sans doute d'en=
luminer ces figures, et vraisemblablement
c'est dela que nous est venu l'art d'imprimer
en indiennes, et en papier de toutes sortes
de couleurs.

Maso Finiguerra orfevre Florentin 1 mot biffure fut le premier
qui substitua le cuivre au bois en 1460,
ce qui donna des figures imprimées bien
plus nettes.

<57> 1 mot biffure Albert Dure 3 mots biffure s'avi=
sa le premier au XV siecle d'emploier l'eau
forte pour faire mordre des essais tracés
sur des planches de cuivre uni; ce fut l'ori=
gine de la gravure a l'eau forte.

La gravure en estampe  doit sa 1 mot biffure perfection
principalement a Montegne peintre du XVI siecle. mort
a Mantoue en 1537.

La gravure en tailles douces et en couleurs
a l'imitation de la peïnture, sont une inven=
tion de ce siecle düe a le Blond, eleve de
Carle Maratte qui en fit les premiers es=
sais 1 mot biffure l'an 1730.

C'est ainsi que la gravure est devenue telle=
ment imitative quelle soumit aux yeux
non seulement les parties eminentes des objets,
mais encor leurs jours et leurs ombres, et que
poussée a ce degré de perfection, elle l'emporte
en expression sur la peïnture, puisqu'on la
vu ajouter des beautés et des graces aux
chef d'oeuvres même de dessin executés par
les Peïntres les plus habiles.

SCULPTURE

La gravure conduisit a l'idée d'executer des
dessins sur des matieres dures, non par des traits
creusés avec le burin, mais en emploiant le
ciseau ou ïnstrument tranchant, pour
tailler et decouper ces matieres, en enlever
et separer des fragmens, pour faire sortir des
figures ressemblantes a celles des objets que
la nature nous offre: c'est cet art qu'on a
appellé la sculpture .

Tout ce qui est sculpté est relevé en bosse,
en Italien relieve, d'ou nous avons tiré
relief : mais par la sculpture, on peut se bor=
ner a faire sortir des figures tant soit peu
relevées en bosse sur un plein; cest ce qu'on a
<57v> appellé bas relief, ou l'on peut les executer
absolument detachées, c'est ce qu'on apelle
haut relief, ou statue; lorsque la figure
sort du plan a mi-corps, on l'appelle
demi relief.

BAS RELIEF

Le bas relief 3 mots biffure est un tres ancien genre de
sculpture; on l'emploioit pour l'ornement
des meubles en bois, en yvoire, et l'embelis=
sement des vases et utensïles en or et ar=
gent; c'est ce qu'on a appellé la ciselure .

Mais on ne sera venu quasses tard a
lidee de grouper  c.d. reunir plusieurs
figures ensemble comme si elles n'en
faisoient quune seule.
1 ligne biffure

HAUT RELIEF. STATUE.

Quant a l'art du haut relief qui consiste
a exprimer les objets en entier, separés et
isolés, avec leurs dimensions et proportion,
ou d'après nature, il n'est pas douteux qu'il
n'ait été 2 mots biffure le plus ancien, parce que ce
genre d'imitation est le plus rapproché
de la nature même des objets. Temoïns ces
statues  et ces simulacres  dont on rem=
plissoit les edifices sacrés pour consacrer
la memoire des Dieux, des Heros, des Legis=
lateurs, des Bienfaiteurs de l'Humanité
ou de la Patrie. On emploia a cet usage
l'argille, le bois dans la suite des temps la pierre, le marbre, l'y=
voire, les metaux, l'yvoire, la pierre, le marbre.

<58> MOULURE

La premiere expression du relief aura été la
moulure , dont l'idée sera née de l'observation
la plus simple, je veux dire, la forme que
les corps mols prennent lorsqu'ils sont insi=
nués dans les cavités des corps durs, et re=
ciproquement ou l'empreinte que les corps durs
laissent sur les corps mols lorsqu'on les y
applique. Cette indication de la nature au=
ra suffi pour donner naissance a un art
qui n'est pas même inconnus aux peuples Sauvages.

On aura cherché des terres argilleuses ,
marneuses , des platres , des ou gips , qui
peuvent se petrir aisement; on les aura
renfermé dans les cavités des corps durs
pour en prendre la forme interieure: on
aura appliqué de tels materiaux sur
la surface des corps pour en prendre la
forme exterieure, comme on prend la
ressemblance d'un visage d'homme avec
de la cire.

FONTE.

La moulure aura conduit a un art qui
pouvoit donner au relief plus de soli=
dité et de durée. On aura cherché a sou=
mettre au moulage des metaux fondus
et dela l'art de jetter en fonte  des figures
de metal, d'or, d'argent, de bronze. Cet
art fut poussé fort loin chès les orientaux 
mais non pas jusques a la cou=
lée des statues d'un seul jet. Le veau d'or
ne fut pas coulé ainsi. Les anciens et
entr'autres les Grecs couloient les differentes
parties d'une figure separement les unes
<58v> des autres, pour les rassembler ensuite et
les joindre avec des clous, en reparant le
tout au ciseau. Telles sont encor les anti=
ques statues metalliques qui embelissent Rome et Flo=
rence. fin de la ligne biffure
début de la ligne biffure La premiere
statue de bronze qui parut a Rome fut
celle de Ceres. Dans le trïomphe de Pompée
on porta deux statues d'argent.

La coulée  d'un seul jet demande trop de
preparatifs pour avoir pu etre connue et
prattiquée des anciens. J. Balthasar
Keller de Zurich est le premier qui l'ait
executée en l'an 1699 dans la statue
equestre de Louis XIV qui avoit 21 pieds de
haut, a la place Vendome. Elle est
encor bien inferieure a celle de Pierre le
Grand, duc aux soins de Falconnet.

RELIEF AVEC LE CISEAU.

Le relief avec le ciseau aura été posterieur
a la fonte, et l'idée aura pu en etre prise
dans certains objets ou la nature sem=
ble offrir des ebauches de sculpture.

Les premiers essais se seront faits avec de l'argil=
le qu'on savoit deja façonner: les sim=
ples doigts et trois ou 4 morceaux de
bois en guise de ciseaux, suffisoient pour
executer une imitation de la forme des
objets: cette terre sechée au soleil, ou cui=
te, pouvoit obtenir une consistence de très
longue durée; d'ou vient que dans les
temps anciens, les idoles ou simulachres
des dieux n'etoient que dela terre ainsi façonnée.

<59> Dela on passa aux ouvrages taillés au
ciseau en matiere dure. Les Idolatres se
firent de bonne heure des images taillées.

Ainsi on honora Isis et Osiris chès les Egyp=
tiens, Semiramis et Ninus ches les Chaldeens.

Dieu deffendit ce culte aux Hebreux et leur
ordonna de briser les statues des cananeens.

Les anciens peuples prirent gout aux statues
collossales; mais on a peine a croire ce que
rapporte Diodore decelles qui decoroient les
Temples, les Palais, les Jardins suspendus de
Babylone, ni ce qu'on a dit de deux erigées
par les Egyptiens au Roi Meris et a la
Reine. Rien n'est plus certain que ce qui
est rapporté du collosse  de Rhodes.

OBSERVATION

La Sculpture des anciens fut fort grossiere.
Tout ce qui a pu etre conservé en haut et
bas relief de monumens orientaux ne sont
que des figures lourdes, incorrectes, sans
attitude, sans grace ni varieté d'expression.

Celles qu'ont offert les ruines de Persepolis
sont du plus mauvais gout. Les ouvra=
ges des Egyptiens en ce genre n'annon=
cent ni genie, ni elegance, ni dessin cor=
rut: lesurs figures 3 mots biffure
3 mots biffure moulées et les sculptées,
n'etoient que des masses informes, quarrées
et d'une seule venue; les bras furent pen=
dans et collés sur le corps, les jambes et
les pieds joints l'un contre l'autre, toute
la forme roide et seche, sans attitude,
sans action, sans sentiment.

Chès les premiers Grecs, les simulachres ne
furent que des blocs de bois ou de pierre,
semblables aux Idoles des Lappons, et des
Samocides; ils firent peu a peu des figures,
mais aussi maussades que celles des Egyptiens.

Cependant ils eurent bientot surpassé ceux 
ci de beaucoup, parce que leurs Artistes
<59v> animés d'une plus noble emulation, s'attache=
rent a l'imitation de la nature et furent fa=
vorisés de plus beaux modeles. Ils detache=
rent du corps les bras et les jambes, ils don=
nerent a leurs figures des attitudes plus
variées, ils les mirent en action: ils reussi=
rent même a donner de l'expression aux
traits du visage et aux yeux: enfin leurs
statues devinrent comme animées et
obtinrent l'admiration des connoisseurs.

Delors la Grece abonda en ouvrages pre=
cieux; mais la sculpture ne parvint a
son plus haut degré que du temps de Pe=
ricles et au V siecle avant J. C.. Phidias fut le premier qui don=
na a ses ouvrages un caractere d'elegance
sublïme. Misor, Policlete, Lysippe,
Praxitele, s'illustrerent comme lui en
rendant sans voile la belle nature
dans toutes ses graces et dans la plus
grande verité.

Les Romains 4 lignes biffure ne s'occuperent gueres
de cet art jusques
au temps ou
, vainqueurs des Grecs, ils leur enle=
verent la plupart de leurs chef d'oeuvres,
pour les transporter a Rome: mais ils ne
purent leur enlever le talent. La Sculpture
demeura toujours renfermée dans une
certaine mediocrité, même sous Auguste et
les Empereurs: et elle fut aneantie lors de
l'invasion et de la fureur des barbares.

Les efforts des Goths aboutirent a des ou=
vrages informes, gigantesques ou pyg=
mées, d'un dessin si bisarre, et d'une execu=
tion si grossiere, qu'on n'y sauroit recon=
noitre la nature nulle part. Les anciennes
cathedrales nous offrent partout des
monumens de leur mauvais gout.

<60> On vit renaitre la Sculpture au XVI siecle
sous les regnes de Leon X et de Francois 1.
Michel Buonarote en Italie, Jean Gobius
ou Goujon en France, sembloient retracer
les 1 mot biffure merveilles de l'ancienne Grece. Des
lors elle fit de nouveaux progrès sous les
regnes de Louis XIV et de Louis XV qui
virent naitre Sarrasin, Guillain, Puget
Bouchardon &c.

PEINTURE

10 lignes biffure

La naissance de
la Peinture fut
posterieure a
tous les arts pre=
cedens.

Comme eux elle
a tiré du dessin
son origine et
même son nom:
car les premiers
essais de dessin se firent en piquant et poin=
tant avec un style pour tracer des lignes,
et cela fut appellé pictura, peinture .

La peinture semble avoir aussi beaucoup
de rapport avec la broderie 1 mot biffure des
anciens, et on croiroit que celle ci n'a été qu'une
peinible ïmitation de celle la. Mais dans le
vrai, ce sont deux manieres très distinctes
d'imiter les objets, et il est faux de dire que
pour broder, il eut fallu premierement sa=
voir peindre. La broderie des anciens ne supposoit que
le dessïn, et des figures du même ton de cou=
leur qui tranchoient sur le fond, une seule
et meme teinte, sans nuance ni degrada=
tion. Il est est tout autrement de la Pein=
ture qui represente sur une surface plane
les objets visibles avec leurs couleurs natu=
relles <60v> et imite le dessin 3 mots biffure
1 ligne biffure
.

Ce n'est en effet qu'en un sens impropre qu'on
a appellé peinture, l'enduit ou le barbouillage
d'une seule couleur uniforme et sans melange;
telle fut la peinture en usage chès les Egyptiens.

Ils surent appliquer des couleurs sur le marbre
et sur les 1 mot biffure matieres lisses et compactes, avec un mor=
dant si actif que dans des edifices a demi
ruinés on trouve encor de ces peintures dont
le coloris et l'eclat sont des plus frais et des
plus brillans. Mais elles sont sans ruption
ni opposition de couleurs: on n'y voit que des
feuilles d'or et d'argent melées avec des cou=
leurs rouges et bleues. Ainsi dans toutes
ces compositions, les figures tranchent sur
les fonds et s'en detachent; les teintes n'en pa=
roissent ni fondues ni degradées. C'etoit tout
ce que les orientaux s'avoient faire de mieux.

C'est aussi Ce n'est meme aussi que improprement qu'on a appellé
peinture, l'ouvrage a fresco , qu'on trouve
si communement dans les monumens an=
ciens, et particulierement en Italie.

Sous auguste elle
fut cependant accre=
ditée par le Peintre
Ludius qui l'emploia
a representer des
morceaux d'architec=
ture et des paysages;
ce qui suppose la
connoissance de la
perspective et l'em=
ploi du verd. La
ville Aldrobrandi=
ne et quelques autres
offrent encor des
morceaux precieux
qui ont pu echap=
per aux ravages du
temps.
 

La peinture proprement dite, c'est l'art de repre=
senter sur une surface les objets de la nature
tels qu'ils paroissent a nos yeux figurés et
colorés, en emploiant pour cela le melange,
l'union, l'opposition et le constraste de diverses
couleurs preparées avec art, ou même en
emploiant seulement les diverses nuances
ou les differens tons d'une même couleur,
(comme cela se fait dans le Camayeu) sans
oublier aussi d'ailleurs ce qui sert a relever les objets
comme les reflets, les ombres, les clairs obs=
curs et les jours, qui les font ressortir de
la maniere la plus sensible.

<61> Cet art ainsi defini a été comme aux an=
ciens peuples civilisés: on n'en trouve aucun
vestige dans l'Ecriture ni dans Homerre:
ches les peuples qui se sont civilisés peu a peu,
il est d'une origine posterieure a tous ceux qui
sont liés avec le dessin.

Chès les Grecs, la peïnture colorée fut inventee
dit on, par Cleophante de Corinthe; mais on
ignora très longtemps l'art de melanger les cou=
leurs. Les premiers tableaux furent peints
d'une seule couleur qui devoit etre bien dure et
bïen seche, puïsqu'elle netoit formée que par
une detrempe de morceaux de verre pulverisé
très fin; 3 lignes biffure
c'etoit une bien
foible imitation,
puisqu'on etoit
reduit a inscrire
au bas des ta=
bleaux les noms
des objets.
 

Peu a peu on par=
vïnt a diversifier les couleurs et on prit une
idée de la lumiere et des ombres; enfin vers
la XCIV Olymp. Appollodore d'Athenes
commanca a embellir la nature des graces
du coloris, et il ouvrit une nouvelle carriere.

Des lors on vit paroitre les Pamphyles, les
Polygnotes, les Protogenes, les Zeuxis, les
Appelles, les Timanthes, les Parrhases, &c
qui a force d'observer la nature, parvin=
rent a donner a leurs portraits, les propor=
tions des traits, la vivacité du coup d'oeuil,
l'elegance de la chevelure, les graces de la
bouche et ce caractere de verité, qui fait
le charme magique, porté jusques a
l'illusion.

Selon le temoignage de Pline, le premier
des Fabius surnommé Pictor avoit
peint le Temple de la Deesse Salus en l'an
de Rome 450: 4 mots biffure
2 lignes biffure
Sans doute que
cette peinture ne fut quun bar=
bouillage a la
maniere des an=
ciens.
  Ce ne fut
gueres qu'après la destruction de Corinthe
et lorsque les depouilles des Grecs eurent fait
naitre chès les Romains le gout de la peinture
que celleci fut cultivée a Rome, et elle le fut sous
<61v> sous les Emprereurs d'une maniere brillante
quoique toujours très inferieure a la peinture
des Grecs.

8 lignes biffure

La peinture sembloit renaitre en Orient avec
le Culte des images, lorsque les Mahometans,
et ensuite les Iconoclastes prirent gout
a tout detruire.

Elle renaquit en Occident vers l'an 1250
par les talens et les soins de Cimabüe Flo=
rentin instruit a l'echole des Grecs, et fonda=
teur de l'Echole  Florentine. 3 mots biffure
3 mots biffure.
L'echole Floren=
tine fut suivie de la Romaïne qui eut
pour premier Maitre Raphaël Sanzïus.

A celle la succederent L'Echole Lombarde
dont le chef fut Antoine Allegri Correge
et l'Echole Bolonoise fondée par les
Carraches, qui eurent pour eleve le
Poussin. L'echole Flamande fondée
par les Eych au XIV siecle s'est distin=
guée par le genie et la fecondité de ses
artistes, entr'autres Rubens sur la fin
du XVI siecle, Vandik, Jordans &c

L'allemande quoique inferieure, n'a
pas laisse de produire aussi de grands
hommes.

<62> L'echole Francoise a fournit aussi des pein=
tres fameux, entr'autres sous Louis XIV
tels que le Sueur, le Brun, le Moine &c
qui n'ont eut de Maitres qu'eux mêmes.

GENRES DIVERS.

Une des plus anciennes peintures a été
la Mosaique  executée avec de petites
pierres colorées ou des aiguilles de verre
compassées et rapportées ensemble, de
maniere que dans leur assemblage elles
imitent les traits et les couleurs des objets.

On a conservé une Mosaique faite du temps
de Sylla; on en trouve encor sous terre en
divers lieux executées en pavé par les an=
ciennes colonies Romaines, comme celle
d'Aventicum. Au commancement du
XIII siecle, les Venitiens firent venir des
Peintres Grecs entr'autres Apollonius,
qui enseigna la Mosaique a Tafti Flo=
rentin, qui fut suivi de Gaddo, Gaddi
et de Giotto né en 1276 qui fit la magni=
fique barque de S. Pierre battue par
les vents. a la fin on s'est degouté d'un
genre qui ne produit son effet sur les yeux
qu'a une grande distance, et ne peut
convenir qu'aux grands sujets.

2 lignes biffure

Si les anciens ont produit des chefs d'oeu=
vres de peïnture, ils n'ont pas eu l'art de
les rendre durables, faute de savoir les
allier avec l'huile. Ce secret etoit reservé
au 12 ou 13e siecle. Le plus ancien monu=
ment qui en reste se trouve a la galerie
Imperiale de Vienne. Il est de l'an 1297
d'un Peintre appellé Muttina. L'inven=
tion de la peinture en huile sur toile est
due a van Eich natif de Maseik qui
trouva ce sercret a Bruges en 1410.

<62v> La peinture en Camayeu en Italien
Schiaro - Scun a été inventée par Hu=
go de Carpi

La peinture en L'email  fut connue des
Romains par le Palais de Porsenna Roi
des Toscans qui etoit orné de vases emai=
lés de differentes figures. Apres la renais=
sance des arts, elle l'art de l'email fit de grands progrès dans
le Duche d'Urbin: mais le secret des cou=
leurs pour les carnations n'etoit pas encor
trouve decouvert. Ce ne fut qu'en 1630 que Jean
Toutin trouva moien d'emploier des
emaux de toutes sortes de couleurs, pour
faire diverses teintes en conservant l'eclat
avec le même uni pour la surface.
Des lors encor on a beaucoup simplifié les procedés.

<63> L'ARCHITECTURE.

Aux beaux arts liés avec le dessin nous
joignons ici l'Architecture composée dont
nous avons deja donné lidée chap. V. VIII.
puisqu'on ne peut executer un edifice en grand
que d'après un plan tracé en petit qui
en embrasse toutes les parties essentielles
au but qu'on se propose.

Tous les ouvrages en ce genre des anciens
peuples orientaux furent grossiers, depourvus de genie, d'e=
legance, sans aucun dessin bien decidé
pour l'ordonnance; ils ne surent pas placer
leurs ornemens a propos, et quels ornemens
encor? des colonnes, des chapitaux d'un
gout maussade, des entablemens lourds,
une sculpture d'un dessïn bas, d'une execu=
tion monotone, peu rapprochée de la
verité: nulle connoissance des voutes
et des ceintres d'ou depend le plus sublime
de l'art. La beauté de leurs edifices ne con=
sistoit que dans leur grandeur. solidite et leur
grandeur imposante

Tel est le spectacle
que nous offrent
encor ches les Egup=
tiens lesurs pyramides
lesurs oblisques
leurs colonnes leurs
canaux &c. ches
les Syriens les rui=
nes du temple de
Balbeck
 

ARCHITECTURE GRECQUE. ORDRES.

Les Grecs une fois civilisés furent le pre=
mier peuple de qui l'Architecture recut
les vrais caracteres de la perfection et de la
beauté, la solidité reussie a la hardiesse,
la regularité a l'elegance, la magnificence
au bon gout: c'est ce qu'attestent leurs mo=
numens qui subsistent encor depuis
2000 ans. La majesté, l'elegance, la de=
licatesse se trouvent surtout reunies
avec la solidité dans ce qu'on appelle
les 3 ordres Grecs.

Le Dorique, qui est le plus ancien, prit
naissance, dans le Peloponnese et l'Achaie,
dont le Roi Dorus lui donna son nom.

Il fut emploié dans le temple fameux de
Jupiter Olympien et dans celui de Junon
a Argos. C'est un ordre simple, solide,
grand, qui convenoit a la majesté des grands
edifices. La hauteur et l'epaisseur des colon=
nes furent reglées sur la proportion de 6 a 1.

<63v> L'ordre Jonien fut le fruit de l'invention
des Joniens qui en firent usage dans leur
superbe Temple de Diane d'Ephese. Moins
solide que le precedent, mais plus recherché
et plus elegant, il pouvoit aussi convenir
aux Temples, mais il etoit surtout propre
aux Palais. La proportion des colonnes
y fut de 8 a 1.

L'ordre Corinthien prit naissance dans
la Grece proprement dite, mais longtemps
après les deux precedens. Vitruve en
attribue l'invention a Callimaque saisi
a la vue d'un group de fleurs posé sur le
tombeau d'une vierge. Plus sublime
et plus touchant que les precedens, il fut
cependant moins emploié par les archi=
tectes Grecs dans les edifices fameux.

Pendant longtemps on n'emploia qu'un
seul de ces ordres dans l'ordonnance d'un
même edifice: ce ne fut qu'assès tard que
les Grecs prirent l'usage d'en associer et
entremeler plusieurs.

Chès eux l'Architecture fut peu chargée
d'ornemens; leurs Architectes craignoient
toujours de s'eloigner du vraisemblable.

Cest d'après ce principe que les proportions
de chaque ordre avoient été regles. Car
dans les premiers temps, ils ne furent point
executés tels que nous les voions dans les
ruines de l'ancienne Rome, ni avec les
mêmes ornemens que nos Architectes
modernes emploient pour les embellir.

On a cherché a corriger ce qu'on a cru
defectueux dans les premiers modeles et
on a recu ces ïnovations comme des
modifications d'accord avec le bon gout.

Du reste les Grecs reserverent les richesses
de leur architureecture pour les temples, les
theatres, les palais &c. Les maisons des
particuliers se ressentirent toujours chés
eux de cette simplicité, de cette modestie
qui doit etre la vertu favorite des repu=
bliques.

<64> ARCHITECTURE ROMAINE. ORDRES.

En adoptant les ordres Grecs, les Romaïns
n'abandonnerent pas le genre etabli chès
les anciens peuples de l'Italie, comme
etant le plus simple et le plus rapproché de
la nature. Mais ce genre appellé l'ordre
Toscan fut reservé pour les edifices de
campagne, d'ou vient quil est aussi appellé
ordre rustique . L'ancienne Rome nous
en a laissé un beau monument dans
la colonne de Trajan.

Les Romains inventerent 1 mot biffure aussi un genre
composé du Jonique et du Corinthien,
qu'il surpasse l'un et l'autre par l'abon=
dance des ornemens plutot que par le bon gout; on l'a appelle ordre
composite.

2 lignes biffure

Il est vrai que les
plus beaux monu=
mens de Rome ne
furent que le
produit du genie
Grec qui prevalut
toujours parmi
eux.
 

Les Perses eurent
une architecture
en propre qui
d'eux passa aux
Goths orientaux
et de la a ceux du
nord, qu'ils appor=
terent aux peuples
meridionaux de
l'Europe au V
siecle. Bientot
 
on y perdit tout gout de symmetrie,
1 mot biffure et rien de plus maussade que les
ornemens dont il fut chargé.

Au XIII siecle, succeda en Espagne une
2 mots biffure gout d'architure due au genie des
Arabes, qui s'etendit en France et
ailleurs, dont les monumens subsis=
tent dans plusieurs grandes Eglises,
qui offrent je ne sai quoi de hardi
et de grand, sans manquer a la Sym=
etrie et l'elegance. Telle est la cathe=
drale de Lausanne dediée a nôtre
Dame.

Maïs le vrai gout de la belle Architec=
ture n'a reparu que dans les derniers
siecles.

<64v> CHAPITRE X.
De la Poësie, du Chant, de l'Eloquence

PREMIERES ORIGINES DE LA POESIE

Nous passons a d'autres arts liberaux qui
ne sont pas liés avec le dessin, la Poësie
la 1 mot biffure Musique, l'Eloquence, qui ont servi
aux hommes non seulement de recreation,
mais encor de moien 1 mot biffure d'expression pour
2 mots biffure rendre avec energie tout le feu des pensées et des
sentimens dont ils etoient penetrés.

Dans le temps que les connoissances humai=
nes etoient encor bornées, les 1 mot biffure abstrac=
tions 3 lettres biffure en très petit nombre, et qu'on ne 2 mots biffure s'attachoit
point encor a la justesse, et la precision des idées
et du Langage, l'homme livré tout entier
a ses sens, a son imaginatïon, a la force
de ses affections, n'enfantoit que des expres=
sions vives et pittoresques, les plus propres
a communiquer a ses semblables la chaleur
des mouvemens dontil etoit transporté.

Tout dans ce Langage des premiers temps
fut l'expression de de la nature elle même, et les
idées les plus relevées n'etoient rendues que
par des peintures prises des choses sensibles;
caractere propre au style des orientaux
plus rapprochés que nous de la simplicité de
la nature, comme il l'est 1 mot biffure a celui de divers
peuples que nous appellons grossiers et sau=
vages.

Un certain nombre de personnes distinguées par
le feu du genïe et du sentiment se plurent a
perfectioner leur Langage. Ils observerent
qu'entre les differens mots les uns avoient
une energie particuliere, d'autres une dou=
ceur très flatteuse, d'autres une rudesse très
sensible a l'organe, et ils comprirent qu'ils
convenoit d'emploier les uns pour peindre
les idees fortes et vives, les autres pour rendre
les images agreables, d'autres pour inspirer
la terreur &c. Ce fut le premier pas vers l'art.

<65> On observa ensuite que l'imagination 1 mot biffure ainsi
que l'oreille se trouvoient seduites et comme
charmées par un certain rythme ou nom=
bre, certaines mesures, certaines cadences
harmonieuses: on comprit que cet artifi=
ce ne devoit pas etre negligé pour captiver
l'attention et les suffrages: on chercha a
soumettre le tout a certaines regles, dans
et a y assujetir la marche de son style,
et l'arrangement mechanique de ses ex=
pressions: ce fut alors que nacquit l'art
qu'on a appellé Poësie .

La rïme n'entra pour rien dans les premie=
res origines de cet art: elle ne dut même sa
naissance qu'aux nations barbares du
Nord qui s'etablirent dans les Gaules: ne
pouvant assujeter leur Langue aux regles
du mêtre , elles trouverent qu'il y auroit
dela grace a terminer par le même son
deux parties du discours consecutives et
d'une etendue egale. Aucune nation
ancienne policée ne connut cet artifice;
mais partout ou il y eut poësie, il y eut
rythme , metre et cadence .

Ceux qui chès une nation brillerent par
leurs succès dans cet art, et l'emploierent
a l'utilité de leurs compatriotes, pour devel=
loper leur raison, echauffer leurs sentimens,
leur inculquer des faits interessans ou des
maximes utiles, furent appellés Poëtes.

Ils n'eurent d'autre vocation que le talent
6 mots biffure de depenser et de
sentir plus fortement que les autres et
d'exprimer leurs pensées et leurs sentimens
d'une maniere plus vive et plus harmoni=
euse. Tel fut le noble enthousiasme  qui
leur donna une si grande celebrité, et tant
d'ascendant sur les peuples.

<65v> La Poesie n'est donc point un de ces arts qu'une
nation peut avoir communiqué a une autre,
et auquel on puisse assigner un inventeur.

Tous les peuples ont eu une Poesïe et des Poe=
tes, et cet art aiant pu s'exercer sur des 1 mot biffure su=
jets divers, il a pu avoir diverses causes
d'origine.

SUIETS DIVERS DE LA POESIE

Dès les temps les plus reculés la Poësie a été
emploiée 3 mots biffure a conserver le
souvenir des evenemens memorables et ho=
norables pour chaque nation; Aïnsi car
chacune d'elles s'est etudiée a exhalter les faits
qui pouvoient flatter sa vanïté, a les aggran=
dir 2 mots biffure par l'hyperbole, et la hardiesse
des images; Les chansons même des Sauva=
ges ne contiennent que les exploits de leur
nation en termes les plus aempoulles . Telle
a été l'origïne de ces chansons guerrieres
qui en celebrant la valeur de la nation,
a ont pour but aussi d'animer et enflammer
le courage patriotique de tous ceux qui en
dependent.

On n'aura pas manqué d'appliquer ce
genre de diction aux evenemens ou aux
spectacles qui avoient pu faire de vives im=
pressions sur l'imagination des hommes,
a ces joies indicibles qu'ils eprouvoient a
l'idée des perils eminens auxquels ils avoient
eu le bonheur d'echapper.

La Poësie aura fourni aussi des moiens
d'exprimer dignement la vivacité des sen=
timens dont l'ame 1 mot biffure reconnoissante est penetrée en=
vers son bienfaiteur, en particulier pour
rendre des actions de graces religieuses
a l'auteur de tous les biens.

Extasié a la vüe des merveilles de la crea=
tion et de la provïdence, l'homme n'aura
pas manqué de recourir a la Poësie, pour
les celebrer dignement par des cantiques
de louanges.

<66> La Poesie aura pu encor etre le langage
d'un coeur epris de quelque passïon honne=
te et pure, et dont on n'a point a rougir; ce
n'est que la passion depravée qui a pu 2 mots biffure l'appliquer
2 mots biffure a l'expression de gouts sales et impurs, et avi=
lïr cet art sublime par des hymnes consa=
crés a Venus et a Bacchus.

On fit servir même les ornemens poë=
tiques a relever les connoissances dont
l'Intelligence humaine s'enrichit succes=
sivement. et Toutes les ïnstructions même
de sagesse qui pouvoient servir a former l'esprit
et le coeur des jeunes gens, toutes les Le=
çons des Sages faites pour eclairer et diri=
ger leurs contemporains, les Loix même
etablies pour assurer la tranquillité et
le bonheur des societés, enfin les opinions
religieuses, les prattiques de culte; tous
ces objets ïmportans, la Poësie fut destinée
a les transmettre a la posterité accompa=
gnés de tout ce qui pouvoit en augmen=
ter l'ïnteret, et les insinuer dans les
coeurs. coeurs. C'est ainsi que les Grecs soumirent
leurs Loix a la mesure et les chantoient
d'ou vint que le même mot νομος signi=
fie Loi et Chant. Cet usage continua
depuis celui de l'Ecriture. Les Herauts
publioient les Loix avec une declamation
mesurée, et accompagnée du son de la
lyre comme des acteurs sur la scene.

POESIE GRECQUE. ROMAINE.
GAULOISE.

Tandis que la Grece jouit de sa liberté, la
Poesie s'y soutint dans le plus haut degré
d'elevatïon: mais après l'oppression de leur
liberté, et le relachement de leurs moeurs,
les Poetes ne furent plus que ce que nous
appellons des gens d'Esprit, des hommes
agreables. Cela ne les empeche pas de conserver
encor la maniere de leurs devanciers et
de produire, des ouvrages de bon gout, jus=
ques <66v> a ce quenfin la Poesie Grecque ce bon gout s'af=
foiblit sensiblement et
tomba en decadence; 2 mots biffure revolu=
tions successives qu'eprouva 2 mots biffure aussi la
Poesie ches les Romains, et après eux chès les
Gaulois, dont les premiers Poëtes furent
les Bardes , contemporains des Druides,
qui furent remplacés par les Troubadours 
vers le XI siecle, gens errans par le mon=
de, escortés de joueurs d'instrumens, et qu'on
appelloit Jongleurs .

GENRES DIVERS. LYRIQUE.

Le premier genre en usage a été le genre
Lyrïque ainsi appellé parce que ses vers 
etoient chantés par le Poëte qui les accom=
pagnoit du son de sa 1 mot biffure Lyre ; genre
sublime qui eleve l'ame jusques a l'en=
thousiasme et qui est destiné a reveiller
les plus nobles sentimens. On la appellé
ode , parce qu'il est fait pour etre chan=
té et Psaume  ou cantique  lorsqu'il a
Dieu pour objet.

Les plus fameux Poëtes Lyriques furent
Pindare de Boetie qui vivoit 500 ans
avant J.C le chantre des jeux de la Grece,
Sapho et Alcee de Mitylene, auteur des
vers alcaiques emploiés avec tant de
succès dans ce genre de Poëme; Anacreon
le Poëte des amours, Horace superieur
encor a tous dans ses odes. 2 mots biffure
6 mots biffure, Mal=
herbe Pere de la Muse francoise, Rous=
seau qui a si bien developpé l'energie
des hymes de David.

<67> THEOGONIQUE. EPIQUE.

Après l'ode le genre le plus ancien a été
le genre Théogonique  dont Hesiode a
donne les premiers echantillons, qui ont
servi de guide a Ovide, et le genre
Epique  destiné a celebrer les faits, les eve=
nemens importans et augustes, en les or=
nant de tout ce que l'imagination peut con=
cevoir de merveilleux, d'imposant, de
majestueux, de terrible, et en associant
l'action même des Dieux avec celle des hom=
mes. 7 mots biffure
2 mots biffure
L'ouvrage immortel d'Homere
n'a été que le recueil d'une foule de mor=
ceaux epiques qui avoient deja été chan=
tés avant lui, et auquel il a su donner,
dans leur ensemble une forme si ïn=
teressante et si belle. Virgile en fut l'imi=
tateur et surpassa son modele, tandis
que Lucain dans sa Pharsale fut bien
eloigné d'attaindre a la hauteur des pre=
cedens. Les modernes ont admiré dans
le genre Epique les talens d'un Trissin,
d'un Camoëns, d'un Tasse, d'un Milton
d'un Voltaire, d'un Klopstoch.

APOLOGUE. FABLE.

On ne peut douter que l'Apologue  ou la
fable  n'ait eu une origine très ancienne.

Sous l'allegorie des animaux parlans un
Langage sans affectation et sans fard, les
Sages ont voulu donner aux hommes
des Leçons agreables, piquantes, sans blesser
leur amour propre, et dont l'effet fut dès
la même plus sur. Esope et Phedre se
sont acquis en ce genre une grande cele=
brité parmi les anciens, et la Fontaine
a surpassé tous les modernes.

<67v> DRAME. TRAGEDIE. COMEDIE.

On peut aussi regarder comme fort ancien
le genre Dramatique destiné a 1 mot biffure exprimer
sur un Theatre  des actions humaines avec
autant de vraisemblance qu'il est possible.

Des chanteurs furent les premiers Acteurs.
Thespis, pour oter a leur chant une mono=
tonie fastidieuse, imagina d'y meler des
recits ïnteressans. Eschyle essaia de mettre
sur la scene un second declamateur et
le dialogue  fit plaisir. Sophocle en ajou=
ta un 3° et ce nombre parut suffire aux
Grecs pour rendre leur Drame  interessans.

La Comedie 2 lignes biffure

La comedie  ne fut
dans son origine
quune poesie gaye
qu'on chantoit dans
les festins; lorsquelle
fut transportée au
theatre, elle neut d'au=
tre but que de servir
damusement au
peuple; enfin elle
 
elle fut emploiée a exposer
les vices des particuliers au ridicule.

Parmi les Grecs brillerent en ce genre Aris=
tophane, qui vivoit au V siecle avant J. C. Menandre, comme parmi les
Romains, Plaute et Terence, que notre
Moliere a imité et surpassé.

La Tragedie  destinée a mettre en spectacle
les grandes passions et les grands mal=
heurs, doit son origine, selon les uns, a
Theomis contemporain d'oreste, mais
selon Suidas, a Epygene de Sycione, selon
Horace a Thespis. Eschyle, Sophocle et
Euripide qui vivoient environ
le VI siecle avant J. C.
  furent des maitres et des modeles en ce genre,
auxquels les Romains ne purent jamais
atteindre, s'il en faut juger par les tragedies
de Seneque, le seul monument tragique
qu'ïls nous aient laissé. Rien de plus triste
que ce Drame jusques au retablissement
du Theatre par Corneille, Racine, Cre=
billon, Voltaire qui ont reuni le merite
des anciens a la plus exacte decence.

<68> Le Drame semble avoir atteint son
plus haut degré d'interet par l'invention
et la perfection de l'opera , qui reunit au
charme du Drame celui du chant
et des coeurs.

MASQUE.

Ches les anciens, les acteurs sur le Theatre
se servoient de Masques  qui couvroient
toute la tête, et outre les traits du visage,
representoient la barbe, les cheveux. Cette
invention etoit utile pour mettre les Acteurs
en etat de representer indiferemment toutes
les sortes de personnages. 3 mots biffure
1 mot biffure
D'ailleurs comme les Theatres etoient
fort vastes, les Spectateurs generalement
voioient plus distinctement les caracteres
du masque approprié au personnage
qu'ils n'auroient vu a cette distance les
traits du visage de l'acteur. Enfin les ac=
teurs en tiroient un grand service en ce
que le masque par sa construction leur
tenoit lieu de porte voix et les mettoit
en etat de se faire entendre de tous les
spectaauditeurs quelque eloignes
quils fussent du
lieu de la Scene ;
  ce qui la fit appeller persona
d'ou on a tiré personage.

<68v> SATYRE

On pretend que le Drame est né de la Satyre 
qui ne fut dans son origine qu'un jeu cham=
petre, une danse grotesque, des vers bouf=
fons et grossiers, recités en chantant. Ce diver=
tissement 1 mot biffure des campagnes passa en
ville et donna naissance a la Tragedie qui
en garda assès longtemps un caractere plus
1 mot biffure comique que serieux. Comme ces specta=
cles champetres etoient consacrés a Bacchus,
on y introduisit des Satyres, ses compagnons
de debauche, et on leur assignoit 1 mot biffure 1 mot biffure un rôle 1 mot biffure
egalement burlesque par leur equipage, leurs
gestes, leurs dïscours. On mêla en dans la suite ces
farces , parmi le serieux pour egayer le
Theatre, et cela donna un genre mixte 1 mot biffure
1 mot biffure de Tragique et de Comique qu'on appelle
Satyrique. Telle fut la premiere poësie
chès les Romains qui, sous le nom de Satyra
leur fut apportée des Etrusques; 1 mot biffure elle n'etoit
qu'une espece de chanson dialoguée dont
la vivacité des reparties faisoit tout le merite.

Le Grec Livius Andronicus aiant donné
aux Romains des spectacles reguliers, la
Satyre changea de forme et de nom; elle
devint dramatique et paru sur le theatre
comme petite piece. Elle reprit son premier
nom sous Ennius et Pacuvius, et sous Teren=
tius Vanon, qui donna une piece melangée
de prose et de vers avec le titre de Satyre
Menippée. Enfin Lucillius fixa l'etat de
la Satyre, et la presenta sous la forme que
suivirent après lui Horace, Perse, Juvenal
et 2 mots biffure quont suivi parmi les modernes Regnier et Boileau. Dès lors
la signification du mot ne tomba plus que
sur la Composition des choses même, et on
appella Satyres toutes les pieces ou l'on presenta
un amas d'invectives contre les hommes, con=
tre leurs desirs, leurs folies, leurs intrigues. Quïc=
quid agunt homines, votum, timor, ira vo=
luptas. - Gaudia, discursus, nostri est farrago
libelli.

<69> PRIX ACCORDE AUX POETES.

Le prix qu'on accordoit aux Poëtes dans les
jeux etoit une couronne de laurier dont on
leur mettoit aussi une branche a la main,
parce qu'on supposoit que le laurier avoit la
vertu de communiquer a ceux qui en avoient
maché les feuilles une sorte d'enthousiasme
divin; d'ou vient qu'on en faisoit macher a
la Pythie avant de la mettre sur le trepied.

Cela tient a l'admiration qu'on a toujours
eue pour les talens, et l'idée ou l'on etoit que
les Poëtes etoient inspirés d'un feu divin.

Lesur caprices de leur imagination même
1 mot biffure furent attribués a quelque genie qui vou=
loit etre ïnvoqué. Le Poëte fut appellé vates
devin, et ses ouvrages, sacra. Ad sacra
vatum carmen ettero nostrum. Perse
prolog.

CHANT. MUSIQUE.

La voix de chant s'associe naturellement
a la voix de parole: 4 mots biffure
2 mots biffure
pour chanter, il n'a fallu que
deploier des organes naturels, donner au
sentiment une expression agreable et soutenir
celle ci par les accens de la voix: partout même
on a cherché a reduire les modifications
vocales a une methode suivie et reglée;
cela est dans la nature, et il n'est pas même
necessaire de supposer que l'homme ait
apprit des oiseaux a chanter. Les
enfans chantent d'eux mêmes, sans
avoir encor entendu de chant qu'ils
puissent imiter, et la Musique  a fait les
delices des peuples les plus bar=
bares.

EXPRESSION DE LA POESIE

Des qu'on eut pris l'idée d'un chant varié
sous differens tons melangés et fournis
a une mesure, rien ne fut plus naturel
que de la faire accorder avec le discours
<69v> Poetique marqué aussi par la mesure, le
nombre, et d'arranger les paroles sous diffe=
rens sons. Des lors la musique ne fut plus
que l'expression de la Poësie, et tout ce qu'on
avoit a dire fut soumis aux regles du chant.
La Poesie chantée devint le moien ordi=
naire d'instruction comme nous l'avons dit
plus haut.

MUSIQUE INSTRUMENTALE.

La voix humaine ne fournissoit pas assès
de ressources, et elle etoit sujette a des alte=
rations: on lui chercha des supplemens
et des appuis 4 mots biffure dans certains corps sono=
res 1 mot biffure construits pour rendre la meme varieté de tons, 2 mots biffure 1 mot biffure on
etudia l'art de les faire resonner agreable=
ment, et on parvint a etablir des instru=
mens  a vent et a cordes. Tels furent le
chalumeau , simple roseau percé de dis=
tance en distance, la flute  du berger
les plus anciens des instrumens a vent;
le sistre  instrument favori des Egyp=
tiens, destiné principalement a l'usage des
Pretres d'Isis qui passoit pour l'avoir inventé,
la guitarre , instrumens a plusieurs rangs
de cordes qu'on pince ou frappe avec les doigts
la lyre  intrument a 3. cordes qu'on met=
toit entre les mains d'Apollon, et dont s'accompa=
gnoit celui qui chantoit certaines poesies
1 mot biffure appellées de la Lyriques.

Mais dans les commancemens la musique
instrumentale ne fut jamais separée de la vo=
cale comme elle la été depuis linvention du
concert.

<70> MUSIQUES DES ANCIENS.

Rien de plus pompeux que les eloges qu'on a
fait des talens d'un Apollon, d'un Corebe
d'un Terpandre &c. et des effets merveilleux
de leur musique sur les hommes, leurs pas=
sions, leurs melodies. La musique fut
meme regardée par les anciens comme un
excellent moien de former les moeurs et de
civiliser les hommes. Les Legislateurs s'en
occuperent comme d'un objet lié a la
prosperité publique. Les Philosophes se firent
gloire de s'exercer dans cet art et de le sou=
mettre a des regles. Il y eut un Theatre a
Athenes nomme odeum ou les Musiciens
se disputoient des prix proposés.

Les anciens, il faut en convenir, ont eu
l'idée et le gout de la melodie , j'entens une
succession de sons ordonnée selon certaines
Loix de modulation, pour former un sens
agreable a l'oreille: ils ont connu l'harmo=
nie qui depend des rapports des sons succes=
sifs, et de leur assujetissement a un cer=
tain mode: ils ont compris que la musique
est aussi un art d'imitation, par lequel on
peut affecter l'Esprit, emouvoir le coeur,
exciter ou calmer des passions &c et qu'elle
1 mot biffure tient au même principe que celui de l'ac=
cent qui doit accompagner le discours, se=
lon les choses qu'on dit, les mouvemens
qu'on eprouve et qu'on veut reveiller:
ils ont peut etre mieux compris que les mo=
dernes que toute Musique non imitative,
qui n'est ni chantante ni parlante, lasse les
oreilles et laisse le coeur toujours froid.

Malgre cela, on peut assurer que la musique
des anciens a été defectueuse en ce point,
1 ligne biffure
4 mots biffure
c'est que chès eux 2 mots biffure l'instrument ne faisoit
que suivre constamment l'unisson  de 1 mot biffure
la voix ce pour la soutenir, et qu'ils n'avoient aucune
<70v> idée du Concert  qui consiste a faire jouer
plusieurs instrumens a la fois pour produi=
re une varieté de tons en accord , ou Harmo=
nie de tons sïmultanés; la Symphonie .

Toute leur Musique se reduisoit a chanter
quelque morceau de poësie, et le premier
merite etoit de marier la voix avec le son
de la lyre.

Les Grecs firent beaucoup usage du chant
dans les fêtes publiques et même dans la vie
1 mot biffure privée. Dans les premiers temps, tous les
convives chantoient tous d'une seule voix
la chanson . Dans la suite l'usage s'intro=
duisit de chanter chacun a son tour, tenant
une branche de myrte, qui passoit de
main en main. Des qu'on prit gout a la
lyre pour accompagnement, personne n'osa
plus chanter que ceux qui savoient toucher
l'instrument. Ces chansons furent appellées
scholies, de σκολιος oblique, gauche.

Les Romains pendant longtemps ne firent
que très peu d'usage du chant, et celui ci
demeura meme parmi eux toujours assès
grossier: leurs chansons même de noces n'e=
toient que des clameurs, et les guerriers
devoient etre bïen moins encor melodieuses,
parce qu'on se
remettoit le soin
de chanter avec lins=
trument, sans 1 mot écriture
a un ordre,
a la traverse, au
hazard, comme
on fait dans les
dessers ou lon est
echauffe par le
vin.
 

<71> MESURE

Les sons musicaux doivent varier pour le
ton et pour la quantité; mais il doit y avoir
une mesure  de temps uniforme, cad. une di=
vision du temps en parties egales assès lon=
gues pour que l'oreille en puisse saisir et sub=
diviser la quantité, et assès courtes pour que
l'idée de l'une ne s'efface pas avant le retour
de l'autre, et qu'on en sente toujours l'egalité.

Chacune de ces parties egales se nomme aussi
mesure, et elle se subdivise en d'autres alïquo=
tes qu'on appelle temps, lesquels se marquent
par des mouvemens egaux de la main. La
durée egale de chaque mesure et même
de chaque temps, est remplie par plusieurs
sons qui passent plus ou moins vite en
proposition de leur nombre. Cette mesure
est essentielle a la musique et a été dès la
même connue des anciens. Mais c'etoit
chès les Grecs la poësie qui donnoit la mesure
a la musique: chès nous c'est tout le con=
traire: dans nôtre chant c'est la quantité
des sons musicaux qui determine celle des
syllabes: il faut scander les paroles sur
le mêtre de la musique, le chant guide,
et la parole obeit. Si tot que la Poësie
eut perdu son mêtre dans les langues bar=
bares de l'Europe, la mesure de la Musique
fut de même abandonnée; on ne connut
plus que la mesure de l'office qui n'exi=
geoit pas beaucoup de regularité de
rythme.

NOTES

Pour retablir la musique, il fallut la noter
et marquer exactement les mesures. L'echelle 
ou enumeration de tous les sons diatoniques
rangés par ordre, et comme en maniere
d'echellons, se nommoit chès les Grecs Tetra=
corde, parce quelle n'etoit composée que
de 4 tons, qui se repetoient toujours
<71v> comme nous faisons nos notes . Gregoire le
Grand substitua l'Eptacorde qui se repete
d'octave en octave. Dans le plein chant
Gregorien, ces 7 notes furent exprimées par
les 7 premieres Lettres de l'Alphabet Latïn.

Mais en l'an 1028, Gui Aretin donna aux
six premieres notes les noms, ut re, mi, fa
sol, la, auxquelles on ajouta ensuite pour
la 7e si, en France, et ailleurs B-mi.

Gui nota sa musique avec des points  qui
n'exprimoient pas les quantités des sons.

L'invention de nos notes, selon les uns, est due
a Jean de Meurs en 1330, selon d'autres elle
est de date plus ancienne. On exprima d'a=
bord seulement les quantités, et celles ci
marquoient les mesures; mais ensuite
on enferma les mesures entre deux bar=
res, et on fixa les especes de mesures par
le nombre des temps egaux.

PROSE ELOQUENCE.

Pendant longtemps on conservoit dans un
seul et même art la Poësie, le chant, la decla=
mation et l'Eloquence . Tout homme chès les
Grecs qui reunissoit ces talens etoit appellé
μουσικος cad. adonné aux Muses, hom=
me a talent; dans la suite lepithete fut reser=
vée aux Maïtres de chant que nous appellons
Musiciens .

Comme dans les anciens temps, on ne pouvoit
2 mots biffure gueres instruire les hommes qu'en vers et
en chant, et qu'il falloit pour cela etre a la
fois Poëte, Musicien, orateur, on regardoit
la reunion de ces arts comme le plus haut
degré du talent, et le vrai chemin de la gloire.

A mesure que la Poësie se prefectiona, et qu'il
fut plus difficille d'etre Poëte, moins de person=
nes oserent s'occuper de cet art; D'un autre
coté, le Langage s'enrichissoit de termes propres
<72> appropriés a chaque objet, et meme de termes propres a exprimer
chaque idée non sensible. Il en resultat que
le style devint moïns figuré, plus exact et dès
la même plus eloigné de ce brillant qui carac=
terise la Poësie. Alors chacun fut appellé
a baisser le ton, a s'affranchir du rythme
poetique et musical, pour ne conserver que
la seule accentuatïon: on parla enfin
sans cadence ni chant et le discours
devint de la prose , sermo, solutus. Alors nacquit l'Elo=
quence qui d'origïne est posterieure a la
Poesie, et on commanca a distinguer
deux manieres de parler et d'ecrire, en
prose et en vers. Dans le discours oratoire, on retint de la Poesie
tout ce qui ne la caracterise pas essentielle=
ment 3 mots biffure et qui peut contribuer a embellir
la parole.

C'est la nature seule qui donne l'Eloquence,
puisqu'elle seule anime, echauffe, inspire
les hommes, lorsqu'ils parlent de leurs grands
interets. Ceux qui en ont donnés des regles,
ont fourni des moiens pour apprecier le
merite des discours; mais ces regles n'ont
jamais produit un orateur  que la na=
ture n'avoit pas formé pour l'etre.

Un temps fut que ou la vraie Eloquence
ne se trouvoit que dans la Grece. Elle
passa a Rome ou ses beaux jours furent
assès courts. On en a vu briller quelquesr
raions dans ces derniers temps.

<72v> CHAPITRE XI 3 mots biffure De la Danse, la
des exercices de corps,
des spectacles des jeux, la Gymnastique, de l'equitation, les jeux.

LA DANSE

1 ligne biffure

Entre les arts d'a=
grement on doit
donner la premiere
place a la
  Danse  que la nature a suggerée a tous les
peuples. Quand l'ame est penetrée de vives
impressions, le corps est naturellement disposé
a y prendre part par certains gestes ou mou=
vemens. La musique destinée aussi a l'expres=
sion et au soutien des mouvemens de l'ame,
aura tout naturellement accompagné les
divers mouvemens du corps, et fait penser a
les regler, et ou les assujetir a une mesure et une
cadence marquée. Dela, l'origine de l'art
de la Danse, tellement liée a la Musique
qu'on pourroit presumer qu'elles sont nées
ensemble comme elles ont toujours marché
de pair dans les danses communes publiques et même
dans les sacrées. Ces deux exercices, reunïs le plus sou=
vent a la Poësie, ont fait l'amusement de
tous les peuples, et la partie principale de leurs
fêtes et de leurs ceremonies religieuses. Il
n'en faut pas même excepter les Hebreux .

Les Egyptiens donnoient a leurs danses des
caracteres figurés relatifs aux mysteres de leur
Religion ou aux beautés de la nature. Les
Grecs n'oublioient pas les danses figurées sur
leur scene; ils eurent aussi une danse guerriere
des danses champetres, Bachiques, &c.

Les Romains, malgré le mepris qu'ils affec=
toient pour la danse, l'introduisirent surleur
Theatre; ils eurent leurs danses sacrées execu=
tées par les Pretres Saliens. Tous les anciens
peuples ont eu leurs danses, comme l'ont
encor les peuples Sauvages. Les peuples mo=
dernes les plus civilisés ont cultivé cet
art, et ont cherché a le perfectioner par
la varieté et la noblesse des mouvemens,
mais tout cela n'a aboutit qu a l'eloigner de
plus en plus de 4 mots biffure
sa destination primitive. qui

<73> GYMNASTIQUE EXERCICES

Ici Il faut rapporter aussi certains exercices
de corps propres a en augmenter l'agilité et
la force, et qui eurent pour premier but d'ap=
prendre aux hommes a se battre, comme ils
faisoient primitivement avec les poïngs, ou
a la lutte, 5 mots biffure
ou en se poursuivant a la course. Tels fu=
rent ces exercices fameux que les anciens
jugerent de la plus grande necessité, et qu'ils
encouragerent par des prix considerables
pour les vainqueurs, le pugilat , la lutte 
le pancrace , le dïsque  et la course . Quoi=
que ces jeux devïnrent moins necessaires pour
se former aux combat a mesure qu'on in=
venta de nouvelles armes et qu'on apprit a
combattre avec ordre, ils furent neanmoins
toujours continués chès les Grecs, mais
plutot pour la santé, le plaisir, et surtout
pour la gloïre; d'ou vient qu'aux prix reels
en or en argent, en effets precieux, on subs=
titua des prix d'opinion, une simple cou=
ronne  faite de bois d'olivier, ou de laurier
ou de pin ou de hache. Les Grecs tiroient
vanité de savoir bien conduire un char;
dans les jeux, on disputoit aussi d'adresse
en ce genre et le vainqueur avoit son
prix.

SPECTACLES IEUX SOLEMNELS

De tous nos sens, la vüe est celui qui est le plus
actif, et qui a le plus 1 mot biffure besoin de changer d'ob=
jet. De la le gout naturel de l'homme
pour le Spectacle , et la premiere orïgine de
ces Spectacles publics  en usage chès tous les peuples,
cad. des ensembles d'objets soumis et exposés
aux yeux des hommes pour les amuser, ou
les emouvoir, et pour tenir leur ame occupée
d'une maniere plus ou moins interessante,
pour elle enfin, pour les delasser, ou 1 mot biffure prevenir
l'ennui qui pourroit etre la suite d'un de=
soeuvrement total.

<73v> On a compris partout que la multitude ne
pouvoit etre distraite que par des objets propor=
tionés a son Intelligence et a son gout, cad.
des objets sensibles dont l'appareil pourroit pro=
duire de fortes ïmpressions sur les sens et l'ima=
gination. Mais les Legislateurs qui les ont
institués des spectacles publics, celebrés avec
1 mot biffure solemnité, dans certains lieux marqués pour
cela et approvisionés pour recevoir chaque
année pendant quelques jours une foule
d'hommes, n'ont pas eu seulement 2 mots biffure pour but
de fournir un amusement au peuple,
mais ils ont eu des vues politiques plus
profondes, et plus rapprochées de la prospe=
rité publique, car en fournissant aux
habitans des villes et des campagnes des
occasions periodiques de se trouver rassem=
blés, tous reunis et melés avec le plus grand
Esprit d'egalité et de liberté, ils leur presen=
toient un moien bien naturel de former
entr'eux une sorte de liaison, de correspon=
dance, de confraternité, d'autant plus
etroite que les Esprits, devoient naturellement
etre disposés par le plaisir a l'amitié reci=
proque, et qu'ils etoient se voioient a portée de s'entrete=
nir familierement de leurs interets natio=
naux les plus importans.

Ces jeux 1 mot biffure et ces spectacles furent etablis de toute
ancienneté chès les peuples d'orient, et 1 mot biffure ce
1 mot biffure ne fut au commancement que des danses joieuses de Laboureurs
après leurs moissons. Mais chès les Grecs, ils
devinrent plus reguliers et solennels, parce
qu'ils 4 mots biffure furent communs a la nation entiere.

Ils furent mis sous la protectïon d'Hercule
le Patron des laboureurs; mais bientot ils de=
vinrent des jeux d'exercice: on les celebroit
en divers lieux; les plus celebres fameux furent les
Olympiques, les Pythiens, les Nemeens et
les Isthmiques. On ne peut douter qu'ils n'aient
ete très utiles aux Grecs. Ces exercices rendirent
leurs corps plus soupples et plus vigoureux que
<74> quils ne le sont ordinairement dans les cli=
mats chauds. Par la on preparoit aussi de
bonne heure la jeunesse aux travaux peini=
bles de la guerre, on la rendoit plus intrepride
dans les combats ou la force et l'adresse deci=
doient presque toujours de la victoire. C'etoit
encor un excellent moien d'exciter cette
genereuse ardeur pour la gloire qui est le
plus ferme appui d'une nation: mais la rai=
son que nous avons indiquée plus haut etoit
du plus grand poids pour la Grece divisée
en une multitude de petits Etats dont la
force ne pouvoit dependre que de leur union
pour la deffense commune.

GYMNASTIQUE 

L'utilité de ces jeux fut bientot contreba=
lancée par une foule d'abus qu'entraina
l'art etabli pour y dresser les jeunes gens
qu'on appella la Gymnastique ; parce qu'on
les exerceoit tout nuds.

AGONES 

Les Empereurs etablirent aussi des jeux
publics reguliers sous le nom d'agones ,
celui que Diocletien fonda, se renouvella
tous les ans, et fit naitre dans l'empire
l'usage de comter les années par 1 mot biffure agones
au lieu de les comter par lustres .

Les courses de char entr'autres devinrent
les plus beaux spectacles du Cirque .

Mais rien de plus monstrueux que les
combats d'animaux, et surtout ceux
des gladiateurs .

<74v> EQUITATION MANEGE.

Le cheval dans les temps anciens ne servit
qu'a tirer et porter des fardeaux; emploie le
plus propre a contenir sa fougue naturelle
et a le soumettre a l'obeïssance. On en vint
assès tard a la monture, qui n'est pas sans
difficulté et sans peril. Homere parle
du cheval, mais nulle part du cavalier.

L'Equitation  ne fut cependant pas ignorée
des anciens peuples civilisés . Elle ne fut d'abord qu'un
soulagement pour le voiage, mais dans
la suite elle devint partie de l'art militaire,
et le cheval fut admis a partager la
gloire du Heros.

On ne connut de longtemps la ferrure du che=
val, ni la selle , ni l'etrier . L'exercice et l'habitu=
de apprenoient au cavalier a s'elancer a=
droitement sur le doz du cheval et a s'y
maintenir ferme, avec le mors  seulement,
comme faisoient autre fois les Numides,
et comme font aujourdhui les Negres. Les nations
policées ont ajouté le frein  et la bride,
l'eperon, la selle, l'etrier, et l'equita=
tion est devenue un art appellé manege .

JEUX DE DELASSEMENT.

Les hommes ont besoin de se distraire de leur
travail ordinaire, dont la continuité les epui=
seroit, par quelque occupation d'un genre dif=
ferent et beaucoup moins peinible, qui previen=
ne l'ennui de l'inaction et leur serve en meme
temps de delassement. A l'attrait que ce genre
d'exercice offre a cet egard; il faut joindre encor
<75> l'esperance du gain et la satisfaction de
l'amour propre, les plaisirs diversifiés de la
surprise, et d'une sorte de spectacle, et nous
comprendrons pourquoi les hommes ont eu
partout un gout si decidé pour ce qu'on
appelle les jeux de delassement . Les jeux 
de hazard les interessent en leur presentant
sans cesse des evenemens nouveaux et inat=
tendus, les jeux de commerce, parce qu'ils
mettent en activité l'adresse et la prevoian=
ce. On voit par l'histoire du siege de Troie
que les anciens Grecs avoient des jeux très variés.

Les Lacedemoniens seuls les avoient bannis
de leur Republique, ils refuserent de faire
alliance avec ceux de Corinthe, parce
qu'ils etoient joueurs. D'ailleurs les Grecs
ainsi que les Romains eurent la passion
des jeux; ils jouoient au palet , aux osse=
lets, a la paume ; la spheristique , ou l'art
de la paume, faisoit même partie de la
Gymnastique. Les Germains aimoient
tant les jeux de hazard qu'après avoir
joué tout leur bien, ils se jouoient eux mê=
mes, et hazardoient leur personne et leur
liberté. Les Negres en font autant. Nos
Ancetres jouoient aux dès, au trictrac 
au palet, aux billes , a la boule. Depuis
un certain temps les cartes  ont prevalu
surtout, c'est l'occupation journaliere
des gens deseuvrés.

Les Francois s'en attribuent linvention a cause
des figures qui sont autant d'armoiries
propres a l'ancienne chevalerie Francoise.

<75v> CHAPITRE XII.
Etablissemens divers qui ont suivi l'in=
troduction et les progrès de l'Agriculture.

SUITES DE L'AGRICULTURE.

A mesure que l'Agriculture s'est perfectio=
née, en proportion s'est accrue la popula=
tion, et le nombre d'hommes qui ont pu
s'occuper de l'exercice des arts introduits
successivement: d'ou il est resulté qu'il
y a eu très peu de nations civilisées par
l'agriculture, ou il ne se soit trouvé diffe=
rentes classes de personnes occupées aux
divers genres de professions dont nous
avons fait jusques ici l'enumeration, et
même des 1 mot biffure particuliers qui ont pu reunir
dans leur activité industrieuse plusieurs
de ces 1 mot biffure occupations a la fois.

DOMESTICITE.

S'il s'est trouvé des personnes depourvues
de sol a cultiver, et d'industrie dans
quelque genre déterminé, a titre de pro=
fession, elles se sont 1 mot biffure vues dans la neces=
sité de se devouer au service des riches
proprietaires, en travaillant pour leur
comte, 3 mots biffure, et conformement
a leurs ordres, sous la retribution de quel=
que emolument convenu. Comme suf=
fisant a leur entretien.
Les uns se sont
bornés a prendre des engagemens jour=
naliers cad. qui n'avoient d'effet que
pour un ou peu de jours; on les a appellé
mercenaires  ou journaliers . D'autres
se sont liés au service des riches pour
un long certain temps indeterminé, et quelques fois pour tou=
te leur vie, a titre de serviteurs  ou domes=
tiques , logés et nourris dans la maison
de leur Maitre, pour lui vouer entierement
leur travail 5 mots biffure 1 mot biffure
1 mot biffure sous le benefice d'un salaire  jugé
suffisant pour fournir aux autres be=
soins au dela de l'entretien.

<76> Telle fut incontestablement l'origine
de la domesticité. Souvent même il a
pu arriver que des familles se trouvant
trop nombreuses pour 2 mots biffure cultiver leur sol,
ont fait passer quelques uns de leurs Indi=
vidus au service d'autres familles qui se
trouvoient par contre en trop petit nombre
pour cultiver leurs fonds, et sous la condition que en parta=
geant leur travail, ils obtiendroenoient par la
en echange une part a leur recolte annuelle.

Il resulta de cette inegalité des fortunes 
qui mit les uns sous la dependance des au=
tres, il resulta naturellement une inegalité de conditions, mais
qui, dans la simplicité des anciennes moeurs,
ne faisoit jamais oublier l'egalité primi=
tive de la nature: peu ou point de distinc=
tion, entre le maitre et les domestiques pour
le logement, l'habillement, la nouriture,
tous travailloient ensemble, et mangeoient
un même pain: le maitre commandoit
sans hauteur, les serviteurs obeissoient
sans repugnance: nous voions encor
ce spectacle dans nos campagnes.

ESCLAVAGE

Avec le temps les choses changerent bien de
face dans l'ordre interieur des maisons. Ceux
qui commandoient s'accoutumerent aisement
a se 1 mot biffure croire d'une nature superieure a
ceux qui etoient reduits a la necessité d'obeir;
ils en vinrent a les mepriser, a les traiter
avec hauteur et despotiquement, et ceux
ci abrutis par le traitement, avilis par le
sentiment même de leur misere, s'accoutume=
rent a ploier sous le joug. Alors le service se
convertit en esclavage; les maitres disposerent
du travail et de la personne, de leurs serviteurs, ils en firent un
<76v> un objet de proprieté, d'echange, et ils les
gouvernerent 1 mot biffure sur le même pied
que les bestiaux. La cruauté exercée
sur des ennemis vaincus ne trouva aucun
adoucissement que dans l'usage barbare
de les reduire en esclavage . Ainsi il y eut
des esclaves volontaires, et d'autres assuje=
tis par la force, ou le pretendu Droit du
vainqueur. Les riches eurent toujours
deux sortes de serviteurs, les uns domes=
tiques, les autres esclaves. Souvent ils etoient
en très grand nombre dans une maison,
mais ce n'etoit pas une charge; tous etoient
emploiés a son profit: 2 mots biffure les maitres
ne se faisoient aucune peine de les diriger
eux mêmes dans les fonctions serviles; ils
ne connoisseoient pas encor ces regles de de=
cence que l'usage dès lors a ïntroduit
pour bïen marquer la qualité des person=
nes. Peu de gens tranchoient du Grand
seigneur, et il n'y avoit ni valets de cham=
bre , ni laquais  ni portiers .

Mais a mesure que les ressources de l'indus=
trie et les professions vinrent a se multiplier,
les petits commancerent a eluder la necessi=
té de prendre des fers pour obtenir leur sub=
sistance; l'esclavage devint tous les jours
plus rare, et a la fin, il n'exista plus que
l'esclavage forcé a titre de Droit de con=
quete, ou de dedommagement pour
dettes.

Cette ancienne servitude forcée, fut vrai=
semblablement la premiere origine de la
servitude feodale  qui s'etendit jusques
sur les personnes même, et qui les rendoit
ligatos, lieges , attachès a la glebe  et
soumis <77> entierement a la volonté de leur
Seigneur; servitude sans doute très
eloignée des vües de la nature, et qui
n'a pu s'introduire et se soutenir qu'a la
faveur de la barbarie, comme elle se
soutient encor en Russie, en Pologne &c
2 mots biffure &c. mais d'ailleurs infiniment
plus supportable et moïns cruelle que
l'esclavage tel qu'il subsiste chès les Turcs
les Africains, et dans les colonies Euro=
peenes ou se fait la traite des Negres.

FERME.

Les riches proprietaires, pour jouir de leurs
revenus sans travail, s'aviserent aussi de
commettre la culture de leurs fonds a d'au=
tres personnes qui sous differens noms et dif=
ferentes conditions, s'occuperent a les faire
valoir pour le comte de leurs commettans,
qui en leur assignoient pour leurs peines
ou en salaire ou en part au produit
sur un pied convenu entr'eux: c'est ainsi
que nous traïtons avec nos Vignerons  et
nos Grangers . Mais ne pouvant pas toujours
se reposer sur la diligence et la fidelité de
leurs gerens, plusieurs prirent le parti de
remettre leurs fonds, pendant un terme
convenu, a des cultivateurs, qui, pour en
avoir l'usufruit, stipuloient un interet
fixe annuel, payable en argent ou en
productions, en faveur du proprietaire, qui
par la 1 mot biffure retiroit un equivalent de sa jouissan=
ce, pendant que dans cette jouissance, l'usu=
fruitier , l'interet payé, retrouvoit encor le
prix de son travail et sa subsistance. Telle
a été l'origine de la ferme , et des fermiers.

<77v> Quelques fois le proprietaire transmettoit
au cultivateur la proprieté même d'un
fond, moiennant qu'il paya a perpetuité
une redevance sur ce fond, ou en argent
ou par une quotité des productïons; ce
qui a produit les abergemens , les censes 
les lods .

PRET.

Ceux qui n'aimoient pas les difficultés et les
embaras, trouverent plus expedient encor
d'aliener leurs fonds même, en transpor=
tant leur proprieté a des cultivateurs con=
tre un capital  dont ceux ci se reconnois=
soient redevables envers le vendeur, en
lui donnant pour assurance le fond me=
me qu'il pouvoit reprendre a lui, a deffaut
depayement, et quelque autre que l'ac=
quereur joignoit du sien, pour renfort
de la sureté; bien entendu que celui ci
stipuloit  un interet  annuel pour servir
d'equivalent a la jouissance dont se
depouilloit le precedent. C'est ce qui a
introduit aussi l'usage de confier des som=
mes d'argent a ceux qui avoient des fonds
a eux appartenant, qu'ils pouvoient con=
tribuer pour sureté au creancier, ou
ce qu'on a appellé pret  a hypotheque 
qui a été ensuite commué en d'autres
pactes sous les noms d'obligations, de
cedules  &c.

<78> ORIGINES DES VILLAGES ET BOURGADES.

Dans les commancemens, les proprietaires
etablissoient leur demeure sur leur propre
fond pour en etre plus a portée et perdre moins
de temps en allées et en venues. Mais par la
les habitations se trouvoient placées a une
certaine distance les unes des autres et les
familles ne pouvoient lier entrelles qu'une
communication lente et peinible, incon=
venient très considerable. Quand on eut
facilité les operations de l'agriculture et
perfectionné l'art au point qu'avec moins
de bras, de peine et de temps, on put obtenir
des recoltes beaucoup plus abondantes, et
que la population se fut en proportion,
augmentée avec la diversité des besoins
et des gouts, dès lors les hommes sollicités
par leur penchant pour la vie sociale,
et par l'esperance flatteuse des secours
qu'ils pouroient trouver au milieu d'une
societé renfermée dans une petite encein=
te, commancerent a rapprocher leurs ha=
bitations les unes des autres pour former
par leur reunion ce qu'on appelle des ha=
meaux , ensuite des villages  plus conside=
rables, puis des bourgades  encor plus eten=
dues et peuplées. Dans ces premiers eta=
blissemens, ils eurent toujours soin de
les placer sur des lieux et a des distances
convenables pour que les habitans puissent
<78v> aisement et sans perdre trop de temps se
transporter sur leurs fonds.

ORIGINE DES VILLES OU CITES.

Le nombre des personnes occupées d'autres
objets que de l'Agriculture devenant tou=
jours plus grand comparativement a
celui des cultivateurs, les mêmes raisons qui
avoient produit les bourgades, produisirent
les villes  et cités , qui s'aggrandirent aussi
successivement selon la même proportion.
Ce qui demontre que c'est la vraie origine
des cités nombreuses, c'est la nature même
de la chose, puisqu'il est impossible qu'une
grande multitude rassemblée dans une
petite enceinte puisse vivre autrement que
par le travail des cultivateurs etablis dans
les hameaux, les villages et les bourga=
des d'alentour: 5 mots biffure
6 lignes biffure

Cela est encor appuié sur une preuve
de fait, c'est que les premieres et les plus an=
ciennes villes cités ont été fondées dans les pays
ou la culture de la terre etoit etablie
dès la plus haute antiquité, et au milieu
des contrées qui offroient le plus de ressour=
ces pour l'alimentation d'une multitude
dhommes.

Tous les riches proprietaires qui a la faveur
de la ferme ou du pret n'etoient plus
<79> obligés par interet de sejourner dans les
campagnes, recherchoient avec avidité les
douceurs d'une Societé nombreuse, feconde
en ressources pour les besoins, les commodités
et les agremens de la vie, interessante par
l'air d'activité et la varieté des objets qu'elle
pouvoit offrir a l'observation et a la cupi=
dité. Tous ceux qui s'occupoient des arts
de divers genres, trouvoient encor au milieu
d'une Societé nombreuse rassemblée dans une petite
enceinte, beaucoup plus de facilité pour
leurs operations dont la plupart demand=
doient un concours assès nombreux d'ouvriers
travaillans tous de concert au même but.

Ils 1 mot biffure pouvoient d'ailleurs comter sur
un debit plus facile et plus sur des objets
de leur industrie auprès des hommes opu=
lens dont les besoins etoient plus multi=
pliés et plus variés; et quant aux objets
de premier besoïn, ils etoient encor a
portée de servir les gens de la campagne
qui accourroient en ville pour en obtenir
les articles dont ils restoient depourvus.

Parla on comprend comment de grandes
villes ont pu s'elever et se peupler même
en très peu de temps, et combien elles ont pu
etre utiles aux nations. Avec Quel plaisir
les habitans des campagnes ne devoient
ils pas voir des etablissemens d'ou ils
pouvoient tirer des secours nombreux
pour faciliter leurs travaux et des occa=
sions tous les jours renaissantes pour
echanger le superflu de leurs denrees
contre des objets de besoin ou de cupi=
dité.

CITES RENDEZ-VOUS COMMUNS.

Tous les Individus d'une nation devoient
aussi etre frappés du bien general resul=
tant de l'etablissement de ces cités pour
assurer la prosperité nationale. Par leur
correspondance avec les villages et bourgades
<79v> ces cités pouvoient servir de rendes vous
communs ou de centres de ralliement des=
tinés a entretenir chès les ressortissans dune
1 mot biffure
d'une nation cette unité de tour d'Esprit de carac=
tere et de moeurs, qui est comme l'ame de
sa constitutïon, de sa force et de sa puis=
sance; comme elles leur offroient aussi un lieu commode d'assemblées 
generales, pour combiner les divers interets
2 mots biffure concerter les plans de sureté et
de deffense et prendre les mesures les plus
efficaces pour assurer le bonheur public.

On sait combien il est plus aisé de rassem=
bler dans une grande ville pourvue, une
3 mots biffure multitude d'hommes, qu'il ne l'est
dans la campagne ou les habitations sont
eloignées, et les subsistances en beaucoup
moins grande quantité.

LIEUX D'ASSEMBLEE.

Dela vient qu'anciennement il y avoit
dans chaque ville des lieux de rendes-vous
marqués, ou les 1 mot biffure habitans arrivoient
a des temps et des heures marquées fixees pour
s'entretenir et s'eclairer reciproquement
sur les objets importans: voie d'instruc=
tion si necessaire a des peuples qui n'avoient
pas les mêmes secours que nous avons de nos
jours. Dans les villes lieux ou les habitans,
adonnés a la bergerie ou la culture, etoient
obligés de sortir de la ville le matin pour
y rentrer le soir, la porte de la ville etoit
l'endroit ou ils avoient le plus d'occasions
de se rencontrer, et dès la même elle devoit
naturellement etre le lieu du rendès-vous
public; d'ou vient quelle etoit aussi la
place ou siegeoient les Tribunaux.

Mais chès les Grecs et les Romains,
la place publique  fut le coeur de la
ville, le plus a portée de tous les quartiers
et ou se tenoient les marchés.

<80> Dans le Levant tout se faisoit a la
porte des Monarques despotes, cad
a l'entrée de leur Palais .
Ainsi encor en Europe les vassaux
de chaque Seigneur s'assembloient dans
la Cour de son chateau. 4 mots biffure
2 lignes biffure

GRANDES CITES ORIGINES DES GRANS
ETATS.

Les cités ne purent devenir fort grandes
que lorsque l'agriculture put fournir une grande
abondance d'alimens, que les voies de com=
munication furent bien ouvertes, les faci=
lités de transport multipliées, pour obtenir,
sans trop de frais, les subsistances neces=
saires a une population très nombreuse.

Depuis 1 mot biffure les progrès du commerce, on
a vu des cités florissantes au milieu de
pays resserrés, marecageux, peu fertiles
parce que les habitans ont su attirer chès
eux l'abondance des productions superflues
d'autres nations, qui secondées par la faci=
lité des communications sont venues les
leur 1 mot biffure offrir en echange d'objets d'industrie
ou de cupidité que ces cités se sont trou=
vées en etat de leur fournir. Maïs dans
des temps plus anciens ou chaque nation
etoit appellée a vivre des productions de son
sol, il fut impossible de fonder de gran=
des villes ailleurs que la ou la culture, mere
nouriciere des hommes, fut la principale
occupation des habitans de tout une
vaste contrée, et fut perfectionée au
point que le travail d'un seul homme
put fournir a la subsistance de plu=
sieurs.

Ce n'a été aussi que par la fondation
des grandes cités, qu'il a pu s'elever de
grands etats, soumis a une forme et une
<80v> constitution reguliere, car des Monarchies
ni même des Republiques un peu conside=
rables, ne peuvent etablir aucun ordre pu=
blic bien precis, pendant que les ressortisans
vivent tous dispersés, et sans 1 mot biffure qu'il y ait un centre com=
mun fixe et permanent d'operations po=
litiques, tel que peut le fournir une
grande metropole. Ainsi si les grandes
villes sont devenues des theatres de passions,
et de vices, 2 mots biffure de conflicts d'ïnte=
rets, qui ont produit la multiplication
des Loix, c'est aussi a elles que les hommes
sont redevables de la consistence qu'a
pu prendre la forme politique des socie=
tés, et des avantages qui en ont été la suite.

Ainsi encor bïen loin d'avoïr été fondées
au prejudice de la culture et de la po=
pulation, elles n'ont été que le resultat na=
turel des progrès de l'une et de l'autre, et
dans les premiers temps leur aggrandissement fut comme la
mesure de la prosperité nationale.

Il est vrai qu'a la suite des temps siecles, il arri=
va dans certaïnes metropoles que l'afflu=
ence des proprietaires qui abandonnoient
la culture de leurs fonds a de mauvais
tenanciers, la trop grande emigration
des gens de la campagne pour venir sous
divers pretextes habiter dans la ville,
fut cause que la culture se rallentit
au prejudice de la nation: il est vrai
que tout l'or et l'argent vint s'ensevelir
quelques fois dans une capitale comme dans un gouffre
qui engloutit tout, et que l'accroisse=
ment même de sa population 2 mots biffure
1 mot biffure
tourna en depopulation
pour le gros de la nation; d'ou il resulta
des inconveniens qui menacoient celle
ci d'une ruine entiere et totale.

Mais ces abus la n'ont eu que des causes
accidentelles, locales, particulieres a
certains pays ou a certains siecles, et on
<81> n'en peut rien conclure contre ce que nous
avons dit a l'avantage des grandes cités
comme aiant été les meres des grands Etats.

Quel etat plus
peuplé et floris=
sant que la Chi=
ne; ou trouveton
cependant de
plus grandes
cites?
 

COLONIES.

Les mêmes causes ont produit aussi les
Colonies des nations agricoles aiant vu aug=
menter leur population en plus grande proportion que les
ressources du sol, il en a du resulter neces=
sairement des emigrations de familles
pour former ailleurs de nouveaux etablis=
semens. Souvent ce ne fut que l'effet de l'ïn=
quietude, de l'ambition, mais plus souvent
encor ce fut une affaire d'arrangement
entre certaines familles et la nation qui ju=
geoit ces emigrations necessaires ou pour se
decharger de son excès de population, ou
pour etendre son Commerce et sa puissance,
dans ce cas, les colonies, en changeant de de=
meure, ne renoncoient point aux liens qui
les tenoient attachés a la metropole , et celle ci
s'engageoit toujours a la fournir tout ce
qui etoit necessaire a leur etablissement,
et a leur continuer sa protection. Les colonies
de leur côté s'imposoient l'obligation de ser=
vir la metropole de toutes leurs forces et de
ne contracter aucune alliance sans son
aveu. Mais l'experience a appris que dès
que les colonies furent assès fortes pour
se soutenir par elles mêmes, elles se firent
des interets conformes a leur situation,
et isolés de ceux de leur metropole, dont
elles pouvoient desormais se passer.

SEPARATIONS DISTINCTES DES
CLASSES.

La fondation des grandes cités a été
suivie d'une separation plus distinctes
des classes, ou des differens ordres de la
societe, dans laquelle on a distingué 1° les
cultivateurs, qui en font la base fondamen=
tale <81v>; 2° les artisans occupés a travailler
sur les matieres premieres tirées de la
nature ou simple ou cultivée, pour exer=
cer leur industrie par tous les differens
genres d'art mechaniques; 3° les commer=
cans 1 mot biffure empresses a faire valoir les productions
de l'agriculture et de l'industrie, par leur
talent 2 mots biffure pour procurer des echanges
contre d'autres objets de besoïn ou de cu=
pidité 4° les militaires appliqués par
etat a l'exercice des armes pour la deffen=
se et la sureté publique; 5 les gens de
lettres qui consument leur cultivité 1 mot biffure en
recherches sur les objets qui appartien=
nent aux sciences ou aux arts liberaux.
6 Les Docteurs publics chargés de l'ins=
tructïon des peuples et singulierement
de la jeunesse, 7 les Pretres devoués aux
fonctions sacrées 8. tous les Superieurs
ou Magistrats qui travaillent d'office au
maintien de l'ordre public et exercent
les fonctions du gouvernement, de la poli=
tique, de la judicature, et du barreau.

Sur toutes les classes precedentes, il 1 mot biffure s'est
meme elevé en plusieurs pays une classe
composée de certaines familles distin=
guées 3 mots biffure par les exploits de leurs
ayeux et des privileges accordés comme
recompense honorifique. C'est ce qu'on
a appellé la Noblesse , qui en dïvers lieux
a obtenu la meilleure part aux eminen=
tes dignités.

De cette classification a du naitre un
echange continuel de services et une
communication non interrompue entre
tous les ordres, qui n'a pu que contribuer
beaucoup au bien de l'espece humaine,
en multipliant les occupations et les ressour=
ces, et en forcant les Individus a tirer leur
propre avantage de ceux même qu'ils
procurent aux autres.

<82> Il est vrai aussi que d'un coté la multi=
plication des besoins factices avec celle
des objets de cupidité, de l'autre les progrès
de l'industrie qui ont suivi la même propor=
tion, tout cela na pas manqué d'enflammer
les passions, multiplier les objets de con=
flict, et des la même, donner naissance
a nombre dinstitutions onereuses pour
l'humanité, et qu'on peut regarder au=
jourdhui comme des maux necessai=
res.

<82v> CHAPITRE XIII.
Du droit de proprieté et de ce qu'on ap=
pelle richesses nationales.

DROIT NATUREL. PROPRIETE.

Il y a pour chaque homme autant de
Droits naturels quil y a d'avantages dis=
tincts dont la nature la pourvu pour
en jouir sans obstacle. Chaque homme
en particulier a Droit  a tous les objets de
la nature qu'il saisit le premier pour les
appliquer a ses usages, ou que son indus=
trie peut avoir preparés, arrangés, fa=
connés pour son utilité personnelle;
droit de possession  et de jouissance ex=
clusive  qu'on appelle Droit de proprieté .

Des qu'il y a eu la moindre ombre de
societé parmi les hommes, ils ont senti
combien il etoit necessaire que chacun fut
maintenu dans l'exercice de son Droit
sans contradiction, et que nul ne fut au=
torisé a donner a ce Droit la moindre
atteinte qui put en restreindre ou ge=
ner la jouissance. La premiere Loi
a été que chacun s'abstint de nuire en
quoique ce soit a autrui
et respecta en
vers tous la Loi d'egalité,
de justice et
en particulier la Loi de proprieté
.

PROPRIETE NATIONALE. PERSONNELLE

Tous les faits qui ont accompagné la
premiere formation des communautés,
ont presupposé le Droit naturel de propri=
eté par rapport a certaines choses utiles
pour les posseder et en jouir exclusive=
ment a autrui; ce Droit rapporté a
une communauté se nomme proprieté
nationale; rapporté aux particuliers,
proprieté personnelle.

<83> PROPRIETE CHES LES NATIONS SAUVAGES

Chès une peuplade Sauvage, subsistant
de la peche et de la chasse, et des productions
spontanées de la terre, il a pu s'introduire
une proprieté nationale, a titre d'occupation
sur quelque district, ou foret, ou Lac ou
golphe, ou riviere, mais qui ne duroit que
pendant que cette peuplade exerceoit son
activité sur ce district; d'ailleurs nul par=
ticulier ne pouvoit s'emparer d'aucune
portion delimitée, puisqu'il ne lui en se=
roit revenu aucune utilité: seulement
devenoit il possesseur exclusif du petit
espace sur lequel il avoit etabli sa caba=
ne, ainsi que de sa cabane elle même,
de ses instrumens de pêche et de chasse et
de la production qu'il avoit saisie pour son
usage. Tel fut a quoi se reduit encor la
proprieté de la plupart des hordes 1 mot biffure
sauvages qui ne prattiquent aucune
culture de la terre. Il est des tribus en
Amerique chès qui les pêches, et les chasses
meme, sont toutes generales et le butin appar=
tient a toute la Tribu qui, ou le partage
sur le champ, ou le porte a un magasin
publïc pour etre reparti aux diverses
familles, selon les besoins.

PROPRIETE CHES LES NATIONS BERGERES

La proprieté a pu avoir un peu plus d'etendue
chès les peuplades bergeres. Une telle
peuplade errante avec ses troupeaux
a pu acquerir sur le terreïn ou elle avoit
etabli ses tentes, une proprieté plus deter=
minée encor que la precedente, mais limitée
2 mots biffure toujours au temps pendant lequel elle
occupoit le terrein choisi pour y disperser
ses bestiaux. La proprieté du particulier
etoit bornée au terrein ou il avoit fixé
sa tente, a sa tente elle même, ses utensiles,
ses troupeaux, et leur produit, et tout
<83v> ce qui etoit du uniquement a ses soïns. Tel
est encor l'etat dela proprieté ches ces peu=
ples errans, qui connoissent d'ailleurs la
distinctïon des riches et des pauvres, même
celle des Maitres et des Serviteurs, et qui ont
souffert qu'on les classat dans l'estime pu=
blicque suivant les degré de leur opulence,
qui ont adopté quelque Loi d'usage et
d'opinion, et quelque ordre social, quoi
qu'ils manquent d'ailleurs de principes
1 mot biffure vrais sur la proprieté, et le respect qu'on
doit avoir pour celle des etrangers.

PROPRIETE CHES LES NATIONS ERRAN=
TES MAIS QUI PRATTIQUENT UNE
CULTURE PASSAGERE.

Dès qu'une peuplade errante a su joindre
a la bergerie la ressource d'une culture 
imparfaite et passagere, dès lors les parti=
culiers ont pu acquerir une sorte de pro=
prieté sur le sol qu'ils avoient defriché
et soigné, puisque personne qu'eux ne pou=
voit y faire la recolte; mais cette proprieté
ne duroit qu'au tant de temps que le parti=
culier continuoit a faire sur le même
sol ses actes de travail et de jouissance.

Telle fut la proprieté introduite chès
les anciens Celtes, Germains &c qui
emigroient ou changeoient souvent de
station: on la retrouve encor chès quel=
ques peuples non civilisés sans etre sau=
vages. Chès divers peuples de l'Amerique,
les champs 1 mot biffure sont une proprieté
nationale qui demeure indivise: on va
en communauté en preparer le sol, la=
bourer, semer, planter, recueillir &c ce
qu'on en retire est porté a un depot
public, et il se partage ensuite a des
temps marqués entre les familles propor=
tionellement aux divers besoins de
chacune.

<84> PROPRIETE CHES LES NATIONS CANTONEES

Dès que les progres de l'Agriculture ont per=
mis a une nation agricole de se cantonner 
ou de fixer sa demeure sur un sol, pour en
tirer d'année en année des ressources suffi=
santes, dès lors la proprieté du district a du
echeoir a cette peuplade comme permanente
et exclusive par rapport a toutes les autres.

Le droit d'une communauté sur un pays
n'a jamais pu etre fondé uniquement
sur un simple acte ou signe de premiere
occupation. A cela il faut qu'elle ait joint
encor la mansion et la culture, parceque
tout terrein qu'une nation laisse inculte,
doit etre censé abandonné par elle, comme
une chose que la nature offre au premier
occupant, sans distinction. 3 mots biffure
1 ligne biffure.
Ainsi le
Droit de proprieté d'une communauté sur un terrein a pour
vrai et unique fondement l'exercice de sa culture;
et toute peuplade qui s'est fixée sur un
sol auparavant inculte pour le cultiver
en est devenue par cela meme proprietaire exclusive, et
elle a pu legitimement etendre son district
sur tout ce qui etoit desert, jusques vers les
confins des peuples voisins, lesquels n'ont
eu aucun Droit de s'y opposer, tant qu'elle
n'a rien fait qui put la rendre suspecte de
vues ambitieuses ou hostiles.

PROPRIETE PARTICULIERE FONCIERE

Toute peuplade cantonnée sur un district
a été forcée ou d'etablir une culture et
une recolte commune, ou de partager
le sol entre les particuliers pour assigner a
chacun une portion separée en proprieté,
exclusive, ou de laisser a chacun la liberté
d'occuper telle portion qu'il voudroit culti=
ver pour en devenir le possesseur exclusif

Ici encor la culture fonda seule la proprieté;
le travail seul donna au cultivateur Droit
<84v> sur le produit de la terre cultivée. Le Droit
ne s'etendit d'abord que jusques a la permiere
recolte; mais la reiteration du travail sur
le même sol d'année en année donna lieu
a une possession continuée, qui se transfor=
ma necessairement en proprieté permanen=
te et exclusive sur le sol, sur toutes ses
dependances et productions; cest ce qu'on
a appellé proprieté fonciere .

La Consequence du travail a la propriete
fonciere a été bien comprise chès toutes les
nations comme la premiere Loi de justice,
et la premiere base du bonheur des hom=
mes: car si l'on depouille celui qui a
cultivé du Droit de recueillir, il est evident
qu'il ne sauroit rester aucun motif suf=
fisant pour determiner qui que ce soit
a entreprendre un travail dont il n'a
aucun profit a esperer, et que toute cul=
ture cessant, il n'en pourroit resulter qu'une
totale entiere privation de ressources, et la destruc=
tion totale de l'espece humaine qui ne peut
se soutenir que du produit de la terre fe=
condée par la culture. Il 1 mot biffure n'est donc au=
cun homme qui n'eut le plus grand in=
teret a reconnoitre et a deffendre autant
qu'en lui est, tout Droit de proprieté que
le particulier reclame comme fondé
sur son travail.

INTRODUCTION DES FONDS ET DES
PATRIMOINES.

Ainsi commanca la proprieté territori=
ale des nations et la proprieté fonciere des
individus, le partage des fonds et la
distinction des patrimoines  appartenant
aux particuliers ou aux familles. Avant
linstitution d'un ordre civil regulier au=
cun fermoit sa possession d'un enclos ,
et en etoit le seul gardien; mais depuis
<85> qu'il y eut une constitution politique,
l'usage s'introduisit de fixer les limites  des
possessions par certaines bornes  solides et
durables, et de tenir des registres  publics
propres a prevenir les usurpations et les
sujets de conteste. Telles furent les premieres
Loix civiles.

Dans les pays ou les terres n'ont été que
que des possessions amovibles  l'agriculture
y a été negligée et les peuples ont été toujours
pauvres, parce qu'on y a été privé de tous les
encouragemens que peuvent fournir
la permanence de la possessïon, l'amour
de sa famille et de son nom, pour deploier
sur des fonds toute son activité industrieu=
se, et entreprendre quelque chose de solide
et de durable.

La proprieté fonciere transformée en
patrimoine et heredité par succession,
n'a pu 1 mot biffure s'introduire chès les nations que
lorsque les hommes ont été assès civilisés
pour regler habituellement leurs activites
et leurs desirs sur la perspective 1 mot biffure
d'un avenir eloigné, ni s'etablir d'une
maniere bïen determinée et solide, que
lorsque ces nations se sont formées en
societe reguliere soumise a un gouver=
nement et des Loix. Mais cette introduction
des patrimoines a été le ressort le plus puis=
sant pour reveiller l'activité et l'ïndustrie
des hommes, etendre leurs progrès et leurs
succès et donner naissance a toutes les ins=
titutions et les inventions qui ont eu tant d'influence
sur le bonheur de la vie humaine.

De cette proprieté fonciere sont nées une
multitude de proprietes particulieres qui
en etoient une 1 mot biffure dependance necessaire, ou
<85v> auxquelles elle donna lieu par une suite
naturelle des choses humaines.

Les proprietaires purent aussi, sous l'assu=
rance de leurs fonds a eux appartenant
de Droit, trouver des secours pecuniaires
a titre de pret sur hypotheque, qui ser=
virent encor a ameliorer les fonds et
perfectioner l'Agriculture. Dela encor
de nouveaux efforts de l'industrie, une
plus grande circulation, un commerce
plus actif, une source de nouvelles riches=
ses nationales auparavant inconnues.

RICHESSES NATIONALES.

On appelle richesses nationales l'abondan=
ce plus ou moins grande des choses qui, chès
une nation, peuvent contribuer a la sureté
commune, a la subsistance, aux commodités,
aux agremens, au faste et au luxe des par=
ticuliers.

Les peuples sauvages et errans n'ont point
de richesses nationales parce que tout ce qu'y
peut faire l'individu c'est de pourvoir a
sa subsistance personnelle et encor avec beaucoup de
peine.

Il ne peut y avoir de richesses nationales pro=
prement dites que chès les peuples favorisés
d'une agriculture perfectionée, ou une par=
tie de la nation peut par sa culture pour=
voir a la subsistance de l'autre, pendant
que celle ci s'occupe des objets d'industrie
et de commerce, qui ouvrent des sources
abondantes de gain, et que les ouvriers
peuvent entrer en concours pour facili=
ter et accelerer tous les ouvrages de fa=
brique et par la en augmenter conside=
rablement la quantité et le produit.

La richesse d'une nation depend en general
de deux choses, de sa population, et de
la proportion de ses ressources pour l'entretien
et le bien etre de ses ressortissans.

<86> POPULATION

La population depend de diverses causes que
nous avons indiquées (Anthrop. S. 1. ch. XI) 
comme aussi de l'autorité paternelle et de
1 mot biffure chès une nation, qui peut influer
sur le desir d'une posterité nombreuse, du
plus grand rapprochement des conditions
et des fortunes, et par la même de la sim=
plicité et de la regularité des moeurs, ou
l'eloignement de la molesse de la paresse
et du luxe, de la paix et de la liberté, mais
surtout de 3 mots biffure.

L'ABONDANCE DES RESSOURCES.

L'abondance des ressources depend de la
quantité des denrees et des matieres pre=
mieres sur lesquelles l'ïndustrie s'exerce:
quantité qui resulte de diverses causes, de
la bonté du climat, de la fertilité naturelle
du sol, des progrès de la culture, du genre
de productions auquel on a donné le plus
de soïn, de la sureté et de la liberté dont
jouissent les proprietaires et les cultivateurs
et des encouragemens qu'on leur 1 mot biffure offre.

Cependant il faut convenir que l'abondance
des ressources depend avant tout, du choix
prudent que les particuliers ont su faire
du genre d'occupation qui est le mieux as=
sorti a leur position par rapport aux autres
nations, et qui peut leur procurer immedi=
atement ou mediatement la plus grande
quantité de denrees ou de matieres pour
exercer leur industrie.

Ainsi une nation bïen favorisée par la qua=
lité et l'etendue de son sol s'enrichira beau=
coup plus par l'agriculture que par toute
autre occupation, parceque l'abondance
des productions qu'elle verra naitre dans
son sein, augmentera la population,
fournira des objets et des encouragemens
a l'ïndustrie, ce qui produïra le commer=
ce et un commerce solide, independant
des autres nations, a l'abri des accidens;
par ou se multiplieront les ressources
pour les besoins et le bienetre.

<86v> Mais sil sagit d'une nation qui n'occupe
que peu de terrein, ou un terrein aride ou
marecageux, les particuliers ne sauroient
se borner a la culture sans reduire leur
pays a la pauvreté et la depopulation.

Cette même nation pourra au contraire de=
venir très opulente si les individus deploient
leur ïndustrie par l'invention et la fabrique
d'objets de besoin ou de cupidité a l'usage
des nations opulentes, qui pourront leur four=
nir en echange abondance de productions et
de materiaux pour leur travail. La
fortune de cette nation, il est vrai, ne sera
pas aussi solide que celle d'une nation riche
de son propre sol, elle dependra beaucoup des
evenemens et meme des caprices des autres
nations avec qui elle se trouvera en commerce.

C'est toujours l'Agriculture qui est la sour=
ce des vraies richesses nationales , et la seule
sur laquelle on puisse surement comter.

Un sol bien cultivé produit assure toujours
l'abondance et la population, d'ou dependent
les richesses, la puissance, et le credit
de toute nation.

Cependant l'opulence  d'une nation agricole
ne sauroit devenir jamais bïen grande si
son industrie est entierement bornée aux
travaux de la culture. Avec peu de besoins
et de gouts, bornée aux arts de premiere
necessité, elle ne se donnera que peu ou point
de peïne pour perfectioner cette culture et
elle restera dans la mediocrité. Pour qu'une
nation arrive a un degré brillant de pros=
perité, il lui faut des arts occupés a em=
ploier les matieres premieres que la culture
fournit, et qu'a mesure que les arti=
sans se multiplient, elle augmente par
son agriculture les productïons sur les=
quelles leur industrie s'exerce. Car dès que
chès une nation les objets d'industrie se
multiplient en plus grande raison que
<87> les matieres premieres de son sol, alors
elle devient plus dependante des nations
voisines de qui elle est obligée de les tirer, et
celles ci peuvent même porter a son indus=
trie les coups les plus funestes, ou en haus=
sant le prix des matieres brutes, ou en
faisant baisser celui des matieres travaillées
ou marchandises qu'elles tirent d'elle. Ainsi
pour qu'un peuple possede en lui même les
vrais germes de prosperité, il faut qu'il
etablisse une juste proportion entre la
culture de ses productions et l'art de les
emploier, pour pourvoir fournir lui
même a la consommation qui s'en fait.

Dans toute Societé ou la maniere de vivre
est simple, cette proportion s'etablit très facïle=
ment. Mais la ou les productions se consom=
ment en frivolité de luxe, sans que la masse
en augmente, alors la proportion se perd
et la nation s'appauvrit. Nulle part le luxe
ne peut s'introduire sans produire cet effet,
a moins que la masse des productions n'aug=
mente en même proportion que les depen=
ses. En general, pour qu'une nation soit
riche, il faut quil y ait toujours une juste
balance entre les depenses et les revenus, que
l'abondance et la simplicité se reunissent
pour tenir tout a un prix modique, en sorte
que les consommations du riche ne se fassent
pas au prejudice du pauvre, et que cha=
cun puisse subsister de son travail.

D'OU DEPEND L'OPULENCE DES PARTI=
CULIERS

Ainsi l'opulence nationale depend de
l'opulence des particuliers; laquelle a son
tour depend de deux choses 1° de leur indus=
trie et de leur application au genre de tra=
vail ou ils sont le plus assurés du succes,
a raison de leur talent et des circonstances.

<87v> 2° d'une oeconomie sage et prudente qui
sait mettre une juste proportion entre
leura recette et leura depense et cherche même
a augmenter annuellement les revenus
pour pourvoir aux nouveaux besoïns
eventuels de la famille. Avec ces deux
dispositions, il est rare que les particuliers
ne parviennent a un etat au moins
d'aisance  qui s'etend au dela du necessai=
re, et 2 mots biffure embrasse le com=
mode et l'agreable.

La pauvreté , il est vraï, reste toujours en
partage a plusieurs, et il faut necessaire=
ment qu'il y ait des pauvres partout ou
il y a nombre d'hommes qui n'ont de res=
sources que leurs bras. Pour cet ordre de
gens, un jour de maladie est un pas vers
l'indigence, un accident suffit pour les
mettre hors de service et les plonger dans
la pauvreté: souvent meme cest l'oppression qui
les y fait gemïr. C'est un mal qu'il
y ait des hommes souffrans la disette,
mais de ce mal resulte le plus grand
de tous les biens; c'est qu'on trouve des
hommes pour exercer toutes sortes de
travaux. Sans la pauvreté ou trou=
veroit on des manoeuvres, des car=
riers, des mineurs, des couvreurs
des maçons &c et gens occupés a des
travaux très peïnibles, et plusieurs
meme très degoutans.

<88> CHAPITRE XIV
Du commerce

ORIGINES DU COMMERCE.

L'etablissement de la proprieté, et la multi=
plication des besoins, ont fait naitre très na=
turellement l'idée des echanges : celui qui
avoit du superflu dans un genre s'em=
pressoit de le livrer a celui qui a son tour
pouvoit lui livrer un superflu dans un
autre genre dont il se trouvoit depourvu.

Chès les nations cantonnées, l'agriculture
et les arts durent bïentot etablir une com=
munication reciproque de ressources de
subsistances, premierement entre les parti=
culiers, ensuite entre les communautés
elles mêmes. Ainsi la necessité fit naitre
le commerce , le desir du bien etre lui fit
prendre des accroissemens, le gout pour
les objets de cupidité et de luxe, le porta
enfin au plus haut degré. Né de l'agri=
culture et des arts, le commerce recipro=
quement contribua puissamment a leurs
progrès et a la richesse des nations.

SES AVANTAGES

Si le commerce ne produit pas des richesses
nouvelles, il convertit en rïchesses des pro=
ductions de la nature et de l'art, qui sans cela
seroient de nulle valeur. Sans le commerce,
tout superflu ne seroit pour celui qui le pos=
sede qu'un poïds onereux; il ne peut deve=
nir ïnteressant que par l'espoir de l'echan=
ger, et sans l'influence puissante de cet
espoir, la culture et l'industrie 2 mots biffure
2 mots biffure n'auroient qu'une
foible activité.
  C'est l'impulsion du commerce
qui multiplie et diversifie les travaux, et
qui devellope l'industrie dans toutes ses
branches. C'est le commerce qui entretient
<88v> la communication entre les particuliers pour
travailler de concert aux mêmes objets, et
entre les peuples pour se preter des secours mu=
tuels, s'enrichir de nouvelles 2 mots biffure
decouvertes, et faire des progrès rapides dans
les arts et les sciences. C'est le premier ai=
guillon de l'activité humaine, le grand ressort
des talens et des progrés vers la civilisation.

Les anciens peuples orientaux l'ont connu
de toute ancienneté
et toutes les nations qui se sont civi=
lisées ont fait leurs efforts pour l'introduire
et l'etendre chès elles.

COMMERCE INTERIEUR.

Il n'y eut dans les premiers commancemens,
comme il n'y a encor aujourdhui chès plu=
sieurs nations qu'un commerce interieur
c.a.d. resserré dans l'ïnterieur d'une nation
et exercé de particulier a particulier, sans
porter aucune influence au dehors.

COMMERCE EXTERIEUR.

Mais l'inegalité avec laquelle les productions
de la nature sont dïstribuées dans les differens
pays, les progrés de l'industrie, la multiplica=
tion des objets de cupidité, ainsi que des besoins
et des gouts, tout cela fit bien tot naitre un
commerce plus etendu et plus diversifié entre
les nations qui possedoient une surabondan=
ce de productions ou d'effets en divers genres.

Telle nation voiant accumuler ses productions
en tel genre jusques au superflu, chercha
a convertir ce superflu en richesses, en l'offrant
a telle autre depourvue a cet egard, en echan=
ge contre d'autres articles quelles'elle se trouvoit en
etat de lui fournir. Celle ci aura de son côté
donné très volontiers, en echange des choses
qui lui etoient offertes, celles qu'elles se trouvoit
avoir de trop dans une autre genre et de
cette position respective, il sera resulté, selon
l'ordre naturel des choses, un commerce exte=
rieur de nation a nation.

<89> COMMERCE FONDE SUR L'INDUSTRIE.

Les peuplades, comme les colonies, qui se sont
trouvées placées sur un terrein resserré ou peu
fertile, forcées par leur position a deploier leur
genie et leur industrie pour imaginer et execu=
ter des objets de cupidité, auront presentés ces
objets aux nations opulentes, pour obtenir
d'elles en echange les productions qui leur man=
querent, et celles ci auront donné avec plai=
sir tout ce quelles avoient de superflu pour
pour se procurer ces douceurs. Telle a été
l'origine du commerce fondé sur l'industrie,
2 mots biffure lequel a été le principal ressort des etablis=
semens de fabrique, de manufacture  et
qui s'est accru a proportion de la culture
et des arts, ainsi que de l'accroissement des
villes et cités, et des richesses nationales.

COMMERCE FONDE SUR LA CULTURE.

Cependant le commerce n'a fourni des riches=
ses solides et independantes qu'aux nations
qui l'ont exercé par l'exportation des produc=
tions de leur sol, et chès qui l'agriculture
en a été l'ame et le soutien; car chès ces nations,
le produit du commerce revient toujours
au profit de l'agriculture par une pente et
une circulation naturelle. C'est comme une
pluie bienfaïsante qui retombe sur la même
terre pour y reproduire en plus grande abon=
dance encor les mêmes objets de profit; ce
qui forme une source de richesses intarris=
sable et qui va toujours en croissant.

Toute nation qui ne subsiste que par un
commerce d'ïndustrïe, depourvue de denrées
et de matieres premieres, n'a qu'une ressource
precaire, qui peut tout d'un coup lui manquer:
les objets de commerce passent et repassent par
ses mains, mais elle ne tient pas en sa puissance
le fond qui les produit: ses ressources sont
sous la dependance des nations voisines qui
peuvent mettre des entraves a l'exercice de
<89v> de son commerce, ou lui enlever la
branche la plus lucrative, et la ruiner
par la concurrence.

PREJUGE MERCANTILE.

Toutes les nations commerçantes semblent avoir
été imbues de ce principe, qu'aucune ne peut deve=
nir opulente par le commerce qu'autant qu'elle
cherche a detruire celui des nations voisines; d'ou
sont venues toutes ces manoeuvres basses et in=
justes qu'elles ont emploiées pour traverser reci=
proquement leurs operations, lorsqu'elles croi=
oient avoir lieu d'en redouter les consequen=
ces. Il ne faut cependant avoir que le sens com=
mun pour comprendre que l'appauvrissement
et le deffaut d'activité d'une nation, privent
la nation voisine de plusieurs jouissances, ou
lui en rendent l'acquisition plus dispendieuse,
ou lui otent chès cette premiere un ecoule=
ment lucratif de ce qu'elle auroit pu lui of=
frir de son superflu; qu'en general plus les
debouchés se multiplient dans les alentour
d'une nation, plus cette nation acquiert de
moiens de convertir son superflu en veritables
richesses, et de se procurer des retours qui
repandent chès elle l'abondance et l'opulen=
ce; qu'enfin chaque nation aspirant a l'a=
vantage d'acheter au plus bas prix et de
vendre au plus haut, il est important pour
elle qu'il y ait dans le premier cas, une plus
grande concurrence de vendeurs, et dans le
second, d'acheteurs, que les uns et les autres
aient plus de fortune pour conclure les mar=
chés et donner aux allees et aux retours
une plus grande rapidité.

<90> OBJETS DE COMMERCE.

Les objets de commerce se sont multipliés
en meme proportion que les productions de la
terre, et les moiens ïmaginés pour pourvoir
aux besoins, aux commodités de l'espece humai=
ne et fournir aux agremens 2 mots biffure et
au luxe de l'opulence. Tels ont ete les vege=
taux, les grains, legumes, fruits, les epices ,
aromates , medicamens, les depouilles de diverses
plantes, les extrais de leurs fruits, vins, cidres
cervoises, liqueurs, les bois precieux, odoriferans,
les parfums, les materiaux de teïnture &c. 2° les
animaux, le gros et menu betail, qua=
drupedes, oiseaux, leurs depouilles, peaux
poil, laine, plumes, côtes, cornes, ecaille
yvoire, perles &c. 3° les mineraux
les pierres precieuses, l'or et l'argent con=
siderés comme marchandïse 4° Les
ouvrages d'ïndustrie, avec les instrumens,
outils, qui servent a les faconner, les uten=
siles, joiaux &c. les ouvrages de fabrique
et de manufacture 2 mots biffure ou les
matieres premieres sont mises en oeuvre,
tout ce qui peut etre offert comme
objet de besoin, d'agrement ou de cu=
pidité.

MANIERES DIVERSES DE COMMER=
CE SUCCESSIVEMENT INTRODUITES.
ECHANGE A LA SIMPLE VUE.

Le commerce ne fut d'abord qu'un echan=
ge immediat des denrees. Celui qui avoit
tiré beaucoup de bêtes a la chasse en troc=
quoit la chair ou les peaux contre du miel
ou des fruits que son voisin avoit recuillis;
le laboureur echangeoit son grain super=
flu contre de l'huile, du vïn &c. chacun don=
noit ce qu'il avoit de trop dans un genre
pour obtenir ce qui lui manquoit dans un
autre: celui qui n'avoit aucune denrée, offroit
son travail, ses services, pour obtenir de celui
qui l'emploioit sa subsistance. 2 mots biffure Les echanges
<90v> se faisoitent sur une simple estimation a la
vüe , et selon la quantité dont on conve=
noit au moment même. On n'emploioit
ni mesure ni balance ni poïds; On jugeoit
de tout a l'oeuil, et l'estimation regloit
la valeur et decidoit de l'echange. Ce commer=
ce primitif subsïste encor chès les sauvages
et meme ches des nations sorties de la barbarie,
sur les côtes maritimes de la Siberie, dans
la Lapponie Norwégienne et Russe, en
Asie au Kamstchatka, en Mïngrelie,
a Soffala en Ethyopïe, ou l'or même
se vend sans etre pesé. 4 mots biffure On n'en connoissoit
point d'autres parmi
les Grecs
  au temps de la Guerre de Troïe, 1 mot biffure
les Grecs, et il subsïsta par tout aussi long=
temps qu'on ignora l'usage d'un signe
intermediaire des valeurs.

Mais on ne tarda pas a s'appercevoir des incon=
veniens d'une prattique qui mettoit les igno=
rans et les sïmples a la merci des plus clair=
voïans, et avec laquelle les marchés ne
pouvoient etre que fort dïfficilles et très
rares, d'autant plus que nombre de mar=
chandises ne pouvoient ni etre partagées,
3 mots biffure reduites en fractions, ni même etre echangées,
sans 3 mots biffure perdre plus ou moins de leur prix.

MARCHES SOUMIS A LA MESURE.

Pour remedier a des inconveniens si frap=
pans et si nuisibles au commerce, on
chercha des moiens de determiner exac=
tement la quantité des effets commercables.

Pour ceux dont la valeur depend de l'eten=
due ou du volume, on emploia la mesure
lineaire, qui etoit deja sans doute en usage
dans les arts mechaniques, je veux dire, le
pied pris sur la longueur du pied de
l'homme, dïvisé en fractions, pouces &c
et qui repeté donnoit aux artisans le
toisé , et aux marchans l'aunage .

<91> Pour les denrees solides ou liquides dont
la quantité ne peut etre determinée immediatement par
la mesure lïneaire, on emploia celle ci
a la construction de certains vases d'une
capacité determinée qui servit a fixer la
mesure des corps solides ou liquides dont
ils seroient remplis; d'ou vinrent pour les
grains, les boisseaux , muids  &c. pour
les liquides, les pintes , septiers, ommes
&c.

Pour les marchandises dont la valeur
ne peut etre determinée que par le poids,
on se servoit de la balance et du poïds .

Le terme auquel tous les autres poids
ont été rapportés chès les diverses nations
a été la Livre , qui des Phoeniciens a passé
aux Grecs, aux Romains, aux Europeens,
actuellement retenue a Rome, et eva=
luée a environ 12 onces de Paris, dont
chacune est de 24 deniers, comme le
denier de 24 grains.

MATIERE INTERMEDIAIRE

6 mots biffure pPour facili=
ter l'estimation, et remedier en même temps
aux inconveniens des operations par echan=
ge immediat, si onereuses, si longues et si
incertaines, on joïgnit encor de très bonne
heure l'usage de quelque matiere interme=
diaire dont la valeur naturelle, ou conve=
nue, servit de signe representatif de toutes
les especes de marchandises, et mit en etat
d'en faire une estimation prompte et facile.

Il falloit que cette matiere fut plus aisée a
evaluer que toutes les autres auxquelles elle
devoit servir de mesure commune d'evalua=
tion ou de prix commun .

<91v> Plusieurs nations 2 mots biffure choisirent pour cela des
denrees  d'un usage general, comme des
grains, des fruits, du sel, des coquillages, des
poissons, des bestiaux &c. Chès les Indiens
au Malabar, on emploie encor pour petite
monnoie des coquilles, ou scauris; chès
les Mogols, des envellopes d'amandes, chès
les Mexicains, des grains de cacao, chès les
Ethyopiens du sel brut, en Islande des
poissons &c. chès les anciens Grecs, on
se servoit de bestiaux, et le plus souvent
de Boeufs; la valeur d'un Boeuf etoit le
terme fixe d'appreciation. Dans les pre=
miers temps, les Romains emploioient a
cela le menu betail, pecus. 1 mot biffure
2 lignes biffure.

Mais on sentit bientot les ïnconveniens
attachés a l'emploi de matieres interme=
diaires d'un volume ïncommode, dïfficille
a conserver dans leur ïntegrité, et a parta=
ger en fractions, d'une valeur variable
et ïncertaine, dont le cours le plus rapide
ne pouvoit produire une circulatïon
suffisante pour les operations de commerce,
et qui devenoit d'un usage impratticable pour
des nations qui par leur position pouvoient
se flatter d'etendre tous les jours leur com=
merce avec leurs richesses. On comprït en=
fïn la necessité de matieres intermediaires 
de peu de volume, faciles a transporter,
assès dures pour etre a couvert du dechet
qui pussent etre fractionees sans perdre rien de leur
valeur, auxquelles la rareté donnat un
merite qui les rendit susceptibles en elles
mêmes d'une appreciation fixe, moins depen=
dantes des variations et qui peut etre exacte=
ment graduée sur toutes les proportions
et les fractions.

<92> METAUX

Depuis la decouverte et l'emploi des metaux
l'or, l'argent, le cuivre, on ne tarda pas
a les introduire dans le commerce com=
me reunissant toutes les qualités qui pou=
voient les rendre propres a servir de mesure
commune, ou de prix eminent , signe
representatif de tous les prix ou de la valeur
de toutes les marchandises. En Orient
ils furent emploiés a cet usage deja du
temps des Patriarches .

Ce fut d'abord le poids qui en decidat seul
la valeur. On convenoit de l'espece et de la
quantité de metal a livrer contre la mar=
chandise, et lorsqu'on le livroit il etoit
soumis au poids . On avoit
cependant egard aussi au degré de pureté
et de finesse. Cet usage s'est conservé a la
Chine ou l'or et l'argent n'ont de cours que
comme marchandises; on les coupe par
morceaux, et on pese ces morceaux chacun
a part, pour s'assurer de sa valeur en rai=
son du poids et du titre. On en fait de même
au Tonguin, et dans l'Abyssinïe, ou l'on
negocie avec l'or brut.

Ches les anciens Grecs, le mot ταλεντον,
quï signifïoit une balance ou un poids,
fut emploié aussi pour marquer une certai=
ne quantité de metal d'une pesanteur
determinée, qui en fixoit la valeur, et depuis
l'introduction du metal monnoié, ce même
mot fut 1 mot biffure emploié pour exprimer une
monnoie de compte, qui n'existoit que ïdea=
lement, et ne servoit que pour la commodité
lorsqu'il s'agissoit de grosses sommes. Tel fut
chès les Grecs le talent . V. talens

En Europe, pendant que les metaux se livre=
rent au poids, celui ci fut toujours rapporté
a la Livre comme terme d'evaluatïon. Ainsi
<92v> une Livre d'or ou d'argent etoit reellement
une livre de poids; et c'est de la que les Euro=
peens ont tous adopté le supput par Livres;
mais 1 mot biffure ce nest plus qu'une monnoïe fictice
ou de comte, utile pour la facilité des cal=
culs, et qui varie selon les lieux.

Rien de plus embarassant que cette methode
de payement surtout dans le detail; com=
ment reduire le metal a tout instant en
fractions et en parcelles?

METAUX MONNOIES.

Pour eviter cet inconvenient on prit le
parti de reduire les metaux sous certaines
formes de differens poids et de differentes
valeurs exactement apprecïées, qu'on pou=
voit livrer et recevoir a tout instant sans
aucune defiance, et pour entiere confian=
ce, on prit la precaution de marquer tou=
tes ces pieces a un coin public, avec une
empreinte connue, et un nom ou denomi=
nation, qui constatoit la valeur estimée
selon le poids et le titre. Partout ou il y eut
un gouvernement, on reconnut qu'il pouvoit
seul s'attribuer le Droit de mettre sa marque
sur chaque pieces, comme etant le seul qui
put prevenir l'alteration frauduleuse du
metal, 2 mots biffure et celui qui etoit le plus
specialement 1 mot biffure interessé et obligé de veiller sur cet objet,
pour deconcerter la fraude. 2 mots biffure
1 ligne biffure.

Les peuples choisirent pour premiere emprein=
te la figure de l'objet qui leur avoit servi
auparavant de prix eminent. Chès les Grecs
ce fut un boeuf et leurs anciennes mon=
moies s'appelloient des boeufs; chès les Romains
ce fut elles furent appellées pecudes, d'ou
ils firent pecunia ; on les appella aussi
moneta  monnoie. Nous les appellons
especes, comme etant specifiées par le
coin public.

<93> Rien n'a autant contribué a animer le
commerce que ces especes monnoiées par la
facilite qu'elles ont donné d'evaluer sur
le champ les marchandises, et de trocquer
son superflu contre le superflu d'autrui
lors même qu'on n'en a pas besoin, parce
qu'apres l'avoir reçu, on peut le trocquer
avec la meme facilité contre des especes, et
avec celles ci obtenir tous les objets qu'on
desïre; ce qui met en etat de negocier
ou speculer sur tout.

Il n'est pas surprenant que l'usage des me=
taux monnoiés ait été si ancien chès les peu=
ples orientaux; il est vrai qu'ils n'eurent de
cours que parmi la nation qui leur avoit
donne l'empreinte; de nation a nation les
metaux se livroïent au poids . L'usage
de la monnoie chès les Grecs fut introduït
par Phïdon Roi d'Argolide contemporain
de Lycurque. Selon Herodote, les Lydiens
1 mot biffure donnerent cours les premiers a la monnoie
d'or et d'argent. Mais pendant longtemps
les metaux furent très rares chès les Grecs,
s'il en faut croire Athenée lorsqu'il dit
que les Spartiates voulant dorer leur sta=
tue d'Apollon ne purent trouver de l'or pour
cet usage qu'auprès de Cresus Roi de Lydïe.

1 mot biffure Les Perses recurent l'usage des
monnoies de leur Roi Darius Hystaspes
d'ou elles furent appellées Dariques.

Ce ne fut que vers l'an de 1 mot biffure Rome 220,
sous le Roi Servius, que les Romains mi=
rent en cours la monnoie. A mesure
que les richesses s'accumulerent dans
leur Etat, l'abondance de leurs monnoies
refluat dans tout leur Empire et se repan=
dit en Europe. 3 mots biffure

<93v> Devenue tres 7 lignes biffure
Avant les croi=
sades les mon=
noies s'y etoient
deja fort multipliées
sous toutes sortes
d'empreïntes, en=
treautres celle quon
doit a S. Louis qui
presentoit dun coté
une croix, de lau=
tre des piliers,
d'ou sont venus les
mots croix et pile.
Cependant l'abon=
dance des mon=
noies n'est devenu
tres sensible, que
depuis que les
Europeens se
sont empares
des richesses du
nouveau monde.
continent.
 

Anciennement on couloit les monnoies
dans des moules, c'etoient comme des
lingots grossierement marqués: c'est
ainsi qu'on fait encor au Japon: Il y
fallu bien du temps pour apprendre a les
frapper et en perfectioner la gravure;
on n'y emploia d'abord que le marteau; linven=
tion du balancier est due a Nicolas
Briot en 1617.

VALEUR DES ESPECES

La valeur que le gouvernement a assigné
a chaque piece de monnoie fabriquée a son
empreinte, a été appellée numeraïre , comme
devant etre admise dans tout compte qui
se fait en especes courantes.

Dailleurs le metal de chaque piece a
en lui même une valeur, consideré comme
marchandise, et cette valeur se nomme
intrinseque. Elle s'apprecie par le poids ou
la quantité, et par le titre  ou la qualité plus
ou moins pure, ou melangée; ce qui depend
de la quantité d'or ou d'argent pur contenu
dans l'alliage . 3 mots biffure

Dans les commancemens, la valeur numerai=
re fut reglée exactement sur la valeur in=
trinseque, sans que le fisc s'attribuat aucun
benefice direct sur la fabrication des mon=
noies. Mais les depenses publiques aiant
augmenté avec le temps, il etoit naturel 1 mot biffure
<94> qu'il chercha aussi a augmenter ses revenus, en
tirant quelque emolument de cette fabri=
cation. Cet emolument ne put etre conside=
rable pendant qu'on continua a faire les
payemens en gros avec le metal livré au
poids, et que les monnoies ne furent em=
ploïées que pour le meme detail. Mais
quand l'usage de celles ci fut devenu plus
etendu, que le nombre en devint plus con=
siderable, l'emolument alla toujours en
croissant; devenant alors un objet plus
important pour le fisc, l'idée vint de cher=
cher a l'augmenter encor: on specula et sur
le titre et sur le poids: les alliages devin=
rent plus impurs, les refontes se multi=
plierent, et la valeur numeraire eut tou=
jours moins de proportion avec la valeur
intrinseque.

Il est vrai aussi que diverses circonstances
independantes du Souveraïn ont mis
obstacle 1 mot biffure a cette proportïon constan=
te; 14 lignes biffure
car la monnoie,
en conservant la
même denomina=
tion numerique
peut etre exposée
a la hausse ou
a la baïsse de sa
valeur intrinse=
que, suivant sa
rareté ou son a=
bondance, le def=
faut ou la facili=
té de sa circula=
tion. 2 mots biffure
1 mot biffure
Cela peut etre
particulier a tel
ou tel pays; et
cela peut devenir
aussi general
a toute l'Europe.
 

Ainsi s'il est vrai qu'il existe en
Europe 10 fois plus d'argent qu'il n'y en
avoit avant la decouverte du nouveau
monde, il en a du resulter que l'argent
dans le commerce a dix fois moins de
valeur intrinseque qu'il n'en avoit alors,
et que pour acheter la même quantité de
marchandises, il faut donner 10 fois plus
d'argent qu'on en donnoit avant cette
epoque.

<94v> Pour conserver les denominations des especes
primitivement introduites dans le cours, on
a ete obligé de diminuer progressivement
la quantité de metal compris sous chaque
denomination. Ainsi du temps de Charle=
magne le poids de 12 onces d'argent fut
appellé livre parce que que c'etoit l'ancien=
ne livre Romaine. La livre fut divisée
en 20 Sols d'argent dont chacun pesoit
la 20e partie de 12 onces: chaque sol se
divïsoit en 12 deniers. A force de degra=
dations successives apportées aux especes pour
l'alliage et pour le poids, il est arrivé que
ce qu'on appelle Livre de 20 Sols se trou=
ve ne peser plus que la 6e partie d'une on=
ce, ou la 72 partie du poids de 12 onces
de la livre primitive. Chès toutes les na=
tions la monnoie a subi des variations
le plus souvent par des dispositions arbi=
traires ou 2 mots biffure politiques, qui
ont beaucoup embarassé le commerce
par l'incertitude quelles ont mises dans
les contrats, et le danger auquel elles ont
toujours exposé les commercans par rap=
port a leurs interets. Car pour la prosperi=
te et la sureté du commerce, il est essentiel
que les monnoies aient un prix fixe: a
l'abri des variations; arbitraires: sans quoï
leur proportion avec les denrees ne peut ja=
mais s'etablir, on craint toujours d'etre
trompé sur les especes par quelque varia=
tion subite: on devient plus difficille pour
les achats et les ventes; l'un pour sa sureté
veut vendre a trop haut prix, l'autre veut
acheter a trop bon marché. Cette entra=
ve rallentit le commerce et des la même
l'industrie, la nation s'appauvrit et
a la fin, c'est le souverain qui en souffre
le plus.

<95> MONNOIE MARCHANDISE

La monnoie en même temps qu'elle est prix
des marchandises, est aussi marchandise 
elle même. Or c'est la peine et le travail
de l'homme pour se procurer les objets,
qui en determine le prix reel; ce qui coute
le plus de peine a acquerir est aussi le
plus cher; tout cela est 1 mot biffure applicable
aussi a l'argent. Sa valeur reelle, 1 mot biffure
1 ligne biffure
, de=
pend donc en chaque lieu et en chaque
temps, d'un côté de l'abondance plus ou moins
grande des especes circulantes dans le
moment même; de l'autre, de la quantité
de marchandises ou d'ouvrages qu'on peut
obtenir en echange. C'est la une Loi inva=
riable du commerce. Une autre Loi
generale, c'est que le prix courrant des
marchandises cad. la quantité de mon=
noie qu'il faut livrer pour les obtenir, de=
pend non seulement de l'abondance du
numeraire, mais encor de celle de la
marchandise, de la concurrence des
vendeurs, de la presse des acheteurs et
de l'etendue des demandes.

Quoique les objets de premiere necessité
soient sujets a la hausse et a la baisse, nean=
moins ils ont toujours leurs cours, mais les
objets d'industrie, de fabrique, d'agre=
ment, de luxe, ne se soutiennent pas de
meme
qu'autant qu'ils continuent a etre
demandés et qu'ils peuvent se debiter un
2 mots biffure certaine quantité et 1 mot biffure a un prix
suffisant pour contenter l'ouvrier, le
manufacturier, le marchand et surtout
le proprietaire, en lui donnant un pro=
duit qui puisse l'encourager a culti=
ver les productions qui servent de ma=
tieres premieres a l'ïndustrie.

<95v> PAPIER MONNOIE

L'etendue et l'activité du commerce entre
les nations aiant prodigieusement augmen=
té, les payemens  en monnoies effectives
etant devenus trop embarassans et même
impratticables dans la plupart des cas, on
a enfin ingenieusement imaginé l'usage
des billets circulans  ou Lettres de change
dont la valeur, toute fondée sur le credit, a
servi de signe representatif des especes
pour les sommes les plus considerables,
et a pu en tenir lieu auprès de tous ceux
1 mot biffure a qui elles etoient offertes. Quand le 1 mot biffure
credit public a mis ces billets dans le
cours, on les a appellé papier monnoie.

Cette admirable invention qui a donné
au commerce une etendue qu'on n'auroit
pu seulement soubconner, est düe aux
Juifs commercans en Europe, qui imagi=
nerent ce moyen pour mettre leur fortune
a couvert du pillage dans les pays ou ils
se voioient persecutés et proscrits. Bannis
de France sous Phillipe le Long en 1318
ils se refugierent en Lombardie, y don=
nerent aux negocians des Lettres sur
ceux a qui ils avoient 1 mot biffure confiés leurs
effets en partant, et ces Lettres furent
acquitées. Ainsi les Juifs ont etabli
l'usage des Lettres de change en Italie,
en France, a Amsterdam, mais l'institu=
tion ne prit bien constance qu'après l'edit
de Louis XI en Mars 1462. On a vu
dans ces derniers temps de quelle grande
utilité a été le papier monnoie.

SERVICE DU COMMERCE

Les problemes de la Science du commerce
sont d'autant plus difficiles a resoudre que les
donnés n'en sont jamais invariablement
determinés et dependant de nulle choses au
dessus de la prevoiance humaine. 2 mots biffure
<96> Sur combien d'objets un negociant ne doit il pas porter
ses regards pour etablir ses calculs. L'in=
fluence des saisons, la quantité et la
qualité des productions en chaque pays,
les routes qui rendent les transports moins
dispendieux, les temps marqués ou favo=
rables pour les departs et les retours, les
rapports des poids et des mesures, le chan=
ge des places, la maniere de faire et de
recevoir les payemens a profit, les revolu=
tions que les affaires politiques, la guerre
ou la paix, peuvent apporter au cours des
affaires mercantiles, les contrecoups d'un
pays a l'autre, les dependances des bran=
ches de commerce, et la prudence requise
pour chacune &c tout cela doit etre con=
nu du negociant  et il faut qu'il dirige ses opera=
tions sur cette multitude de rapports,
ainsi que sur la connoissance des hom=
mes et des ressorts Secrets qu'il faut mettre
en jeu pour reussir dans ses negociations
avec eux. Il faut surtout qu'il ait des
principes bien etablis pour distinguer ce
qui est un gain legitime, davec ce qui est
frauduleux, bas, qui tient a la circonven=
tion
et au monopole.

<96v> CHAPITRE XV
Des transports et de la navigation

TRANSPORTS

Pour etendre et faciliter les operations de
commerce 6 lignes biffure
1 mot biffure
, il etoit essentiel d'aviser aux moiens
de transporter les marchandises d'un lieu a
un autre, en sorte que les productions superflues
et les ouvrages de l'industrie, pussent se repan=
dre dans les lieux ou l'on s'en trouvoit de=
pourvu. On ne pouvoit pas s'en tenir
au commerce interieur; on pensa bïen=
tot a y joindre le commerce exterieur entre
les nations voisines. Pour cet effet deux
ou plusieurs peuples choisissoient sur leurs
frontieres le lieu le plus commode pour un
rendes-vous commun; On y batissoit un
temple, et certains jours de l'année etoient
marqués pour s'y rendre; on y celebroit
une fête religieuse, et en même temps on
y tenoit un marché: usage très ancien
qui s'est continué jusques a nos jours ou
les fêtes n'empechent point qu'on ne tienne
des foires dans les lieux privilegiés pour
cela et auprès même des Eglises.

Mais un c'etoit encor bien peu de chose
qu'un commerce entre des nations voisines
qui pourvues a peu près des mêmes objets
n'avoient gueres de quoi multiplier beau=
coup leurs echanges. On comprit que pour
donner au commerce quelque importan=
ce, il falloit l'etendre entre des provinces
eloignées dont les productions diverses pou=
voient donner lieu a une multitude d'echanges
d'objets qui poudevoient mutuellement in=
teresser les nations par leur utilité, leur
agrement, leur nouveauté ou leur rareté.
Cela ne pouvoit se faire que par le
transport .

<97> PAR TERRE

Les premiers transports de marchandises
se firent par terre : mais il fallut du temps
pour vaincre les obstacles; on commança
par se frayer soi même des routes au tra=
vers des bois, des deserts, des sables &c. A me=
sure que les nations prospererent, elles tra=
vaillerent a etablir entr'elles 1 mot biffure une com=
munication facile par des routes publiques ,
on s'etudia a vaincre les difficultés, on
abattit les forets, on dessecha les marais,
on combla les bas fonds, on dressa des
chaussées, on construisit des digues con=
tre les eaux, on eleva etablit des ponts: enfin on
eut des grands chemins . Ces chemins
furent regardés comme une source de
prosperité pour les Etats: leur entretien
fut regardé loué comme une chose
très agreable aux Dieux, on se faisoit
un Devoir sacré d'en enlever les pierres,
et de les porter a des monceaux etablis
d'espace en espace . 2 mots biffure
1 ligne biffure.
Les
Grecs donnerent une grande attention a la
police des chemins; les carthaginois les firent
paver, les Romains rencherirent, et dans
toute l'etendue immense de leur empire
ils etablirent des 1 mot biffure voies  solides, larges
embellies de toutes sortes d'ornemens et de
commodités pour les voiageurs ...

VOITURAGE CARAVANES.

Les hommes portoient eux mêmes leurs mar=
chandises: mais lorsqu'ils avoient a trans=
porter des charges pesantes et a faire de longues
routes, surtout dans les pays marecageux,
<97v> ou sablonneux, ils emploioient des bêtes
de somme, se reservant la charge des
marchandises precieuses dont le poids
n'etoit pas incommode. Les marchands
se reunissoient pour voiager ensemble plus
agreablement et avec plus de sureté; ils
cheminoient sur des montures et les do=
mestiques a pied; les bêtes de somme, outre
les marchandises, portoient les provisions,
les tentes, le bagage: tout 1 mot biffure se prattiquoit
comme aujourdhui par les caravanes
dont l'usage remonte en orient a la plus
haute antiquité . La ou l'on parvint a
etablir des routes solides, on fit usage
des voitures ou chariots trainés par
des animaux de trait.

HOTELERIES. HOSPITALITE.

A mesure que les voiages se multiplioient,
on sentit, dans les pays habités, combien il
seroit necessaire aux voiageurs de trouver des
gites  sur la route, et l'on etablit des mai=
sons pour leur servir de retraite et pour=
vües des 1 mot biffure provisions qu'ils pourroient
demander, moiennant une juste retribu=
tion . Especes d'ho=
teleries , auxquelles on joignit encor en
divers lieux des batimens publics pour
leur servir d'azyle, tels que sont les cara=
vanserais
chès les Turcs. Dans les premiers
temps, les auberges furent en petit nombre
un sentiment secret d'humanité introduisit
chès les anciens peuples le bel usage de l'hos=
pitalité  envers les etrangers, en même temps
qu'il passa en maxime partout que cette
hospitalité devoit etre reciproque entre les
nations et les familles. Ainsi on se fit un
Devoir d'acceuillir chès soi tout etranger
<98> en voiage amené par le hazard ou pour
ses affaires, mais en le recevant, on acque=
roit le Droit d'exiger de lui 1 mot biffure le mê=
me service lorsqu'on se trouveroit appellé
a voiager dans son pays; obligation reci=
proque, qui passoit même aux enfans
et aux proches, et partout regardé comme
sacré et ïnviolable, 1 mot biffure ainsi que cela est encor
etabli chès les Arabes, de tous les peuples
les plus hospitaliers, quoique fripons, vo=
leurs, traitres envers tout le monde, excepté
ceux qu'ils recoivent chès eux. Cette hos=
pitalité fut exercée chès les anciens
orientaux , chès les Egyptiens,
chès les Persans, chès les Grecs, chès les an=
ciens peuples d'Italie chès les Romains qui,
2 mots biffure quoiquils eussent des maisons publiques appellées
hospitalia, etoient communement enusage d'ouvrir
aux etrangers leurs propres maisons.

C'etoit un sacrilege chès les Germains, dit
Tacite, de fermer sa maison a quelque
homme que ce fut. L'hospitalité ne fut
s'est perdue en Europe que lorsque les voiages
ont été facilités par mille commodités,
qu'on abati partout des hoteleries con=
venables, et qu'on a bien suppléé aux
secours genereux de l'hospitalité par
divers moiens qui ne sont point trop
dispendieux pour les voiageurs.

COLPORTEURS

Dans les temps primitifs anciens les marchands
n'etoient pas assujetis a un comtoir, un
magasin, une boutique ; cetoitent des
foirains sans cesse en voiage d'un lieu a
<98v> l'autre pour tenir les foires  ou marchés,
qui se faisoient a des jours marqués en
chaque lieu, et sur des places publiques
destinées a cela, comme font encor nos col=
porteurs . D'ou vient que chès les Grecs, ils
furent appellés πωλοι de πελω aller
et venir, et chès les Esclavons, gosti
etrangers.

COURIERS

Le commerce aiant donné naissance
aux grandes routes et aux relations de
correspondance entre les peuples, on eta=
blit premierement chès les Persans, en=
suite chès les autres peuples, des gens sans
cesse occupés a voiager d'un lieu a l'au=
tre a pied ou a monture, pour porter
des Lettres, ou des ordres: chès les Grecs ils
furent appellés δρομοι; chès les Romains
viatores, cursores, courriers .

TRANSPORT PAR EAU.

On comprit bïentôt combien il seroit
important de trouver quelque moien de
transport moins peinible et 1 mot biffure dispendieux
surtout parrapport aux effets dont le trafic 
exigeoit le transport en des pays fort eloi=
gnés, pour que la nouveauté, la rareté
les firent monter a un prix qui permit l'ex=
portation sans risque de perte.

Les peuples situés près des eaux virent
1 mot biffure les premiers quel parti on pourroit 1 mot biffure tirer
ou des rivieres d'un cours moderé, ou
des canaux creusés, ou des Lacs, ou
des golphes &c pour le transport d'une
quantité très considerable de marchan=
dises a la fois qui, par cet element, pour=
roient <99> etre conduites dans des pays 1 mot biffure assès
eloignés, sans y emploier des animaux ni
un aussi grand nombre d'hommes et en
epargnant tout les embaras et l'attirail d'un
voïage par terre.

NAVIGATION. NAVIRES.

La pecherie avoit pu deja donner l'idée
d'un radeau. On s'avisa de construire des
radeaux composés de 1 mot biffure grosses pieces
fortement liées entr'elles, et capables de
supporter de très grosses charges: l'expe=
rience apprit bientot l'art de diriger ces
especes de batimens; il n'y a pas bien des
années qu'on en en a vu un a Londres
venant d'Amerique.

On connoissoit deja aussi l'usage des
pyrogues. Cette forme de batiment dut
etre preferée aux radeaux, parce que les effets
dont on le chargeoit courroient moïns de
risque d'etre enlevés ou endommagés par
les flots. Ce fut l'unique navire des premiers
habitans de la Grece, qui les appelloient
μονοξυλα c.a.d faits 1 mot biffure d'une seule piece de
bois: c'etoit tout ce qu'il leur falloit pour
franchir des detroits et voiager d'Isle en
Isle. Mais comme on ne trouve pas par=
tout, et surtout près des eaux, des pieces
de bois assès grosses pour en faire des radeaux,
ou des pyrogues d'une certaine capacité,
l'industrie s'exerca a 1 mot biffure construire d'autres
formes artificielles de navires .

Les nations qui manquoient de gros
boïs, composerent des canots de petites
baguettes de bois pliant disposées en for=
me de claies et recouvertes de cuir: ces
canots sont encor en usage dans la mer
rouge. Les Sauvages d'Amerique fa=
briquent leurs canots avec des ecorces
d'arbres.

<99v> Les Groenlandois font leurs navires de côtes
de baleine recouvertes de peaux de chien
de mer, ou de quelque autre couverture que
l'eau ne sauroit penetrer. Les barques  des
peuples d'Islande sont formées de longues
perches attachées avec des liens de barbe
de baleine: elles sont garnies de peaux de
chien de mer cousues avec des nerfs au
lieu de fil.

1 mot biffure Dans tous les lieux pourvus de bois convena=
ble, on a fabriqué des navires composés de
pieces et de planches de bois assemblées
avec des liens et des chevilles: 1 mot biffure ces batimens, sans
etre trop lourds et pesans, 1 mot biffure etoient d'une solidi=
te 2 mots biffure plus grande et peouvoient recevoir 1 mot biffure
la capacité necessaire. pour porter une
charge considerable.

Au moien de ces navires, on fit d'abord de
petits voiages sur les fleuves, les courans,
le long des côtes maritimes, au travers
des Archipels, &. et 1 mot biffure on destinoit cette naviga=
tion en partie a la peche, en partie au
transport de certaines productions. Telle
est encor l'usage constant des sauvages
qui avoisinent les eaux; partout on les
voit naviguer sur leurs batimens  legers.

<100> BATIMENS PLUS CONSIDERABLES

Les nations qui avoient pris quelques
idées des arts s'exercerent a construire
des batimens plus considerables et plus
commodes pour naviger. On fit une car=
casse  composée de quelques pieces en lon=
gueur, de plusieurs pieces ou chevrons
en largeur, assemblées par des tenons et
des mortaises. Des ais  ou planches de
moienne grandeur, chevillées et arretées
aux côtés ou membres du navire com=
posoient tout ce qu'on appelle le bordage
tandis que d'autres planches plus longues
formoient la carene ou le fond de cale.

On fit usage de matiere resineuse et bi=
tumineuse, pour calfater le batiment,
et rendre l'interieur inacessible a l'eau.

Ainsi furent construits les barques
ou bateaux. Ces bateaux furent
comme nos bateaux plats, sans quille.
Leur constructïon fut très grossiere avant
qu'on scut y faire entrer le fer, et pen=
dant qu'on ignorat l'usage de la scie.

Dans les pays chauds on emploia les bois
d'aune, de peuplier, de sapin, parce que
ces bois y sont plus durs et moins sujets
a s'alterer ou se dejetter que chès nous,
et quils sont plus legers que le chêne que
nous emploions.

Pour donner aux batimens flottans la
forme la plus propre a fendre les eaux et
a resister a l'ïmpetuosité des vagues, on
s'est accordé presque partout a donner
une forme pointue a la partie anterieure,
appellée proue , et une forme quarrée
a la partie opposée, appellée pouppe .

Les Poeniciens donnerent cependant a
leurs vaisseaux marchands une forme
presque ronde, au moien de laquelle ils pou=
voient gouverner en tout sens. Plusieurs
<100v> nations font usage de bateaux pointus
des deux côtés comme etant plus propre a pren=
dre toutes les directions sans avoir l'emba=
ras de tourner.

MANOEUVRE.

Pour ïmprimer le mouvement au batiment
et le diriger avec aisance, il ne fallut sur
les courans, qu'un aviron  pour descendre,
et pour remonter, des piquets  ou pontons .

Mais sur une eau sans cours, on imagi=
na une composition de rames  mises en
mouvement a force de bras, comme au=
tant de leviers qui font avancer le ba=
timent, en surmontant la resistance due
l'eau, du frottement, et du vent qui souffle dans
une direction contraire. On ajusta des
rames a la proue pour faire avancer le
batiment, et d'autres a la pouppe, pour le
diriger. Une espece de rame très longue
et large, au milieu de la pouppe, suffisoit
pour la manoeuvre de derriere, comme
cela se prattique 1 mot biffure pour les bateaux 2 mots biffure
1 ligne biffure
1 mot biffure
qui navigent sur les Lacs; le plus sou=
vent on emploia deux rames placées
aux deux côtés de la poupe. Pour rendre
la manoeuvre de derriere plus aisée et plus
promte, on substitua une piece de bois
plus courte, d'un usage moins ïncommode,
et dont l'impression etoit plus propre a don=
ner sur le champ au batiment la direction
qu'on vouloit; c'est ce qu'on appelle le gou=
vernail . Les Sauvages l'emploient aussi, mais
il en est qui le placent aux cotés du navire,
comme cela se voit dans les Praos des
Bantam.

<101> VOILURE. AGREAGE.

A mesure que les transports devinrent plus
considerables, il fallut donner aux batimens
plus de capacité, et pour les mouvoir, il fallut
plus de 1 mot biffure force et plus d'art. Le besoin reveilla
l'industrie. On comprit que l'impulsion des
vents, qui, jusques alors contrarioit sou=
vent l'action des rames, pourroit etre mai=
trisée, et mise a profit pour mouvoir le
batiment, et même pour accellerer sa marche
en epargnant les efforts des bras. On imagina
la voile, cad. un tissu de matieres soupples
qui, etendu sur un mat, traversé par
une vergue  ou antenne , et arreté par
des cordages, reçoit immediatement une
très forte impulsion du vent qu'elle com=
munique, par le moien du mat fixé soli=
dement sur le fond, a tout le batiment sur
lequel elle agit par la force d'un levier,
qui est des plus grandes. Cette invention
aussi simple qu'admirable, mit le navi=
gateur a portée de profiter d'une double
force motrice, la rame dans les temps cal=
mes , et les vents lors qu'ils soufflent. Ce fut
2 lignes biffure
2 mots biffure
Cette double res=
source devint ex=
tremement uti=
le aux naviga=
teurs anciens, qui gagne=
rent infiniment
par l'influence des
vents, sans rien
perdre dans les calmes, parceque
 
leurs batimens n'etoient pas si grands qu'ils
ne pussent toujours ceder facilement a la ma=
noeuvre des rames, lorsque les vents cessoient
de deploier leur action, ainsi que nous le voions
encor sur les galeres, en usage encor ches plu=
sieurs nations.

<101v> L'invention de la rame est anterieure a celle
de la voilure; puisqu'il y a des nations qui font
usage de celle la sans connoitre celle ci:
cependant la plupart des peuples Sauvages
emploient des voiles de peaux, de nattes, de
joncs, d'ecorce, de plantes a longues feuilles,
de tissus de matieres filamenteuse. Les
Grecs emploioient a cet usage assès commu=
nement la toile de lïn. Les nations policées
ont fait leur voilure de toiles grossieres et
fortes de chanvre.

Dans les commancemens, les navires n'eu=
rent qu'un mat  qui n'etoit pas même arreté
a demeure, puisqu'on etoit en usage de le
coucher sur le pont lorsque le navire etoit
dans le port. On le dressoit quand on vouloit
partir et on l'assuroit par des cordages: ce
mat netoit traversé que par une antenne.

On presume cependant qu'il y avoit sur
ce mat plus d'une voile, puisque les anciens
auteurs expriment toujours la voiture
par le nombre pluriel, les voiles.

Les cordages qui servoient a les manier,
etoient faits de cuir, de lin, de 1 mot biffure,
de diverses plantes ou ecorces, de jonc ou
d'osier marin que l'Egypte fournissoit
en abondance. On avoit des noms parti=
culiers pour les differens cordages, ou ca=
bles , et les dïverses manoeuvres. Cette
composition de cordages a eté appellée
l'agreage .

L'art de la voilure, dela mature, de l'agrea=
ge et la manoeuvre de tout cela, n'auront eu
que de foibles commancemens; car dans
<102> les temps anciens, on ne pouvoit faire
usage des voiles que lorsque le vent souf=
floit immediatement en pouppe: si tot
que le vent prenoit une autre direction il
falloit recourir aux rames.

NAVIGATION EN PLEINE MER.

Avec les navires construits et agrées,
comme il vient d'etre dit, les hommes ont
osé naviguer le long des côtes maritimes
et sur des golphes. Mais comment ont
ils pu se hazarder a naviguer sur la mer
et sur l'ocean ? Des evenemens fortuits
ont pu les y amener. Quelques navigateurs
auront été entrainés par le cours rapide
d'un fleuve fort loïn audela de son embou=
chure, et une issue heureuse aura pu les
rassurer contre l'impetuosité des flots me=
nacans. D'autres auront passé a quel=
que isle peu eloignée du continent, d'ou
ils auront poursuivi leur route jus=
que a une autre, et d'isles en isles se
seront trouvés a la fin engagés en pleine
mer. Les etablissemens lucratifs des
colonies ïnsulaires auront inspiré le
gout d'une navigation plus etendue, et
les nations maritimes reveillées par cet
appas, auront cherché a la perfectioner
en donnant a leurs 1 mot biffure batimens plus de ca=
pacité et une forme plus convenable
pour naviguer avec sureté en pleine mer.

Les Phoeniciens donnerent dans les com=
mancemens a leurs navires marchands une
forme presque ronde, fort evasée, avec
la carene platte. Cette construction les
mettoit a portée de ranger les côtes d'aussi
près que possible, et d'aborder promtement
partout avec la plus grande facilité; Ces
batimens etoient aussi faits de façon que
l'on regagnoit en capacité sur la largeur
cequ'on perdoit sur la profondeur. Mais
<102v> d'un autre côté ces batimens ne tirant que
très peu d'eau et n'aiant pas de fort point
d'appui, ils obeissoient a tout vent, ils glis=
soient sur la surface des flots sans pouvoir
opposer de resistance; 3 mots biffure leurs voiles
1 mot biffure ne prenoient que le vent qui souffloit en
arriere, et leur sillage se trouvant par la fort
lent et fort incertain, ils emploioient beau=
coup de temps au moindre voïage.

Ils ne paroit pas d'ailleurs que les anciens
batimens courans les mers fussent bien
considerables, puisqu'on etoit en usage de les
tirer a terre, des qu'ils etoient au port.

Cependant peu a peu on chercha la meilleure
forme qu'on pouvoit donner aux rames
pour fendre les ondes avec plus de facilité,
augmenter la force de leur levier, et lesagi=
ter avec plus de celerité. on chercha aussi
a perfectïoner le gouvernail. Les Phoeniciens,
a cause de la forme de leur batiment en
emploioient 3 ou 4. Mais les autres peuples
se bornerent touïours a un seul. On cher=
cha a le premunir contre l'impetuosité des
flots par des claies faites de branches d'o=
sier. On 3 mots biffure lui donna une forme plus leste
pour le rendre plus aisé a manier. On
chercha aussi a rendre l'action de la voilure
plus efficace et plus continue, et a la soumet=
tre a une modification aisée et promte,
toutes les fois que le changement du vent
pouvoit 4 mots biffure l'exiger. Mais il a
fallu bïen des siecles d'experience pour
apprendre l'art compliqué de multiplier
les mats et les voiles et soumettre celles ci
a une multitude de cordages destinés a
en changer les directions, et les ajuster les
unes a l'egard des autres de toutes sortes de
façons manieres, pour leur faire prendre toutes les
impulsions des vents, et lors même 2 mots biffure
que celles ci semblent opposées a celles de la marche
du vaisseau.

<103> ANCRAGE

On chercha aussi quelque moien pour ancrer
les batimens sur mer et les tenir en etat dans
leur mouillage . Lorsqu'il n'etoit question
que de petites barques legeres, on emploioit
de grosses pierres, 2 mots biffure des sacs remplis
de sable, qu'on attachoit a des cables pour les
descendre dans la mer. Mais pour les bati=
mens d'une certaïne force, on emploia dans
les rades des cables qu'on faisoit passer dans
quelque trou de rocher ou autour de quelque
arbre pour retenir le vaisseau: ce qui le lais=
soit toujours en proie a l'impetuosité des flots.

Enfin on imagina quelque machine a cro=
chet pour fixer le vaisseau au fond même
dela mer et parla en affoiblir considera=
blement le roulis : on appella anchre 
cet instrument fait pour amarrer  les
vaisseaux. Les premieres se firent de pierres
crochues, de bois pointu chargé de plomb,
ensuite de fer. L'anchre n'eut d'abord
qu'un crochet; dans la suite on le fit a
deux palles. Les Grecs ne connurent
cet instrument que fort tard; Homere
n'en parle point.

GRANDS BATIMENS. VAISSEAUX.

A force d'essais on parvint a la construc=
tion de plus grands batimens ou vaisseaux
destinés a recevoir des plus grandes expedi=
tions considerables et 7 mots biffure
4 mots biffure
a executer des voïages
de plus long cours. Mais combien de temps
n'a til pas fallu pour lancer a 3 mots biffure
2 mots biffure
l'eau ces masses enormes qui peuvent
transporter dans les pays les plus eloignés
les plus grosses cargaisons  avec un nombre
tres considerables d'hommes pour la manoeu=
vre et la deffense, fournis de tout l'attirail
<103v> necessaire pour ne point se trouver au depour=
vu en cas d'accidens, avec et de toutes les provisions
pour fournir de vivres tout dont un equipage
a besoin pendant une longue traversée. 2 mots biffure
1 ligne biffure.

IMPERFECTION DE LA NAVIGATION DES
ANCIENS.

La manoeuvre et la navigatïon ne purent
qu'etre que très imparfaites chès les anciens. Pendant
qu'ils ignorerent l'usage de l'anchre, dès que
la tempête les surprenoit proche des côtes
herissées de roches, ou près des bancs, ils e=
toient exposés a voir a chaque moment leur
batiment echouer ou se briser, et le moindre
accident qu'ils avoient a craindre etoit de
deriver considerablement. Ne connoissant
point l'usage de la sonde, ils ne pouvoient
se precautioner contre le risque de toucher
a chaque instant. Une fois jettés et
affalés a une côte, rien n'etoit plus diffi=
cille que de s'elever au large, parce qu'ils
manquoient de voiles hautes, les seules qui
dans ce rencontre peuvent prendre le
vent. Ils manquoient de pilotes  =
tiers ou maneurs bien instruits des
difficultés a surmonter pour entrer dans
les rades et les ports, et c'etoit a ce moment
qu'ils etoient le plus exposés a faire naufrage.

Lorsqu'il leur arrivoit d'etre jettés en pleine
mer, et ecartés de leur route, ils se trouvoient
dans le plus cruel embaras. Ils comprirent
sans doute, que pour se reconnoitre en pa=
reille circonstance, l'inspection du ciel etoit
leur seule ressource. Leur premiere attention
dut se porter sur les etoiles  du Septentrion.
qui 7 mots biffure ne se
couchent jamais, et dont la position par
rapport a la terre est la plus facile a de=
terminer. Cette position indiquant toujours
le même côté du monde, ils comprirent que
<104> pour se remettre en route qu'ils n'avoient qu'a
gouverner de maniere a retablir le vais=
seau dans sa premiere direction relativement
a ces etoiles. 4 mots biffure.

La grande ourse  si remarquable et connue
de tous les peuples, aura été avec le Soleil
le premïer guide des navigateurs; d'ou
vient quelle fut appellée par les Phoeniciens
Pharasah, c a d. indication. Maïs ce n'e=
toit encor qu'un guide bien peu exact, puis=
qu'elle n'indiquoit le pole  que d'une mani=
ere très vague, sa tête en etant trop eloi=
gnée, et parce que occupant un trop grand
espace dans le ciel, les variations de sa posi=
tion ne pouvoient etre que très difficillement
rapportées a l'horison, dans un temps ou
l'on manquoit d'instrumens et ou tout
s'apprecioit a la vue simple.

Les Phoeniciens les premiers observerent
la petite ourse et comprirent qu'etant
plus près du pole, occupant un champ
moïns etendu et moïns variable, elle etoit
beaucoup plus propre a l'indication. Ils
choïsirent une de ses etoiles pour le ter=
me le plus rapproché du pole, qu'ils pri=
rent pour leur point de reconnoissance,
et ce fut vraisemblablement cette de=
couverte qui les enhardit a entreprendre
les premiers de longs voiages, et a s'ex=
poser sur des mers inconnues.

Malgré tout cela, on ne pouvoit encor
naviguer qu'a l'avanture, faute de cartes
marines. Comment deviner avec certitude
le gisement des terres qu'on vouloit gagner?
Comment se precautioner contre les ecueils,
les rochers, et les côtes ou il y avoit du dan=
ger d'echouer. Quel embaras lorsqu'on etoit
accueilli d'une tempête? Dans les gros temps,
dans les nuits sombres, quel autre parti a
prendre, si ce n'est de s'abandonner au
hazard et aborder ou l'on pouvoit?

<104v> Avec si peu de Secours, les anciens naviga=
teurs, incertaïns et timides, osoient très ra=
rement s'hasarder en pleine mer: ils etoient
reduits a se trainer fort lentement le long
des côtes, suivre tous les circuits des rivages
sans cesse en danger et ou exposés a des retards,
et s'ils etoient jettés en pleine mer, a errer
a l'avanture pour aborder a des lieux très
eloignés de ceux ou ils vouloient aller. Dela
3 mots biffure Enfin ils n'osoient sortir de leurs ports que
pendant l'été, ce qui augmentoit prodigi=
eusement le temps et les fraix des expedi=
tions.

Ne pouvant emploier de bien gros batimens,
il falloit suppleer par le nombre, comme
ils supploient a la lenteur de leur marche,
par la multiplication des escadres qui se
succedoient sans cesse: ce qui augmentoit
encor beaucoup les depenses.

Malgré cela on doit dire a leur louange qu'ils
ont fait tout ce qui etoit en leur pouvoir,
pour avancer les progrés de la navigation
et du commerce.

<105> MARINE GUERRIERE

Les voiages sur mer n'eurent d'abord d'autre
but que des expeditions de 1 mot biffure commerce.
Mais cet element fut bientot ïnfesté de Pira=
tes qui y porterent l'esprit de rapine et de
brigandage. Les Phoeniciens, les Tyrrheniens,
les Cariens, les Grecs, exercerent cet odieux
metier, 1 mot biffure et les Princes eux mêmes s'y abon=
nerent pour acquerir des richesses; cepen=
dant on prit des mesures pour reprimer
des excès si prejudiciables au commerce, et
des lors on prit l'idée d'une marine guerriere
et d'une construction de batimens propres a
courrir sur l'ennemi. Les Phoeniciens cons=
truisirent pour cela des batimens longs et
pointus qu'ils nommoient arco  de lor arc longueur, pour
les distinguer de leurs navires marchands
quils appelloient gauloi ; en quoi ils furent
imites par les Grecs.

C'est a quoi se reduisoit 2 mots biffure leura
marine guerriere des anciens. On ignora
bien longtemps ce qu'on appelle vaisseau
de guerre, armement, flotte et armée na=
vale, et toutes ces expeditions effraiantes qui
ont eu pour but, dans des temps posterieurs,
d'affoiblir la puissance d'une nation et de s'opposer
a ses etablissemens. Tout ce que l'hïstoire an=
cienne nous dit de vaisseaux chargés de soldats
armés, il ne faut l'entendre que des vaisseaux
de transport destinés a conduire des troupes
pour faire des expeditions de terre. Les flottes
même des Carthaginois et des Romains n'eu=
rent pour premier but que de faïre des descentes
sur le territoïre ennemi, le saccager et l'enva=
hir. Ce ne fut qu'accidentellement qu'on en
vint aux engagemens sur mer.

Les Romains eurent a la fin une tactique
<105v> tactique navale; ils armoient leurs vais=
seaux de fers recourbés pour couper les corda=
ges des vaisseaux ennemis, de becs d'airain
herisés de tridens, de faux &c placés a la
proue pour entr'ouvrir ces derniers, d'un
pont-levis qui faisoit la bascule et tomboit
sur eux pour faciliter l'abordage, des tours
placés a la proue et a la poupe avec des sol=
dats pour foudroier l'ennemi de leurs traits
ou leur lancer des rochers.

AV

AVANTAGES QUE LA MARINE A
PROCURES

Telles furent les origines de la marine, ce
grand ressort du commerce qui lui a don=
né une etendue et une activité auparavant
inconnues, qui a ouvert une voie de com=
munication entre les nations les plus eloignées
pour faire echange de leurs productions super=
flues, qui a contribuée plus que tout autre
moien a faire connoitre aux hommes la situa=
tion et les avantages des diverses parties de ce
globe, les differens genres de productions
des divers pays, et d'ouvrages industrieux
des peuples qui les habitoient, leurs usages
leur Loix, leur caractere, leurs moeurs.

C'est par la marine seule que le commerce
est devenu pour les nations qui s'en occu=
pent, une source abondante de richesses et
de population, en fournissant a un beaucoup
plus grand nombre d'hommes des objets
d'occupation et des ressources de subsistance.

Si la marine et le commerce, en multipliant
les jouissances a favorisé les progrès du luxe,
d'un autre coté, ils ont contribué puissamment
a tirer les peuples de l'ïnaction et de la bar=
barie, qui sont les plus grands des maux; ils ont
reveillé leur activité et leur industrie, et ils y
<106> sont devenus une source de prosperité
pour tous les peuples qui ne se sont pas lais=
sé corrompre par l'avarice, la mollesse ou la
debauche. C'est ce que nous rendrons
sensible dans le chapitre suivant.

<106v> CHAPITRE XVI
Histoire abregée de la marine et du
commerce chès les divers peuples.

EGYPTIENS

S'il en faut croire quelques uns, les anciens
Egyptiens eurent une marine considerable,
avec laquelle ils recevoient les marchandises
d'orient par le golphe Arabïque pour les
transporter sur le Nil jusques a la mediter=
ranée. La plupart soutiennent qu'ils n'ont
eu ni marine ni commerce maritime:
ils manquoient de boïs de construction, de
bons ports; la mer etoit pour eux l'embleme
de Typhon, ils avoient en horreur jusques
au sel qu'elle produit. Naucratis etoit
le seul port ouvert aux etrangers, qui
y etoient traités comme le sont les etrangers
au Japon. S'il est passé des Egyptiens
dans la Grece, ce n'a pu etre que des avan=
turiers qui s'embarquoient sur des vaisseaux
Phoeniciens. Semblables en cela a la plu=
part des peuples d'Asie qui attendent que
les Europeens viennent les pourvoir de ce
qu'ils souhaitent, en echange de leurs den=
rees superflues, les Egyptiens attendoient
aussi de même tranquillement chès eux l'arrivée des
etrangers, entr'autres des Phoenïciens, qui y
trouvoient toujours ches eux l'abondance.

PHOENICIENS. TYRIENS.

Suivant le Sentiment de ceux qui attribuent
aux anciens Egyptiens une marine floris=
sante, ce ne fut que lorsque ceux ci livrés aux
prejugés les plus puerils, eurent renoncé au
commerce maritime, que les peuples connus
dans l'Ecriture sous le nom de chananeens
et chès les Grecs, sous celui de Phoeniciens,
s'emparerent de la navigation commercan=
te. Selon les autres, ils furent les premiers
qui s'en mirent en possession, et quoique
l'histoire puisse dire des deroutes qu'ils eu=
rent a essuier sous les derniers Rois d'Egypte,
<107> Bocchoris, Mammitique, Nechao, Apries,
amasis, il n'en est pas moïns vrai qu'ils reste=
rent toujours maitres de la mer et du com=
merce, dont l'Egypte ne fut qu'un depot.

Le peu d'etendue et de fertlité de leur terri=
toire, leur position aux bords de la mer, des
ports surs et commodes sur leurs côtes, les
bois de construction que leur fournissoit le
mont Liban et quelques montaignes voisi=
nes, d'un autre côté, leurs progrès rapides
dans les arts, leur ïndustrie pour la manu=
facture, entr'autres des toiles, des tapis, des
voiles precieux, leur habileté dans l'art de
travailler les metaux et l'yvoire, dans la
teinture des etoffes, et surtout la pourpre
dont ils firent la decouverte, tout se reu=
nit pour exciter et favoriser leur gout
naturel pour le commerce et leur activi=
te mercantile. De la vint que chès eux,
leur moeurs et leurs usages, leur gouver=
nement et leurs Loix, leurs institutions
en tout genre, tout jusques a leur reli=
gion et leur culte annoncerent une na=
tion toute commercante, et dont la position
comme l'ambition, l'avoient destinée a jouer
le premier rolle sur les mers. L'empire
de cet element fut le prix naturel de leur
habileté dans la navigation, dans laquelle
ils surpasserent toutes les autres nations:
toute l'antiquité même se reunit a lui
attribuer la gloire 2 mots biffure d'avoir enseigné
a celles ci l'art de la marine et du commerce, 1 mot biffure
l'Arithmetique, l'art de tenir les Li=
vres et de dresser les comptes, et tout ce qui
a rapport a la factorerie  .

Le Siege principal de leur commerce fut d'abord
Sidon; mais après quelques siecles, elle fut
entierement effacée par Tyr, sa colonie, qui
etendit beaucoup plus loin son commerce, et
brilla beaucoup plus par ses immenses richesses,
ainsi que par l'intelligence, l'activité et la
<107v> bravoure militaire de ses habitans 
jusques a ce qu'enfin cette ville
fameuse, après 13 ans de Siege, fut detrui=
te par Nabuchodonosor, et remplacée par
la nouvelle Tyr batie sur le continent.

Selon quelquesuns des navigateurs Tyriens, par les
ordres de Nechao Roi d'Egypte, environ
610 ans avant J. C. doublerent le cap,
firent le tour de l'Afrique, et revinrent dans
la mediterranée par le detroit. Les navi=
gateurs modernes soutiennent que la
construction de leurs batimens n'auroit 1 mot biffure pu leur permet=
tre d'entreprendre une navigation aussi
perilleuse.

Il est certain que les Tyriens eurent un
commerce regulier avec les Egyptiens .
On croit même que les Hebreux ne purent traffiquer
avec ceux ci que par l'entremise des pre=
miers. Il est certain encor que les Phoeni=
ciens, après avoir longtemps voiagé sur la
mediterranée, entrerent dans l'ocean
par le detroit, qu'ils prirent terre sur une
Isle ou ils fonderent, sous le nom de Gadir,
qui signifie refuge, enclos, une ville et
une place, pour servir d'entrepot aux ri=
chesses qu'ils apportoient d'Asie, et a celles
qu'ils recevoient en echange de la Betique
et autres contrées d'Espagne. Ils pousserent
même leur navigation jusques aux Isles
Cassiterides ainsi appellées de l'etain quelles
fournissoient en abondance. Ils s'etendirent
aussi a la gauche du detroit sur les côtes
d'Afrique.

Leurs vaisseaux transporterent en divers
lieux des colonies, d'abord dans les Isles
de Chypre et de Rhodes, de Crete, des Spo=
rades et des Cyclades, dans la Grece, la Sici=
le et la Sardagne. Enfin maitres de la
mediterranée, ils fonderent a Carthage
une colonie republicaine qui leur servoit
d'entrepot pour commercer sur toute cette
<108> mer et penetrer dans l'ocean 1 mot biffure pour repandre
leurs marchandises en Afrique et en Eu=
rope.

Maitres de divers ports commodes au fond
de la mer rouge, ils etablirent une corres=
pondance reguliere avec l'Arabie, le con=
tinent de l'Inde, l'Isle Taprobane et avec
la côte orientale d'Afrïque; ce qui les mit
a portée de repandre les richesses d'orient
dans tous les ports de la mediterranée. Ils
alloient chercher l'or a Tarsis et ophir,
et ils eurent des comtoirs au Golphe Persique;
ils firent les premieres tentatives pour la
pêche des perles. Ils devinrent en quelque
sorte les commissionaires de toutes les na=
tions pour leur fournir tous les divers objets de
besoin, de cupidité ou de luxe.

Quelque fut leur habileté pour cacher
les secrets de leur commerce, ils ne laisserent
pas cependant d'ouvrir les yeux des au=
tres nations sur les avantages inestima=
bles de cet art.

ARABES. HEBREUX.

Il paroit par Job  qu'il y avoit deja
du temps des Patriarches, des peuples sur
les côtes de la mer rouge qui faisoient
1 mot biffure un trafic considerable de marchan=
dises precieuses.

Les Hebreux trafiquerent avec les Egyp=
tiens . Leurs conquetes sur les
côtes de la mer rouge et leur alliance
avec Hiram Roi de Tyr, les mirent a portée
de penetrer jusques dans les ports de l'Inde
frequentés par les Phoeniciens. Tarsis
et ophir ou ils alloient prendre des car=
gaisons devoient etre assès eloignés puis=
que les flottes de Salomon emploioient
3 ans a faire le voïage. Le genre de mar=
chandises qu'ils rapportoient 
on fait presumer qu'elles
etoient dans le Royaume de Soffala
sur la cote orientale d'Ethyopie que
<108v> les Phoeniciens avoient deja frequenté de=
puis longtemps. Mais l'esprit de commerce
ne put se soutenir bien longtemps chès
une nation si peu communicative par
son caractere et ses ïnstitutions politiques
et religieuses.

CART HABITANS DE L'ASIE MINEURE

A en juger par les descriptions que les Poë=
tes nous ont laissé de l'opulence des anciens
habitans de l'Asie mineure, Phrygiens,
Troiens, Lydiens, Cariens, on croiroit que
le commerce y a fleuri de très bonne heu=
re: mais on a peu de lumieres sures la
dessus.

CARTHAGINOIS.

La colonie Phoenicienne qui fonda Car=
thage y porta l'industrie de sa nation,
et la source de sa puissance. Placée au cen=
tre de la mediterranée, son commerce put
s'etendre aisement par toutes les contrées
alors connues d'autant plus qu'elle se trouva
favorisée par la sureté de son port, et l'abon=
dance des productions que lui fournissoit
l'Afrique. Les carthaginois etendïrent
principalement leur navigation vers l'occi=
dent et le nord; après avoir passé le Detroit,
ils visiterent les côtes d'Espagne, des Gaules
et penetrerent en Angleterre. Le long de
la cote d'Afrique, ils pousserent jusques aux
Isles Canaries, qui semblent avoir été
non plus ultra des anciens dans l'ocean
occidental. Le periple  de Hannon fut
envisagé 2 mots biffure comme quelque chose
d'extraordinaire et unique, et les modernes
sont allé même jusques a le revoquer en
doute.

LES GRECS

Il s'ecoula bien du temps avant que les Grecs
apprirent a profiter de tous leurs avantages
naturels par rapport a la navigation et au
commerce. Si le voiage des Argonautes
<109> des côtes de la Thessalïe au Pont Euxin,
est un fait bïen reel, il demontre combien les
Grecs etoient peu avancés dans la naviga=
tion. Au temps du siege de Troie, ils igno=
roient l'usage du fer, leurs navires etoient
petits, a un seul mat; rien de plus grossier
que leur manoeuvre. Dans un pays dont
le sol n'est fertile que par la culture, sterile
en mineraux, ou les habitans etoient encor
sans industrie et depourvus de toutes riches=
ses, il ne pouvoit exister aucun commerce
exterieur. Mais leur civilisation aiant fait
des progrès, plusieurs republiques Grecques
s'adonnerent a la marine avec tant
d'ardeur et de succès qu'elles furent regar=
dees comme des puissances maritimes du pre=
mier ordre. Cependant les victoires navales
des Grecs durent etre attribuées bien plutot
a leur activité et leur courage patriotique
qu'a leur habileté dans l'art de la navigation.

Car a cette epoque, ils ne connoissoient encor
que la grande ourse pour diriger leur mar=
che, et leurs vaisseaux etoient si petits que
dans la guerre du Peloponnese, les Lacede=
moniens purent les transporter par terre
d'une mer a l'autre. Leurs exploits dans la
guerre de Perse furent executés par des flottes
composées principalement de vaisseaux
a rames, ouverts et sans pont, d'ou les
equipages s'elancoient sans regle sur
les vaisseaux ennemis pour en venir a
l'abordage.

D'ailleurs les Grecs n'envoioient gueres de
vaisseaux marchands au dela dela medi=
terranée: leur correspondance se bornat
a leurs colonies fondées dans l'Asie mineu=
re, l'Italie et la Sicile. Ils traversoient
quelques fois l'Hellespont pour traffiquer
avec les peuples etablis autour du Pont
Euxin. Ce fut cependant, diton, sous la
<109v> la conduire d'un Grec que se fit, par ordre
de Darius fils d'Hystaspes, l'expedition d'une
flotte qui descendit par le fleuve Indus
dans l'ocean pour venir dela en Egypte
par la mer rouge. Mais le gout du com=
merce maritime 1 mot biffure s'eleva 1 mot biffure successive=
ment dans plusieurs villes 3 mots biffure
1 mot biffure
ressortissantes de la Grece, qui acquirent par
la de grandes richesses, entr'autres Corin=
the, Rhode, Bysance, Leucate, Syra=
cuse et Marseille. 2 mots biffure.

ALEXANDRIE

La resistance opiniatre de Tyr assiegée par
Alexandre fournit a ce conquerant une
occasion d'observer de près les grandes res=
sources d'une puissance maritime et les
richesses immenses que les Tyriens avoient
retirées de leur 1 mot biffure corresponsance avec l'Inde. Des
qu'il eut soumis l'Egypte, il forma le plan
d'un nouvel empire qui put devenir comme
le centre de la navigation et du commer=
ce. Il comprit qu'il n'y avoit que le lien d'un
interet commun qui put unir entr'eux
les divers peuples soumis a sa domination;
il vit qu'il ny avoit aucun lieu plus pro=
pre pour point de reunion et pour faciliter
la communication qu'un pays situé au
milieu des 3 parties du continent, tel que
l'Egypte, et ce fut ce qui le determina a
fonder la ville d'Alexandrie, dans la situa=
tion la plus favorable pour attirer a elle
egalement le commerce d'occident et d'o=
rient. Grace a Ptolemée et a ses succes=
seurs Alexandrie devint bientot, selon les
vües de son fondateur, la premiere ville
commercante du monde, et des lors même
jusques aux decouvertes du XV siecle, elle
a continué d'etre l'entrepot commun de toutes
les marchandises des Indes orientales.

<110> On fonda pour cet effet sur la mer rouge
le port de Berenice qui communiquoit
a Alexandrie par un canal tiré d'un des
bras du Nil, qui servoit au transport
des marchandises de l'Inde. Les vaisseaux
de la mer rouge entroient dans l'ocean;
les uns descendoient vers le midy le long
des côtes d'Afrique: un plus grand nom=
bre entroitent dans le golphe Persique et
remontoient l'Euphrate; quelques uns
avancoient jusques a l'Indus, par=
couroient la côte de Malabar et s'ar=
retoient a l'Isle de Ceylan; peu a=
voient le courage de franchir le coro=
mandel pour penetrer dans le Gange.

ROMAINS

Les Romains comprirent que pour s'op=
poser aux carthaginois avec succès,
il falloit obtenir aussi la domination
sur mer. Une galere prise dans la pre=
miere guerre Punique leur apprit a en
1 mot biffure construire et les mit en etat de battre
leurs ennemis: bientot ils montrerent
en toute occasion leur superiorité, et
Auguste se vit 1 mot biffure maitre de trois
armées navales pour concourir a ses
vues d'agrandissement. Mais après
toutes leurs victoires, ils crurent au des=
sous de leur dignité de se mêler de com=
merce. Ils abandonnerent la marine
commercante aux citoiens de la dernier=
re classe, et aux habitans des provinces
conquises, contens de voir arriver
dans leur metropole les richesses qu'elles
fournissoient. Cependant l'esprit du
gouvernement ne laissa pas de donner
au commerce plus de liberté et de facilité;
en ouvrant une multitude devoies de
communication entre les provinces, ce qui
ne contribua pas peu a perfectioner la
navigation et la marine dans l'empire.

<110v> Le commerce de l'Inde par l'Egypte sous les
Romains s'etendit encor au dela de ses ancien=
nes limites: les navigateurs mieux instruits
du cours periodique des vents, abandonne=
rent l'ancienne methode de naviger le long
des côtes; ils apprirent a mettre toutes les sai=
sons a profit, et a faire leur course et leur
retour dans l'espace d'une année sur l'ocean
Indien.

EUROPEENS

Après que les Grecs et les Romains eurent
perdu toute leur puissance, la marine
d'Europe resta pendant plusieurs siecles
dans le neant ou etoient tombés tous les
arts. Ils Les Europeens ne purent même s'opposer aux in=
sultes des Danois et Normands qui venoient
dela Baltique sur des bateaux plats, pas
même armés en course, d'ou ils faisoient
des descentes journalieres pour ravager tou=
tes les côtes maritimes. Cependant le be=
soin de repousser ces barbares, et en même
temps les Arabes plus exercés dans la navi=
gation, et qui avoient conquis l'Asie, l'Afri=
que et l'Espagne, ce besoin fit renaitre un
peu la marine de l'Europe. Charlemagne,
Alfred le grand, plusieurs villes d'Italie,
commancerent a remonter leur marine.
Vvers ce temps, les Arabes fonderent un grand
commerce, qu'ils avancerent progressivement
jusques aux Isles Molucques et a la Chïne.

Bientot les Venitiens, les Genois, et les Ara=
bes de Barcelone, allerent chercher a alexan=
drie les marchandises de l'Afrique et de
l'Inde, pour les verser en Europe: mais les
sujets de l'empire Grec s'etoient ouvert par
Caffa et la mer Caspienne, le Commerce de
l'Inde, et ils conserverent encor la superiori=
te, jusques a ce que ce commerce declinant
avec l'Empire, les Genois le partagerent avec eux
<111> et enfin s'en rendirent maitres, en s'empa=
rant de Caffa dont ils firent une ville
florissante. Lorsque la noblesse de l'Euro=
pe eut appris a connoitre par les croisades
les arts et le luxe des Grecs et des Arabes,
les Venitiens eurent aussi un debit im=
mense des marchandises qu'ils tiroient
d'orient. Les Arabes eux mêmes en porte=
rent en Europe, ou le commerce etoit
avili par un orgueil barbare et un
rançonnage cruel. Il s'y faisoit encor
tout entier par caravanes et des col=
porteurs ou foirains, et c'etoit les
Juifs qui etoient en possession de tout
le detail, comme ils le sont encor en Pologne.

Peu a peu il s'eleva en Flandre une In=
dustrie qui y attira des marchandises,
et enfin Anvers devint un depot entre Venise et les villes
de la grande Anse, qui s'associerent pour
le commerce. Alors le commerce mari=
time prit certains accroissemens en France,
comme on peut en juger par les richesses
de Jacques Coeur.

Cependant pendant les siecles malheureux
de barbarie, le commerce se porta tou=
jours vers l'orient: les armes et la guerre
furent le partage et la desolation de l'occï=
dent, l'Italie seule conserva sa commu=
nication avec Alexandrie; et les venitiens
attirerent toujours a eux tout le commer=
ce de l'Europe par les flottes qu'ils entrete=
noient toujours sur la mediterranée,
et ils ne contribuerent pas peu a soutenir
la marine Europeene.

CAUSES DES PROGRES DE LA MARINE
ET DU COMMERCE

Mais Ce sont les nouvelles decouvertes qui ont
fait prosperer la navigation et le commer=
ce des Europeens. La premiere a été l'aiguille
<111v> aimantée que les Europeens doivent peutetre
aux Chinois, mais dont les Anglois attribu=
ent l'invention a Roger Bacon, les Italiens a
un Bourgeois d'Amalfi, nommé Flave
Gioia, qui vivoit vers la fin du XIII siecle,
et que les Francois revendiquent a cause
dela fleur de lys qui termine la pointe.

Cette aiguille ajustée a la boussole, em=
ploiée premierement par les Flamans,
inspira le plus grand courage aux nations
Europeenes pour tenter les plus longues cour=
ses, jusques a perdre le continent de vue
pendant des mois entiers.

Les progrès qu'on fit dès lors dans l'astrono=
mie pour apprendre a mesurer exactement
la marche des astres, mirent a portée d'eva=
luer par approximation les longitudes sur
mer, cad. a estimer combien on s'avancoit
a l'Est ou a l'Ouest, en même temps qu'on pou=
voit par la boussole et l'Astrolabe determi=
ner la latitude cad. combien on s'appro=
choit ou s'eloignoit du nord. 2 mots biffure
1 mot biffure
A l'aide de ces heureuses decouvertes, et surtout depuis que Geor=
ge Hartman eut observé le premier en
1538 la declinaison de l'aiguille, et qu'on
fut parvenu a dresser des tables de varia=
tions, on reussit a perfectionner la Geo=
graphie au point qu'on pouvoit determi=
ner a peu près partout a quelle hauteur et
quelle distance on se trouvoit de toutes les
côtes du continent. 1 mot biffure Tout cela inspira la plus
grande confiance aux navigateurs 1 mot biffure et
1 mot biffure encouragea a faire de nouvelles decou=
vertes, qui ont conduit la marine aundegre
de perfection et d'etendue inconnue de tous
les peuples de l'antiquité.

<112> DECOUVERTE DES INDES ET DE LAME=
RIQUE

En 1486 Les Portugais decouvrirent le
Cap de bonne esperance, et en 1497 sous
la conduite de Vasco de Gama, ils double=
rent le Cap et arriverent a la côte de Ma=
labar ou devoient 1 mot biffure se reunir les thresors des
plus riches pays d'Asie.

En même temps, les Espagnols penetroient
dans l'Amerique pour s'emparer des mines
d'or et d'argent qui devoient servoientir a acheter les
precieuses marchandises d'Asie qui s'etoient apportées par les Por=
tugais. Christophe Colomb, Genois mon=
té sur des vaisseaux equippés aux fraix
de la couronne d'Espagne decouvrit en
1492 ce nouveau continent que la pos=
terité ingrate a nommé Amerique du
nom d'Americ Vespuce Florentin qui
n'y aborda qu'en 1497.

Les metaux tirés dela en abondance
devinrent objet de commerce parce que
toutes les nations en avoient besoin pour
faciliter les echanges de leurs denrées,
et s'approprier les jouissances qui leur man=
quoient. Ils circulerent du midy de
l'Europe au nord et ils donnerent une
nouvelle face aux affaires. Pendant
que les nations qui possedoient ces richesses
s'appauvrirent par la negligence dela cul=
ture et des arts, celles qui n'avoient point
de mines s'enrichirent en attirant a elles
l'or et l'argent, par l'industrie, la naviga=
tion, le cabotage, le commerce: telle fut
la ressource des Hollandois.

La marine n'avoit cependant pas fait
de si grands progrès au XVI siecle. A la
bataille de Lepante on n'emploia que
des Galeres inferieures a celles de nos jours.

Phillippe II fit construire des vaisseaux
d'une grandeur et d'une force jusques
alors inconnues: cependant ils ne servoient
<112v> que du 3e rang dans les escadres 2 mots biffure qui
actuellement couvrent les mers;
rien d'autres de plus lourd ni de plus mal
gouverné 4 mots biffure que l'etoit cette flotte
Espagnole appellée l'invincible: 1 mot biffure aussi fut elle entiere=
ment aneantie; ce qui fit passer l'empire
de la mer aux Hollandois, qui se firent
dès lors une marine puissante, forme=
rent partout des etablissemens et se
rendirent maitres de tout le commerce.

Bientot après naquit la rivalité entre
les Hollandois et les Anglois a qui la supe=
riorité dans la constructïon et la manoeuvre
fit remporter souvent des victoires, mais
sans aucun prejudice decisif pour les vain=
cus.

Les deux nations se trouvant a la fin comme
epuisées par les combats, la France voulut
aussi avoir son tour. Elle essaia d'abord
ses forces avec succès contre les puissances
barbaresques et contre l'Espagne; mais elle
n'eut pas l'avantage, lorsqu'elle voulut se
mesurer avec les flottes ou separées ou
combinées des Hollandois et des Angloïs.
Ceux ci ont toujours pris enfin une
grande Superiorité sur les mers, qui
actuellement meme se soutient.

AVANTAGES REVENUS DE LA AUX
EUROPEENS DES VOYAGES

Une activité naturelle jointe a la curiosi=
té et la soif des connoissances, l'ennui de
l'uniformité du même spectacle, la deman=
geaison de faire parler de soi, ou des pro=
jets vagues de fortune a obtenir par
des moïens plus promts et plus aisés, ou l'es=
poir de retablir une fortunée delabrée, 1 mot biffure
l'idée de jouir d'une plus grande liberté par=
tout ailleurs que chès soi, toutes ces diverses raisons,
2 mots biffure independamment des plans de commerce, ont pu,
dans tous les temps, exciter nombre d'hom=
mes a parcourir la terre et les mers, et a
voiager dans les pays les plus eloignés.

<113> On ne peut nier que les voiages, la naviga=
tion et le commerce ne soient les seuls moiens
par lesquels une nation peut faïre des pro=
gres considerables vers la civilisation. Pre=
nès telle nation favorisée par sa position,
et qui a pu même se policer jusques a un
certain point, si un sot orgueil vient a lui
persuader qu'elle n'a rien a apprendre des
autres, cette nation restera toujours par rap=
port aux Sciences et aux arts dans la
mediocrité, jusques a ce que quelque heu=
reux hazard la force de commercer au
dehors. C'a été le cas des Chinois.

Toutes les nations qui se sont distinguées
par leur civilisation ont du cela au
commerce. On C'est ce qu'on peut dire 1 mot biffure des Phoeni=
ciens, des Grecs, 2 mots biffure, des Arabes
des Europeens. Qui est ce qui a civilisé
ceux ci, et les a rendu Superieurs aux
nations même d'ou leur sont venu les
sciences et les arts; ce n'est que 1 mot biffure leur
commerce, et la perfection de leur ma=
rine, qui les a mis en etat de parcourir
le monde entier.

Un effet non moins heureux qui en est resul=
té, ce sont les progrès de l'Agriculture. Dès
qu'on a compris qu'il ne falloit etendre
ses domaines que pour peupler la terre,
les nations commercantes n'ont envoié
au loin des Colonïes que pour former des
etablissemens de culture, se nourrir
de 1 mot biffure leurs productions et en faire des echanges.

Les Europeens transportés au nouveau mon=
de, ont cultivé pour l'Europe les productions
qu'elle n'avoit pas et lui ont demandé en
retour des denrées inconnues a l'Amerique
et auxquelles ils etoient accoutumés. A
mesure que les Colonies se sont augmentées,
et que leurs productions ont multiplié les
manufacturiers et les navigateurs, les terres
de l'Europe ont été cultivées avec d'autant
<113v> plus d'activité qu'on avoit besoin d'un
surcroit de subsistances, d'une augmenta=
tion de productions indigenes, pour en
fournir aux colonies et tirer de celles ci
par echange des objets etrangers. Ainsi
la consommation des colonies a augmen=
té la masse des productions en Europe et
encouragé les nations commercantes a
la culture. Depuis cette revolutïon, les
progrès vers la civilisation en tout genre
ont cru avec une rapidité prodigieuse.

La communication ouverte par le commer=
ce a comme rapproché tous les peuples
pour ne former qu'une seule Societé dont
tous les membres ont un Droit egal de
participer a tous les avantages que four=
nit chaque contrée, et en se communi=
cant leurs productions et leurs objets d'in=
dustrie, elles se sont communiqué en meme
temps leurs lumieres, leurs usages leurs
Loix et jusques a leurs moeurs.

L'Europe, cette partie si bornée, parle
moien de ses escadres, s'est emparée dans les
3 autres de la plupart des contrées mari=
times, et a mis sous sa dependance leurs
productions et leurs habitans. La marine
a fait même la Loi sur le continent, en
donnant aux nations maritimes une
influence decisive sur les autres, qui leur
a valu partout la plus haute conside=
ration. Dela les efforts des nations pour
avoir une marine, et la multiplica=
tion des guerres navales qui ont donné
3 mots biffure au continent, plus
de tranquillite qu'il n'en auroit eu
si toutes les passions humaines en
avoient fait le theatre unique de leur
explosion.

<114> CHAPITRE XVII
De la guerre.

SOURCES DES DISPUTES

Quoique l'homme soit naturellement
Sociable et disposé a la païx, 3 mots biffure
4 mots biffure
cependant il ne se
laisse que trop souvent emporter par ses passions et
entraïner a des actions contraires aux Droits
de ses semblables. 5 mots biffure
7 mots biffure
. Telle
est meme aussi la position des hommes que leurs
desirs et leurs volontés se portent frequem=
ment sur un même objet dont la possession
ne peut echeoir a l'un sans que l'autre
soit exposé a une privation, qu'il n'endu=
re qu'avec peine, et avec la demangeai=
son de disputer cet objet au premier.

Dans les temps même ou les hommes avoient
aussi peu de besoins que de proprieté, ils
n'ont pas manqué de sujets de querelle
entr'eux. Les productions spontanées de
la terre, la possessïon d'un antre, la
jouissance d'une femme, tout ce qui
pouvoit interesser un appetit brutal,
suffisoit pour exciter des hommes gros=
siers a se porter mutuellement des coups
meurtriers. Plus les hommes se sont civi=
lisés, plus leurs besoins se sont parla eten=
dus et diversifiés avec leurs gouts, plus
aussi a proportion se sont multipliés les
conflicts d'interets, les chocs de volontes
avec les aggressions, les lesions, les plain=
tes, les disputes, les voies de fait, et tout
ce qu'on appelle guerre  de particulier
a particulier.

Dela les Duels  dont l'origine est anteri=
eure aux Societés et n'a pas même cessé
ni chès les nations Sauvages barbares et
grossieres, ou l'esprit de vengeance a
consacré l'usage de se faire justice a soi
même, et d'y interesser toute sa famille,
<114v> ni meme ches les nations civilisées qui se
sont fait des idees romanesques et ab=
surdes sur le point d'honneur.

GUERRES DES NATIONS

Les obligations reciproques de Sociabilité
qui doivent naturellement unir aussi les
nations entr'elles, n'ont pas empeché 1 mot biffure non
plus que des conflicts d'ïnterets et de vües
ne produisirent parmi elles des semences
de desunion, d'ou resultent les guerres
de communauté a communauté.

Dès que des familles eurent formés des asso=
ciations pour leur deffense commune, les
interets devinrent des la même communs,
et les injures exercees envers les individus associés,
devinrent des attaques envers la commu=
nauté, qui se trouvoit obligée de les prote=
ger contre les etrangers, et de prendre fait et cause en maïn
pourles 1 mot biffure mettre en sureté: c'est ce qui se
voit encor chès les peuples barbares et meme
chès les nations civilisées.

Une seconde cause de guerre entre les nations
est venue de l'usurpation lorsque l'une vou=
loit empieter sur le terrein que l'autre preten=
doit lui appartenir par Droit d'occupation.

C'est ce 2 mots biffure qui desunit sans cesse les
tribus sauvages. Assurer leur droit de chasse
sur une contrée, le droit de passage par des
chemins accoutumés, reclamer la possession
de certaines terres, de certaïns lacs, de certains
golphes, disputer la proprieté de terreins
non encor occupés, telles sont les sujets per=
petuels de dispute qui causent entr'elles des guerres
qu'elles poussent avec un acharnement
incroiable et une cruauté atroce.

Ce qui les anime ce n'est pas le seul motif de
l'interet, c'est surtout 3°. une sorte de gloire
nationale qui aspire sans cesse a donner des
preuves de superiorité en courage, en bra=
voure et en force; car chès les Sauvages,
comme ches les an=
ciens peuples bar=
bares,
 
rien n'est plus glorieux que la reputation d'etre
<115> grands guerriers et d'avoir tué force en=
nemis. A l'ambition se mêle la vengeance
qui est pour eux le plus grand ressort
belliqueux. Ils commancent par la
petite guerre, et peu a peu, après de mu=
res deliberations prises par l'assemblée des
chefs guerriers, on en vient a la guerre
generale que l'on poursuit sans relache.

Une 4e cause de discorde dans les temps
anciens est venue des entreprises pour for=
mer quelque etablissement sur un ter=
rein abandonné, mais revendiqué par
quelque autre natïon comme sa proprieté,
ou sur lequel elle estimoit qu'un etablisse=
ment ne pouvoit se former sans tourner
a son prejudice.

Il est arrivé aussi très souvent 5e que des
nations voisines, rivales  en puissance et en
richesses, et se redoutant mutuellement,
se sont fait des guerres acharnées, sans
autre vue que de s'affoiblir reciproque=
ment, et s'enlever l'une a l'autre le Supe=
riorité.

6° Souvent la plus puissante a donné lieu
ala guerre par ses pretensions et ses efforts
pour gener la plus foible, dans ses opera=
tions industrieuses ou commercantes.

7 Des peuples commercans, jaloux de
leurs progres respectifs, cherchant a se
supplanter par rapport aux branches com=
munes et aux lieux decoulement, ont
emploié la voie des armes pour obtenir
l'avantage et la superiorité l'un sur
l'autre. La rivalité du commerce, voila
quelle a été la principale source des rup=
tures, des violences repoussées par d'autres
violences. Un etat repousse les productions
d'un autre ou par des prohibitions ou par
des entraves qui s'opposent a leur entrées;
un etat refuse les siennes a un autre Etat,
ou ne veut les accorder qu'a des conditions
<115v> très onereuses; une nation aspire a faire
un monopole exclusif, a attirer a elle
tout le profit d'une branche, &c. il n'en
faut pas d'avantage, la haine s'enflam=
me et elle manquera pas d'eclater par
la guerre a la premiere occasion.
La derniere cause c'est l'ambition des con=
quetes.

CONQUETES

Dans les temps primitifs, on ne faisoit
des guerres que pour vanger une injure,
ou disputer un terrein, ou quelque un avantage;
on s'armoit, on devastoit le terrein de
l'ennemi, on detruisoit ses habitations, on
enlevoit ses troupeaux, on emmenoit des
prisonniers, tout aboutissoit a lui faire tout
le mal possible: les hostilités finies,
on retournoit a ses foyers, et chacun
restoit maitre chès soi; Ainsi en usent
encor les peuples Sauvages. Il n'y avoit
de revolutions proprement dites que lors
que de nouvelles peuplades venoient a
bout de faire deguerpir d'une contrée
les anciennes, et de les forcer ainsi a re=
fluer les unes sur les autres: cependant
dès qu'on leur avoit abandonné assès
de terrein pour former leur etablissement
et pourvoir a leur subsistance, elles
cessoient leurs hostilités et tout rentroit
dans le calme.

Les guerres ne pouvoient non plus etre
bien considerables, ni bien longues, entre
des nations agricoles, dont la position
et le genre de vie ne leur permettoient gue=
res de former des plans de conquêtes, dont
l'execution leur eut été très onereuse
et peu lucrative: s'il survenoit entr'elles
quelque dispute operation belliqueuse, 2 mots biffure
les vainqueurs se voioient forcés a met=
tre bientot bas les armes, pour retourner
<116> aleur culture. Si une peuplade renou=
velloit souvent ses attaques contre l'autre,
celle ci cherchoit a l'affoiblir en transpor=
tant ses captifs chès elle, et les rempla=
cant par 1 mot biffure ses colonies pour contenir
la nation ennemie, ce qui a été la poli=
tique des anciens Romains. 1 mot biffure En general les peuples
fixés et cantonnés ne s'occuperent gueres
de conquetes, et ne penserent qu'a deffen=
dre leurs foyers contre les hordes qui
pouvoient les attaquer au milieu de
leurs travaux.

Les peuples errans dans de vastes regions
ïncultes, placés entre les terreins des peu=
ples agricoles, 1 mot biffure furent en effet 1 mot biffure toujours
5 mots biffure tentés 1 mot biffure de faire des
incursïons sur ceux ci pour les piller et les
mettre a contribution. Sans cesse les socie=
tés policées par l'agriculture eurent ase
deffendre contre ces hordes vagabondes,
aussi belliqueuses que barbares, qui ne
connoissoient rien de plus grand que la
guerre et le butïn. Dela est venue
cette haute consideratïon qui fut l'appa=
nage de ces valeureux Cytoiens qui
pouvoient alloient au devant de ces
brigands fameux et revenoient de
leur course en triomphe.

Mais la difficulté de se deffendre contre
des irruptions subites força bientot les peu=
ples agrïcoles a payer tribut aux chefs
ou Roïs des peuples nomades, pour n'etre
plus exposés a ces pillages, et dès lors
ceux ci purent sans peine rendre les na=
tions policées tributaires toutes les fois quils
le voulurent. Les nations a la fin sur=
chargées de tributs et ne pouvant plus
satisfaire aleurs engagemens forcés, il
en resulta naturellement des refus de
payemens, et une suite continuelle de
soulevemens et de guerres.

<116v> Ces guerres amenerent enfin les conquetes ,
et le triomphe echut naturellement aux
peuples bergers accoutumés a une vieplus
dure, exercés ala chasse et au maniement
des armes. Alors on vit des conquerans ani=
més par l'ambition de la gloire, traverser
comme l'eclair de vastes contrées; et etendre
leurs conquetes surdivers pays, souvent
très eloignés les uns des autres. Mais les peu=
ples soumis n'attendoient que le moment
pour secouer le joug, et ils recouvroient
bientot leur independance, et il ne resul=
toit a la fin de toutes ces guerres, que
des massacres, des devastations, et aucun
aggrandissement sensible de puissance
pour les vainqueurs. Pendant que les
choses subsisterent sur ce pied la, il fut im=
possible qu'il s'eleva jamais de grands Etats
qui ne pouvoient naitre que de la reunion
de plusieurs Etats subjugués par un con=
querant asses puissant pour les retenir sous
son joug et transmettre son empire a ses
successeurs.

FORMATION DES GRANDS ETATS

Enfin le temps vint ou les conquerans pen=
serent serieusement a etendre leur domi=
nation; la politique vint eclairer l'ambi=
tion, et on chercha plutot les moiens d'as=
sujetir les vaincus que de les exterminer.

Ce ne fut plus des irruptions passageres,
mais des invasions dans les formes, et le
plus souvent les conquerans trouverent
pour leurs vües des dispositions favorables
chès les peuples qui ne trouverent rien de
mieux que de se soumettre au vainqueur
pour en obtenir le repos, la païx et la
sureté. Mais quand ils trouvoient dela
resistance, ils prenoient souvent le parti cruel de tout
exterminer pour assujetïr, et de ruiner les
peuples conquis pour assurer leur servitude:
<117> alors la captivité avec ses horreurs deve=
noit une grace accordée aux vaincus .

Ce fut la principa=
le origine de l'esclavage. L'avarice fit
comprendre qu'au lieu de massacrer des
1 mot biffure hommes, il valoit mieux conserver des cap=
tifs utiles pour les travaux. Ce fut aus=
si dès lors qu'on celebra sous le nom de
Heros  les grands conquerans, et sous
le nom d'Heroïsme la rage des conquê=
tes et l'habileté dans l'art 2 mots biffure
1 mot biffure de s'agrandir 1 mot biffure.

Ce qui a le plus favorisé les exploits guer=
riers des grands conquerans ca été le luxe
et la mollesse. Il a suffi qu'au milieu
des nations enervées il s'en soit trouvé une
plus robuste, plus fiere, plus ambitieuse, con=
duite par un Chef habile, elle aura subju=
gué sans peine toutes les autres, et dominé
sur elles, jusques a ce qu'amollie a son
tour, elle aura été vaincue par quelque
autre, qui se sera emparé de la domina=
tion generale.

Ajoutès a cela l'ignorance ou l'on etoit
dans les temps anciens sur l'art militaire
et surtout celui dela deffense. On ne pou=
voit opposer a un conquerant, ni for=
teresse, ni barrieres, ni armées discipli=
nee: il pouvoit sans obstacle traverser
des pays immenses et trouver partout
tout ce dont il avoit besoin. Ce qu'on
fait dans les temps plus recens les Attilla
les Tamerlans, les Gengiskan, a été fait
dans les temps anciens par Alexandre
Cyrus, Ninus, Sesostris, Kedorlahomer &c

Joignès encor le peu de commerce qu'il y
avoit entre les peuples voisins, jusquesla
qu'une nation n'etoit jamais instruite des
desseins d'un ennemi, que lorsqu'il etoit
a sa porte, et que le gain d'une bataille
etoit decisif pour la conquete.

<117v> GRANDS EMPIRES.

L'Ecriture Se nous fournit le premier exem=
ple de la fureur des conquetes dans Kedor=
lahomer Roi des Elamites qui contint pen=
dant 12 ans sous sa domination les Rois de
la Pentapole .

Des debris d'une multitude de petites Mon=
narchies se forma dans la suite l'empire
d'Assyrie, par le conquerant Ninus, qui
reduisit sous sa domination les Babylon=
niens et autre peuples d'orient.

Après lui le fameux Sesostris parcourut
1 mot biffure en conquerant une immensité de con=
trées, mais ne s'etant donné aucun soin
pour les assurer a ses successeurs, cet em=
pire des Egyptiens fut aussi tot detruit
que fondé.

Sur les debris de l'empire d'Assyrie s'etablit
celui des Medes et des Perses que Cyrus
eleva a un si haut degré de splendeur.

Alexandre le Grand, la terreur de l'orient
y substitua l'empire des Grecs, qui fit
place a celui des Romains destiné a
devenir un jour la proie des barbares,
et le theatre des guerres les plus cruelles
qui n'ont pas cessé jusques a nos jours.
Car plus les nations se sont policées, plus
elles ont trouvé de pretextes pour se
susciter des guerres, qui n'ont eu au
fond de vraies causes, que l'ambition,
l'intrigue des cours, l'interet particulier
d'un Ministre d'Etat qui vouloit se rendre
necessaire, souvent la seule inquietude
d'un peuple belliqueux qui ne peut res=
ter trop longtemps en repos.

SUITES DES GUERRES

Rien de plus affreux que les horreurs
qui sont le cortege et le resultat imme=
diat de la guerre. nous nous dispenserons
d'en faire le tableau: mais tel est l'ordre
<118> des choses humaines qu'il est très rare que
du mal même il ne resulte quelque bien.

Les guerres et les revolutions qu'elles ont occa=
sionées, ont fait naitre parmi les hommes
de nouvelles relations: elles ont melangé les
peuples, les langues, les arts, les usages &c.
par la les connoissances se sont repandues,
les decouvertes multipliées: on a fait plus
de progrès dans la connoissance de la situa=
tion et des interets des nations, dans la politi=
que, la Legislation. Les puissances qui se sont
aggrandies par des conquêtes ont 2 mots biffure
reveillé l'attention des peuples sur les mesu=
res a prendre pour prevenir les surprises
et les invasions. Elles se sont rendues re=
doutables a leurs voïsins et ont assuré la
païx a leurs vastes etats; les campagnes
y sont devenues plus peuplées et mieux
cultivées, les villes ont fleuri; les maux
causés par les guerres ont disparu, le
bien qu'elles ont fait est resté, les sciences
meme et les arts ont gagne ainsi que
la civilisation, et les maux particuliers
ont tourné au bien general de l'espece
humaine.

<118v> CHAPITRE XVIII
De l'art militaire

Tout MOIENS POUR POURVOIR A LSA
SURETE

Toutes d'accord sur la necessité de pourvoir
a sa leur sureté, les nations n'ont varié entr'elles
que sur les moiens et les procedés, qui ont
aussi subi de grands changemens par la
successïon des temps.

ARMES OFFENSIVES

Toutes ont fait usage d'armes offensives 
destinées a attaquer l'ennemi, et les premieres
armes furent a peu pres les mêmes que celles qui
etoient en usage pour la chasse. Aux cornes
d'animaux, aux ecauts de bois brut, aux
massues, succeda l'1 mot biffure usage des batons ap=
poïntis, dont la pointe fut durcie au feu,
ou armée d'un corps affilé plus penetrant
que le bois, et qu'on emploioit a double fin
pour frapper et pour percer, faire des con=
tusïons et des plaies. On y joignit bientot
la hache en forme de marteau d'un cote
pour frapper et assommer et de tranchant
de l'autre pour faire des taillades: on les
fit de pierre, ensuite de metal. Les Sauva=
ges ont des javelïnes armées de pointes,
et le tomahak ou casse tête pour en=
foncer le crane, et une courte massue
de bois dur dont la tête est en forme
de boule, a laquelle est fixée une hachet=
te de caillou ou de fer.

On s'exerca a lancer contre l'ennemi
des cailloux avec roideur et justesse.
Chès quelques hordes sauvages les cava=
liers portent a leur main droite une
pierre, qui tient a une corde de 4 a 5
pieds attachée au bras lors qu'ils sont a
portée, ils lancent cette pierre contre l'ennemi
<119> et ne manquent gueres de le frapper a
mort.

A la force du bras on supplea par la
fronde pour lancer les pierres de plus loïn
et avec plus de roideur. Cette arme etoit
emploiée chès les Hebreux: les Romains
eurent leurs frondeurs qui servoient a
escarmoucher. Les habitans des Isles
Baleares etoient celebres par leur habi=
leté a manier cette arme. Les François
ont même emploié la fronde dans leurs
armées depuis l'invention de la poudre.

Peu a peu les batons pointus devinrent
des traits, des dards, des javelots, des
fleches pour transpercer de loin: rien
n'etoit plus commun chès les anciens peu=
ples. On s'exercea a les lancer avec roi=
deur et precision; mais pour les lancer
avec plus de vigueur et d'un oeuil plus
assuré, on eut bientot recours a l'arc
connu de tous les peuples, même les plus
grossiers, et l'arc enfin fut transformé
en arbalete plus propre encor a renfor=
cer et bien ajuster les coups.

Depuis l'usage des metaux, ces armes 
se perfectionerent et on en imagina de
nouvelles. Les javelots devinrent des
javelines  des lances , des piques, des hallebardes ,
dont on se servit comme javelot, mais le
plus souvent pour se battre de près. C'est
encor l'arme la plus redoutable chès les
Maures.

Dela on passa a l'idée de la dague 
ou epée a pointe, que l'on combina ensuite
avec la hache, pour en faire un instrument
a taillades un sabre, qui devint après
cela une epée  a deux tranchans pour
transpercer et un poignard . Ces
dagues etoient suspendues a une espece
<119v> de baudrier portant sur les deux epaules
comme des bretelles, et contenu par une cein=
ture qui s'agraffoit par devant au bas dela
cuirasse.

La redoutable faulx fut convertie aussi en
instrument meurtrier, et pour la rendre plus
destructive et plus propre a mettre en deroute
les lignes de l'ennemi, on en fixa plusieurs
a un char trainé par des chevaux fougueux
qu'on faisoit courir avec impetuosité pour
mettre en pieces tout ce qui s'offroit aleur
passage.

Toutes ces armes offensives furent connues
des anciens orientaux .

ARMES A FEU.

On n'a point connu d'autres armes jusques
a l'invention des armes a feu appellées
arquebuses  fusils , mousquets, mortiers , coulevrines 
canons  &c par lesquels on lance de fort loin
toutes sortes de corps pesans, des pierres,
de la mitrailles, des bales, des grenades,
des boulets &c qui portent partout la deso=
lation et la mort. Cette invention n'a pu
etre que tardive comme celle de la poudre,
qu'on attribue a Berthold Schwartz de
Fribourg en Allemagne qui trouva cette
composition par hazard a Cologne en 1330
selon d'autres en 1338, et selon d'autres en 1351.

On soutient depuis peu que la connois=
sance <120> de la vertu du salpetre est venue de
l'orient, et que ce sont les Arabes qui ont ap=
porté la poudre a canon en Espagne.

ARMES DEFFENSIVES.

Dès les temps les plus anciens, on sentit aussi
la necessité de certaines armes deffensives
pour se garantir des coups de l'ennemi.

On se revetit d'abord des peaux les plus dures
comme celles de Taureau, de Buffle; ensuite,
pour laisser plus de liberté aux mouvemens,
on se borna a tirer de ces peaux des deffenses
pour la tête et le corps.

Tels furent les casques , qui n'etoient dans
l'origine que des bonnets de cuir; les cui=
rasses  qui n'etoient que des corsets de peau;
les boucliers  faits d'un cuir encadré en
bois qu'on passoit dans le bras par le moien
de courroies en forme d'anses et qu'on pou=
voit diriger a volonté autour de son corps.

En usage chès les anciens peuples , le bou=
clier s'introduisit de bonne heure chès les
Grecs sous le nom de σκυτον qui signifie
cuir, d'ou est venu le nom Latin scutum
escu . Les boucliers ont été en usage avant
les cuirasses et les casques, d'ou vient que les
sauvages sont pourvus de ceux la, et ne con=
noissent pas cellux ci. Les Cariens imagïne=
rent de peindre sur leurs boucliers ces figures
quenous appellons 1 mot biffure Cimiers. Les
Rois d'Egypte crurent inspirer la terreur en
portant pour cimiers des têtes de Lion, de dra=
gon &c qui etoient allusifs aux horreurs de
la guerre: lors qu'ils offroient des animaux
plus doux, c'etoit comme des signes qui dis=
tinguoient les partis ou les familles: cependant
<120v> ils etoient le plus souvent relatifs a la per=
sonne, comme les etendarts a la nation.

Des qu'on scut travailler les metaux, les ar=
mes deffensives devinrent bientot metalliques
composées d'abord de plaques de cuivre de
cuivre qu'on avoit le secret de durcir par la
trampe, ensuite de fer battu et forgé.

Les Croisades firent naitre aux Europeens
l'idée de porter des escus avec des figures
empreintes, qui parce qu'on les portoit sur
l'armure furent appellées armoiries .

Les Nobles seuls purent avoir des armoi=
ries jusques au XIV siecle, ou les bourgeois
furent autorisés a en prendre. Ce n'est
que depuis 600 ans qu'elles sont heredi=
taires.

L'introduction de ces armoiries a donné
naissance a la science du Blason. Les ter=
mes d'art
2 mots biffure emploiés dans cette
science les armoiries furent les noms
même des pieces qui composoient alors les
harnois des chevaliers. Les herauts  d'ar=
mes etant chargés de caracteriser les
armoiries de ceux qui vouloient entrer
en lice dans les tournois, etoient obligés de
connoitre tous ces termes, et de les amploier
pour l'explication de ces armoiries. Cette
1 ligne biffure.

<121> Les anciens Grecs porterent des bottines
de metal. Dans des temps posterieurs, on
ajouta une armure de fer complette pour
les cavaliers, des côtes de mailles, des bras=
sards, des bottes, des casques &c qui les
rendoient invulnerables, mais aussi leur
otoient toute activité et dexterité pour l'at=
taque.
1 mot biffure

observons que les peuples dans l'invention
des armes deffensives ont suivi la propor=
tion des armes offensives, et dans l'inven=
tion des unes et des autres, celles des autres
nations avec qui ils pouvoient etre en
guerre; aujourdhui encor elles s'instruisent
les unes les autres dans cet art; de la guerre;
car ce que l'une a imaginé est bientot
imitié par les autres, et l'avantage qu'elle
en tire n'est que passager.

TACTIQUE

Les nations ont été fort longtemps sans
avoir aucune idée de tactique  cad. de
l'art de regler la maniere de lever une ar=
mée, de la distribuer par rang et files, de
faire les evolutions, les manoeuvres, les
marches, les campemens, et d'etablir un
ordre a observer dans les batailles.

Un Prince qui vouloit entrer en guerre
avec une nation, ordonnoit a ses sujets de
former une armée aussi nombreuse qu'il
se pourroit, et en consequence, tout le monde
hommes, femmes, enfans, se rendoient
<121v> a un lieu assigné pour le depart, avec tout
l'attirail et les provisions necessaires; il n'y
avoit pas d'autres preparatifs pour former
une armée. Les Grecs seuls scurent faire
des levées, mais encor bien mal entendues;
chaque 1 mot biffure famille etoit chargée de four=
nir un combattant, et le sort seul deci=
doit celui qui devoit marcher: celui qui
refusoit de porter les armes etoit condané
a une amande.

Il a fallu bien du temps pour comprendre
que la force d'une armée ne sauroit depen=
dre du nombre des hommes ïnactifs et que
pour etre forte, elle ne doit etre composée que
de gens d'elite et propres au combat. Que
de temps encor pour concevoir l'idée d'une
milice reglée composée de gens militaïres
par etat et sans cesse exercés a la profession
des armes. Cette idée n'avoit cependant pas
echappé aux Egyptiens . Nous la retrouvons meme chès
les hordes sauvages dont chacune est
pourvue de guerriers 2 mots biffure armés
1 mot biffure et prets a marcher au premier signal.

Chès les anciens peuples, il n'y avoit ni
soldat  ni solde : ceux qui prenoient part
a la guerre servoient a leurs fraix et n'a=
voient pour dedomagement que leur
part au butin; Ce que chacun prenoit
de depouilles sur l'ennemi, il le rapportoit
fidelement a la masse commune; le
partage s'en faisoit de temps en temps,
mais avec certaines proportions selon
les Grades .

Comme les expeditions n'etoient pas pour
l'ordinaire bien longues, on ne pensoit
pas a former des magasins; chacun
portoit sa provision pour quelque temps .

<122> C'etoit principa=
lement du grain que chacun mouloit dans
de petits moulins a bras, et cuisoit ensuite
en gateau a mesure que le besoin l'exi=
geoit; dans leurs expeditions, les troupes
subsistoient avec peu de vivres, comme font
encor les Sauvages. Mais dans la suite,
les orientaux porterent leur luxe jusques
dans la guerre, ou ils se paroient de ce qu'ils
avoient de plus riche .

Dailleurs on vivoit sur le comte de l'enne=
mi et le gain seul d'une bataille ouvroit
un pays immense ou l'on pouvoit tout enlever.

Ce que quelques auteurs nous ont dit de
la rapidité et de l'etendue de certaines con=
quetes ne prouve cependant point que les armées aient
été aussi nombreuses qu'on s'est plu a nous les
depeindre, mais uniquement que dans
ces temps, une petite armée de gens coura=
geux et aguerris, suffisoit pour subjuguer
des peuples immenses qui ne savoient pas se
deffendre. On en trouve la preuve dans
l'armée de Kedorla homer ou et les victoires dAlexandre .

Tout l'art des expeditions  se reduisoit
a livrer bataille promtement: on se mettoit
peu en peine de regler avec Intelligence
les operations: on entroit en campagne
sans projet, sans plan, sans savoir ou
l'on porteroit d'abord les armes, ou seroit
le theatre de la guerre: tout se faisoit
a l'avanture et ïnpromtu .

Dans la melée  les combattans n'obeissoient
a aucun ordre: ils se battoient tumultu=
airement: l'individu faisoit ses mouve=
mens isolés, ils se designoit lui même son
ennemi et lui donnoit le deffi: un combat
n'etoit qu'un grand nombre de duels exe=
cutés corps a corps, sur le même champ de
bataïlle; la victoire generale etoit le resul=
tat de celles qu'avoit remportes chaque champion separé.

<122v> Ceux qu'on appelloit Chefs n'etoient dis=
tingués que par leur valeur pour se battre
et tuer des ennemis. Pendant l'action, il
ne se faisoit aucune evolution, aucune
manoeuvre reflechïe; on n'avoit pas même
l'idée de disposition, de methode; tout
se reduisoit a la celerité de la marche et
a l'impetuosité du choc, accompagné d'une
fougue insensée. Ainsi on ne s'occupoit
pas a dresser des troupes, mais uniquement
a exercer chaque Individu pour augmen=
ter son agilité et sa force, et se fut la le
premier but de ces exercices fameux en
usage chès les anciens peuples dont nous
avons parlé plus haut.

Telle fut l'imperfection de la tactique
surtout dans les monarchies, pendant
que l'embaras des armées et le manque de
discipline, mirent dans l'impossibilité de
suivre des regles, d'observer ses propres fautes
et de profiter de ses revers même pour s'ins=
truire.

TACTIQUE PLUS REGULIERE CHES
LES REPUBLIQUES

L'art put faire plus de progrès dans les Re=
publiques ou les armées etoient moins nom=
breuses et plus susceptibles de regles. La tous
les Cytoiens animés par la consideration atta=
chée a la valeur exercée pour la deffense
de la patrie, s'empressoient a l'envi a concou=
rir au succès des armes, par la leur promte
obeissance aux ordres, et 1 mot biffure leur concours
a l'observation d'une discipline exacte.

Chès les Grecs, tous les Citoiens de 30 a 60 ans
etoient tenus de servir et se lioient par un
serment solemnel: les deserteurs etoïent pu=
nis de mort, et ceux qui dans la melée avoient
abandonné leurs drapeaux etoient notés d'infamïe.

<123> L'experience fit comprendre aux peuples
la necessité d'une discipline  qui ne permit pas
aux soldats de se livrer a cet emportement
aveugle qui est le propre des nations barbares.

On sentit qu'afin que des hommes armés
pussent deploier toutes leurs forces sans s'em=
barasser les uns les autres, mais plutot en
s'entresoutenant, il etoit essentiel de les ar=
ranger, ou les distribuer par rangs placés
a une certaine distance et leur faire obser=
ver cet ordre pendant la marche et la melée
autant que possible.

Rien de plus naturel que de les former sur des
lignes droites et parallelles; de mettre ces lignes
les unes derriere les autres pour en augmen=
ter la stabilité, 4 mots biffure
et afin que dans l'action, les lignes de derriere pus=
sent relever celles de devant, lorsqu'elles se
trouvoient fatiguées par le combat, et qu'en=
fin
tous les Individus fussent comme forcés
de garder tous leur rang.

Il n'etoit pas moïns necessaire que les armes
fussent maniées d'une maniere unifor=
me et selon certains mouvemens communs
a tous les soldtas: de la les evolutions , les
manoeuvres et l'exercice  regulïer.

On comprend aussi que le succès dependoit
beaucoup de la maniere d'attaquer ou plutot
de surprendre l'ennemi, par devant, par der=
riere, en flanc, ou par des tours et detours
adroits pour l'envellopper de tous les côtés a la
fois: de la nacquit l'art des mouvemens ou
marches, auxquelles il importoit beaucoup
que les armées fussent exercées.

<123v> INSTRUMENS

On imagina aussi l'usage de certains instru=
mens bruians destinés en partie a distraire
les combattans des cris lamentables de leurs
compagnons blessés, en partie a ranimer leur
bravoure martiale, en partie, a suppléer a la
voix articulée pour leur communiquer certains
ordres relatifs aux mouvemens. Pour cette
musique guerriere on emploia de gros roseaux,
des cornes d'animaux, de grosses conques ma=
rines &c. en suite on chercha a imiter ces instru=
mens naturels avec le metal: on imagïna
la trompette , le clairon , le Cor qui furent faits
avec l'airain. La trompette sonnoit la charge
et la retraite, le cor appelloit a l'assemblée. Le
cornet fait de corne de boeuf sauvage, faisoit
marcher les enseignes et les arretoit.

On ajouta le tambourin, le tambour  de
Basque, la tymbale, caisse de cuivre oblon=
gue, enfin la caïsse du tambour ordinaïre,
instrumens connus des anciens peuples
orientaux . Avant l'introductïon de ces ins=
trumens chès les Grecs, la premiere qualité
d'un General etoit d'avoir une voix très forte,
ou detre βοην αγαθος.

ETENDARTS.

On ne peut contester l'antiquité de l'usage des
signaux etendarts, enseignes, drapeaux, qui
devoient servir aux troupes de guides dans la
marche et la mêlée, et de moiens de ralliement
lorsquelles commancoient a plier et a se rom=
pre. Cet usage a été de tous les peuples même
des sauvages. Ces enseignes  ne furent dans
les commancemens que des branches de ver=
dure, des oiseaux en plume, des têtes d'animaux.

<124> avec le temps, on en chercha de plus brillan=
tes et chaque peuple emploia ses symboles
propres. chès les Hebreux, chaque Tribu eut
son symbole et sa couleur . Les Romains eurent l'aigle
sur leurs etendards.

A cela on peut joindre le cri de guerre,
qui a varié selon les nations. Chès les
Grecs, c'etoit a la la, d'ou αλαλαζω
1 mot biffure

DIVISIONS, GRADES.

Une armée un peu nombreuse ne pouvant
toute entiere obeïr au même ordre, suivre
le même signal, agir dans le même lieu,
on sentit aussi la necessité de la partager
en divers corps qui pussent agir separe=
ment selon le besoin et se soumettre aux
ordres de quelque divers chefs immediat
chargés de presider a leurs diverses ope=
rations. Alors nacquirent ces divisions
adoptées chès toutes les nations, maïs sous
differens noms avec differentes echelles de
dignités: ce qu'on a appellé bataillons
compagnies, regimens, brigades &c
et les divers grades  militaires  correspondans sous
les noms de sergens, lieutenans, capitains
colonels, brigadiers, et tous subordon=
nés au General.

Les Egyptiens eurent leurs grands offi=
ciers . les Hebreux
des tribuns et des centeniers . Les Grecs et les Romains
eurent nombre de grades qu'il
seroit trop long de rapporter.
les Romains

<124v> On sentit aussi la necessité d'arranger les
divers corps entr'eux sous un certain ordre
de bataille, avant que d'engager un combat,
on distingua le corps de l'armee, l'aile
droite, l'aile gauche &c.

A mesure que la tactique s'est perfectionée
les mouvemens dans une armée se sont
plus rapprochés de l'unité. Aujourdhui
une armée bien disciplinée est un corps
dont tous les membres obeissent a un chef
comme les membres du corps humain obe=
issent a une volonté unique, et deux
armées sont comme deux masses qui sur
commandement se heurtent l'une contre l'autre; aussi il ne
faut que le moindre manque d'execution
dans l'une pour amener sa deffaite et le
triomphe de l'autre.

CAVALERIE

Des qu'on sera parvenu a dresser les che=
vaux on aura pu comprendre le par=
ti qu'on pouvoit en tirer dans la guerre
pour les marches et même pour les com=
bats.

On fit servir d'abord les chevaux a trainer
des chariots armés de combattans . L'art de les em=
ploier pour monture dans les combats a été
de beaucoup posterieur, comme etant plus
difficille que celui de combattre sur un cha=
riot, parceque l'attention et les efforts du
cavalier doivent continuellement etre
partagés entre le soin de combattre l'enne=
mi et celui de gouverner son cheval. Mais
enfin l'on 1 mot biffure renonca a l'usage des chariots
qui demandoit un plus grand nombre d'hom=
mes, et dont le succes pouvoit sans cesse etre
empeché par des ravins, des haies, des
obstacles, et demandoit toujours une vaste
et large plaine.

<125> Aussitôt qu'on eut connu l'equitation, on
vit tout l'avantage qu'on pourroit retirer
de la cavalerie soit pour poursuivre et har=
celer l'ennemi pendant l'action, soit pour le
dïsperser après sa deffaïte et l'empecher de
se rallier. On vit aussi que des corps nom=
breux de cavalerie seroient plus propres que
l'infanterie pour combattre l'ennemi en plai=
ne, que la cavalerie pouvoit se tirer plus prom=
tement du danger et porter l'attaque avec
plus de celerité la ou elle pouvoit se faire
avec plus d'avantage. On comprit enfin
quelle pouvoit 1 mot biffure tantot couvrir l'infanterie placée
derriere, tantôt la soutenir en s'etendant
derriere les bataillons, selon la nature
du terreïn et les circonstances.

L'usage de la Cavalerie fut aussi connu
des anciens peuples d'orient  et on n'ignorat pas qu'il
falloit que les Cavaliers apprissent a se
rendre maitres de leurs chevaux, a marcher
en bon ordre, et a suivre certaines regles
particulieres a leur tactique.

La paresse fit qu'on augmenta trop la ca=
valerie dans les armées et qu'on perdit l'avan=
tage que peut donner une infanterie
bïen disciplinée, ou l'homme deploie
plus librement toute l'energie de ses for=
ces. On vit dans la suite alors les Romains
a cheval ploier devant des barbares qui
combattoient a pied: mais ceux ci tom=
berent a leur tour dans la même faute:
toute la noblesse voulut monter a che=
val et abandonna le service de l'infante=
rie a une populace esclave, presque
sans arme comme sans honneur.

<125v> FORTIFICATION.

A mesure que les attaques hostiles devinrent
plus frequentes, la deffiance porta les hom=
mes a se reunir en nombre et en force dans
un même lieu pour s'y deffendre avec plus de
vigueur et de succès.

Telle fut sans doute une des premieres causes de la
fondation des villes et cites. Elles furent
d'abord toutes ouvertes ,
mais on comprit bientot que pour se mettre
a couvert de surprise et d'ïnvasion il falloit
s'y retrancher, s'y fortifier.

La nature put fournir aux hommes les
premieres idées de fortification. Presque
dans tous les pays on trouve des endroits
dont la situation est telle qu'un petit corps
de troupes peut en deffendre l'accès a des
forces très superieures; et sans doute que
dans les premiers temps, on ne negligea
pas de se prevaloir de l'avantage de ces
postes pour deffendre l'entrée d'un pays,
ou pour s'y retirer en cas d'echec.

Lidée sera venue ensuite d'imiter la na=
ture par l'art en formant des villes deja
habitées autant de postes avantageux 
pour opposer a l'ennemi une resistance
vigoureuse.

On pensa d'abord a creuser autour de
leur Enceinte un fossé large et profond
qui en rendit l'approche dïffïcille: la
terre tiré du fossé, et jettée du côté de
la place en forme de terrasse, augmen=
toit la difficulté, en offrant a l'ennemi
une espece de rempart d'ou les habitans
pouvoient sans cesse l'harceler par des
greles de pierres ou de traits.

<126> On imagina ensuite d'environner encor la
place d'une forte pallissade ou enceinte de
pieux, comme cela se prattiqua ensuite dans
les campemens: a quoi on ne tarda pas a
substituer des murs plus solides encor et
plus elevés: on les fit d'abord de terre a la=
quelle on donnoit beaucoup de talus;
ensuite ils furent construits en briques,
en maconnerie, et on y pratiqua des por=
tes munies de barres et de poteaux .

Avec le temps ces murs furent fortifiés de
tours rondes  ou quarrées elevées de distance
en distance, qui en deffendoient le flanc  et
le parapet  et servoient a renfermer des hom=
mes qui pouvoient lancer sans cesse sur l'en=
nemi des corps pointus ou pesans ou en=
flammés. Le haut de la muraille etoit
fait en masso coulïe qui laissoient des
espaces vuides par lesquels on jettoit des
pierres, des huiles bouillantes &c.

Ces precautions auront suffi contre des
assiegeans peu fournis d'instrumens et
peu habiles a faire des sieges. A mesure
que cet art s'est perfectioné, on aura com=
posé d'avantage la fortificatïon: pour
les remparts, on aura emploié la brique
les pierres, on aura doublé les remparts
et les fossés &c

L'idée sera venue d'etablir aussi des retran=
chemens fortifiés sur les hauteurs et les lieux
escarpés pour s'y retirer et deffendre en
cas d'attaque; on aura deploié l'art 1 mot biffure d'y
1 mot biffure ajouter de nouvelles ressources pour la
deffense, et dela les forteresses. Les
<126v> Grecs eurent de pareilles places fortes,
et sans les entourer de murs, ils les etablis=
soient de maniere a pouvoir s'y deffendre
longtemps; les rues en etoïent si etroites
si tortueuses, qu'avec peu de monde on
pouvoit arreter l'ennemi a chaque pas,
et l'accabler du haut des maisons.

2 mots biffure

SIEGE ATTAQUE DEFFENSE

On pensa aussi a diverses machines et ope=
rations pour detruire les fortifications, pour
penetrer dans les places fortes, et les reduire.

A mesure qu'on perfectionoit la fortifica=
tion, on poussoit aussi plus loin l'art du
siege de la part des assaillans, et dans la
même proportion encor, celui de la deffense
de la part des assiegés. On apprit d'un côte
a faire des fossés ou tranchées, gravir les remparts, s'ap=
procher des murs, les escalader, les battre
en breche, les sapper, les renverser, ou for=
cer les portes et les entrées; de l'autre, on
s'exercea a repousser, harceler, accabler
les assiegeans depuïs les remparts, les murs,
les tours, pour les forcer a lever le siege
et a se retirer.

Il paroit par les sieges  fameux de Samarie,
de Tyr, de Jerusalem que l'attaque consis=
toit d'abord a environner une place de
fossés et de murailles si exactement, qu'au=
cun habitant ne put echapper .

On faisoit ensuite approcher les beliers
pour enfoncer les portes ou renverser
les murs . La
breche  une fois faite on tentoit l'assaut :
pour cela on elevoit des terrasses qu'on
garnissoit d'archers et de frondeurs qui
ecartoient les assiegés de la breche . On emploioit
<127> aussi la Sappe .

On faisoit dependre le succès de la deffense
de l'epaisseur des murs, de la largeur
du fossé, de la hauteur des tours, de la
force des machines appellées catapultes 
pour lancer ce qu'on vouloit sur l'ennemi.

Il est vrai que dans les temps les plus anciens,
on pensoit a se rendre maitres des places par
ruse plutot que par assaut .
Chès les anciens Grecs, tout se
reduisoit a resserrer les assiegés, les em=
pecher de sortir, en placant des corps de
troupes a chaque porte, pour en former
le blocus, et leur couper les vivres. La
deffense 1 mot biffure se reduisoit a faire de
frequentes sorties pour forcer le camp des
assiegeans, ou pour intercepter leurs con=
vois, les affamer: il se livroit de frequen=
tes escarmouches.

Les autres usages dont nous avons parlé
ne se sont introduits que successivement avec
les progrès des lumieres.

CAMPEMENS

Dans le temps ou les expeditions etoient de
courte durée on ne pensoit pas a se pourvoir
d'abris portatifs: mais des qu'on fut appellé
a tenir plus longtemps la campagne, on
se pourvut de tentes et on en forma des
camps , on chercha a se camper ou poster
avantageusement: on se retrancha
par des fossés et des palissades pour se
mettre a couvert des Surprises de l'ennemi,
<127v> surtout pendant la nuit; on ne negligea
pas la precaution de poser des Sentinelles,
d'etablir des gardes avancées 1 mot biffure &c.
4 mots biffure

CHANGEMENS SURVENUS A L'ART MILITAIRE

L'art militaire a du, dans chaque siecle, se
regler sur l'espece d'armes, de machïnes, de
methode de fortification alors en usage, et
dès la même eprouver dïvers changemens
successifs. Ainsi depuis l'invention des armes
a feu, cet art a pris une forme toute nou=
velle; on a diminué la cavalerie et aug=
menté l'infanterie, qui coute moins d'entre=
tien et souffre bien moins du feu ennemi;
la fortification est aussi devenue bien tout autre=
ment composée et etendue &c.

Les regles et prattiques de cet art etoient ancien=
nement très grossieres, et a peu près ce qu'elles
sont chès les peuples sauvages. 2 mots biffure Ches ceux ci
3 mots biffure tout se reduit au
stratageme, a l'embuscade, 2 mots biffure ils
font consister leur gloire a surprendre et
a assommer l'ennemi avec la moindre per=
te possible de leurs gens. L'art s'est perfec=
tïoné chès les peuples a mesure qu'ils se sont
policés. On a bien senti que l'ordre dans la
disposition des troupes, une discipline exac=
te, l'habitude dans les exercices et les ma=
noeuvres, influoient essentiellement sur le
succès dans les combats; mais 2 mots biffure
on a vu aussi que ce succès dependoit princi=
palement de l'habileté des chefs, de leur
presence d'Esprit, leur prudence, leur activité
lorsqu'il sagissoit de rompre les desseins de
l'ennemi, deluder a propos la superiorité
de ses forces, de le surprendre par des entre=
prises et des attaques qu'il n'avoit pu prevoir
<128> ni prevenir, de saisir avec promtitude
les circonstances favorables d'un instant
fugitif, comme aussi de profiter de l'avan=
tage d'un poste, de se saisir a propos d'un
terrein favorable, d'attirer l'ennemi dans
un pays fourré, le surprendre dans des
deffilés, le harceler dans sa marche, dresser
avec art des embuscades, trainer une cam=
pagne en longueur pour le reduire a se
consumer lui même &c.

TRAITTEMENS DES VAINCUS

On ne peut rien imaginer de plus atroce que
les cruautés exercées par les Sauvages sur leurs
ennemis vaincus. Qu Il est bien etrange de re=
trouver ces même horreurs parmi les anciens
peuples d'orient. Des campagnes devastées,
des villes reduites en cendres, des peuples entiers
passés au fil de l'epée, des Rois et des reines indi=
gement trainés en esclavages .

C'est le spectacle
que l'histoire ancienne nous offre partout.

Les Suites de la victoire furent 2 mots biffure a peu pres
aussi cruelles de la part des republiques dont
les Citoiens etoient toujours enflammés d'une
haine nationale qui ne pouvoit etre assou=
vie que par le sang.

Enfin les nations policées en sont venues a
adopter ce principe que le comble de l'art de
la guerre, est d'executer tout ce qui peut le plus
promtement reduire l'ennemi et le forcer a
demander la paix aux conditions les plus ho=
norables pour la nation victorieuse. De la
les guerres sont devenues parmi elles beau=
coup moins cruelles. Les combats finis, le
vaincu desarmé, on traite le prisonnier
avec egard, tout se reduit a payer des
contributions, ou a un changement de do=
mination ou le particulier ne court aucun
risque pour sa sureté et sa propriété.

<128v> TROUPES REGLEES

Le plus grand fardeau pour les peuples
c'est l'entretien continuel de troupes reglées, mê=
me en temps de paix; usage qui s'est intro=
duit en Europe par Charles VII Roi de
France en 1445, et qui est egalement one=
reux par la Levée des milices, et par les
impots prelevés pour cet objet. Malheureuse=
ment encor, ces troupes peuvent devenir entre
les mains d'un despote, un instrument très
dangereux pour asservir ses sujets sous le
joug le plus pesant. 3 mots biffure Aujourdhui on
2 mots biffure croit que c'est un mal necessaire; 2 mots biffure Puisse
cette opinion ne pas prendre fin!

MOIENS DE TERMINER LA GUERRE

Mais a quoi se reduit la voie des armes?
a exercer le Droit du plus fort qui ne sauroit
jamais rien assurer, parce qu'il se detruit
par la force contraire des qu'elle devient pre=
ponderante; a repandre beaucoup de sang sans qu'il
en resulte aucun ni plus grande sureté
ni plus de prosperite pour aucune nation. Ces reflexions avoient,
sans doute, produit l'usage ancien de
remettre la decision d'une guerre au sort
d'un combat singulier entre deux champions
choisis de part et d'autre: après le combat
l'armée dont le champion avoit été vaincu
se retiroit, et 3 mots biffure la convention
1 mot biffure auparavant transigée s'execu=
toit de bonne foi. Telle a été aussi la
source des mediations, arbitrages, garan=
ties, congrés,1 mot biffure et de tout ce qui ap=
partient aux traités de paix. Le plus grand
bien qui puisse resulter d'une guerre, c'est
en effet de forcer les nations a conclure
une paix. Cette issue est comme inevita=
ble après une guerre qui les a epuisées
depart et d'autre. Les Sauvages eux mêmes
demandent la paix, ou menagent sour=
dement <129> des negociations, avec la precau=
tion d'eviter ce qui pourroit avoir l'air
de premieres demarches pour se reconcilier.

Entre les nations policées toutes les guerres
finissent par des traites de paix, actes so=
lemnels et publics pour retablir la concor=
de, et regler les pretensions respectives, et pren=
dre des mesures pour prevenir de nouveaux
sujets de discorde .

Les Sauvages apportent a ces traités beau=
coup de solemnité. Leur symbole de paix
est le 2 mots biffure calumet, un tuiau
de pipe de bois coloré et orné de plumes;
ce gage de paix est presenté a tous les assis=
tans pour y aspirer chacun a son tour
quelques gorgées. La paix conclue on
enterre une hache teinte en rouge, et pour
memorial on donne un collier de coquilles
composé de plus ou moins de rangs, selon
le nombre des articles. Quelques fois même
on egorge des animaux.

Chès les anciens peuples on erigeoit un au=
tel, on y immoloit des victimes; l'effusion
du sang en etoit la ceremonie la plus im=
portante . Chès les anciens
Asiatiques, les parties contractantes se fai=
soient des incision au bras et sucoient
mutuellement le sang qui en decouloit.
Souvent on plantoit un bois, on dressoit
un monument de pierres, on donnoit
un nom au local .
Dans la suite on en
vint aux ecrits ou tous les articles etoient
redigés; on en ecrivoit deux exem=
plaires; lun cacheté du sceau des par=
ties, l'autre restant a decouvert pour
etre consulté dans l'occasion .

<129v> Pour symbole de paix
les anciens eurent le caducee .

Les Europeens ont aujourdhui le
pavillon de treve.

<130> TABLE

Seconde Section

Chapitre premier

Introduction de l'Agriculture; premier
pas que firent les Societés imparfaites
pour s'elever a l'etat de Societé reguliere

p.1.

Necessité d'un art industrieux pour aug=
menter les productions de la terre - agriculture p. 3

Son

Son introduction 2

Origines du jardin et du verger 2-5

Greffe 5. 6

Culture permanente du sol 6. 7.

culture des grains 7. 8

Son utilité 8. 9

Semailles, labours 9. 10

autres procedès divers 10. 11

1 mot biffure origine de cette culture 11. 12

pPremiers essais imparfaits 12.

Cantonnement des peuples 12. 13

Difficultes des etablissemens 13-15

Chap. II.

origines des arts de premiere necessité liés
avec l'agriculture, et premierement de la de=
couverte et dela fabrication des metaux.
p. 16

Naissance des arts. Division. 16 17.

Arts nés principalement dela metallurgie
17. 19

Decouverte du minerai; fouille 19. 20

Travail des metaux; fonte 20. 21

Exploitation anciennement plus aisée
21. 22

Devenue plus difficille 22. 23

Forge 23

Premiers metaux travailles, l'or, l'argent,
le cuivre 24-25

le fer 25-27

<130v> Chapitre III.

Autres inventions qui suivirent l'intro=
duction de l'Agriculture, et en haterent les
progrès; la charue, les divers labours;
methode pour preparer les grains, pani=
fication. p. 28

Charue p. 28. 29.

Animaux de trait 30

Traineau, rouleaux, roue, char, charue
30 31.

Labour, herse 31. 32

Moisson, coupe, 32

Separation du grain, van, crible 33. 34

Nouriture tirée du grain 35. 36

Grain reduit en farine grossiere, puis
tamisee 36-38

Panification, four, levain 38-40

Meule moulin 40-42

Chapitre IV

Autres inventions qui suivirent de pres
l'introduction de l'Agriculture pour ajouter
aux objets de premier besoin, des ressources
de commodité: premierement pour la nou=
riture. 43.

Liqueurs, hydromel, oxymel 43 44

bierre, cidre 44-46

vigne, vin 46. 47

vaisseaux, vases 48

assaisonnement, ordonnance service
49-51

Huile, lumiere artificielle 51-53

oeconomie domestique; observa=
tion 53. 54

Chapitre V.

Autres inventions de commodité
pour le vetement et le logement p. 55

Fil, filage, tissu 55. 56.

Matieres premieres 56-58

Foulage, blanchissage 58. 59

Vetemens, robe, manteau 59 60

ceinture, chaussure 60 61

<131> voile, barbe cheveux 661 62

Deffaut de linge, bain 62

logement maison, architecture 63

ancienne forme des maisons 63 64

Premiers materiaux de construction
64 65

Maconerie 66 67

architecture composée 67

Appendices des maisons 68. 69

Meubles 69 70

Chapitre VI

Le devellopement de l'industrie, et l'intro=
duction des metiers ou professions me=
chaniques. 71.

Devellopement de lindustrie 71. 72

Introduction des metiers 72 73

Distribution des professions 73

Distribution des familles en classes et gene
des professions: inconveniens. 73-76

Premiers objets des professions 76. 77.

Chapitre VII

Introduction des arts de seconde necessi=
té, d'agremens, et de luxe. 78

Introduction des autres arts 78. 79

divers objets de cupidite 79. 80

Arts de Seconde necessité, dagrement et
de faste 80

Idees sur les arts de luxe 81-84

Chapitre VIII

Arts divers de Seconde necessité, d'agre=
ment et de luxe, dont l'industrie humaine
s'est occupée. 85

Art de Seconde necessité 85

- relatifs ala nouriture, - au vetement
au logement 85-88

- aux outils, machines, voi=
tures 89 90

arts d'agrement et de luxe 90

cuisine et service 90-92

<131v> Etoffes precieuses, soieries 92. 93.

Teinture 93

Pourpre, ecarlate 94

Nuance et broderie 95

Parure, ornemens, toilette 93-97

Pierres precieuses, taille 98. 99

Diamant 99. 100

art de mettre en oeuvre, orfevrerie 100 101

Damasquinure, art d'incruster 101

Luxe des meubles 102 103

verrerie. miroir 103 104

Porcelaine 104 105.

Chapitre IX.

Des beaux arts liés avec le dessin.
106.

Beaux arts 106. 107

Beaux arts liés avec le dessin; origine et
progres de celui ci 107 108.

Gravure en creux, - en pierres fines 109. 110

Gravure en impression 110. 111

Sculpture bas relief, haut relief 111. 112

Moulure, fonte 113. 114

relief avec le ciseau 114-117

Peinture 117-121

Genres divers 121. 122

Architecture Grecques - ordre
123. 124.

Architecture Romaine, ordres 125

Chapitre X.

Dela Poësie, du Chant et de l'Eloquence
126

Premieres origines de la Poesie 126. 128

Sujets divers de la Poesie 128 129

Poesie Grecque Romaine &c. 129 130

Genres divers, lyrique, Theogonique
epique, apologue ou fable 130 131

<132> Drame, Tragedie Comedie 132 133

Masque 133

Satyre 134

Prix accordés aux Poetes 135

chant, musique, expression dela Poesie
135-136

Musique instrumentale 136

Musique des anciens 137. 138

Mesure, notes 139. 140

Prose, Eloquence 140 141

Chapitre XI

Autres arts d'agrement; la danse, la
Gymnastique, l'equitation, les divers
jeux. 142

la Danse 142-143

la Gymnastique 143

Spectacles, jeux solemnels 143-145

Equitation manege 146

divers jeux de delassement 146. 147.

Chapitre XII

Etablissemens divers qui ont suivi l'in=
troduction et les progres de l'Agriculture
148.

Suites de l'Agriculture 148

Domesticite, Esclavage 148-151

Ferme pret 151. 152

origines des villages et bourgades - des
villes et cités 153-155

cites rendes vous communs - lieux d'as=
semblées 155-157

Grandes cités origines des grands Etats
157-159

colonies 159

Separation distinctes des classes
159-161

Chapitre XIII

Du Droit de proprieté et de qu'on ap=
pelle richesses nationales 162

Droit naturel, proprieté 162

propriete nationale, et personelle 162

<132v> Propriete ches les nations sauvages -
bergeres, - errantes mais qui prattiquent
une culture passageres - cantonnees
163-165

Propriete particuliere fonciere 165. 166

Introduction des fonds et des patrimoines 166-168

Richesses nationales, - population -
abondance des ressources 168-171.

D'ou depend l'opulence des particuliers
171 172

Chapitre XIV

Du Commerce 173

Origines du Commerce 173

Ses avantages 173. 174.

Commerce interieur et exterieur 174

Commerce fonde sur l'industrie 175

- sur la culture 175. 176

Prestige 176

objets de commerce 177

Manieres diverses de commercer successive=
ment introduites, echange a la simple
vue 177. 178

Marchés soumis a la mesure 178 179

Matiere intermediaire 179 180

Metaux 181 182

Metaux monnoies 182-184

Valeur des especes 184-186

Monnoie marchandise 187

Papier monnoie 188

Science du commerce 188. 189

Chapitre XV

Des transports et de la navigation.
190

Transports 190

Par terre 191

voiturages caravanes 191. 192

<133> hoteleries hospitalite 192. 193

colporteurs, couriers 193. 194

Transports par eau 194. 195

Navigation, navires 195 196

Batimens plus considerables 197 198

Manoeuvre 198

Voilure, agreage 199-201

Navigation en pleine mer 201 202

Ancrage 203

Batimens Vaisseaux 203 204

Imperfection de la navigation des anciens
204-206

Marine guerriere 207. 208

avantages que la marine a procures 208. 209.

Chapitre XVI

Histoire abregée de la marine et du
commerce chès les divers peuples 210.

Egyptiens - Phoeniciens, Tyriens -
Arabes - Hebreux 210-214

Habitans de l'Asie mineure - Carthagi=
nois - Grecs - Alexandrie 214-217

Romains - Europeens 217-219

causes des progrés de la marine et du
commerce 219. 220

Decouverte des Indes et de l'Amerique
221. 222

Avantages revenus aux Europeens des
voiages 222. 224

Chapitre XVII

De la guerre 225

Sources des disputes 225-226

Guerres entre les nations 226-228

Conquetes 228-230

formation des grands etats 230. 231

grands Empires 232

Suites des Guerres 232 233

<133v> Chapitre XVIII

De l'art militaire 234

Moiens pour pourvoir a sa surete 234

armes offenses 234-236

armes a feu 236. 237

armes deffensives 237-239

Tactique grossiere 239-242

Tactique plus reguliere 242. 243

Instrumens, etendards 244. 245

Divisions, Grades 245. 247

Cavalerie 246-247

Fortification 248-250

Siege, attaque, deffense 250. 251

campemens 251 252

changemens survenus a l'art militaire
252. 253

traitement des vaincus 253.

Troupes reglees 254

Moiens de terminer la guerre 254. 256.

Note

  Public

Cette transcription a été établie dans le cadre du projet A. C. Chavannes et sa "Science générale de l'homme" (1788).

Etendue
intégrale
Citer comme
Chavannes, Alexandre César, Anthropologie ou Science générale de l'homme: Ethnologie, Tome II, [Lausanne], [1750]-[1788], cote BCUL A 909/1/2/2. Selon la transcription établie par Lumières.Lausanne (Université de Lausanne), url: http://lumieres.unil.ch/fiches/trans/1089/, version du 05.05.2017.
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