Transcription

Barbeyrac, Jean, Lettre à Charles Pacius de la Motte, Groningue, 27 août 1743

A Groningue ce 27 Août 1743.

Voici, mon cher Monsieur, la Table des Matiéres du Cumberland, qui
achévera l’impression. Et cependant je n’ai pas encore touché un sol du
Libraire. C’est abuser beaucoup de ma patience.

Je ne sai comment on a ômis, sur le titre, à la fin, ce que j’y avois
mis de la Vie de l’Auteur, traduite de l’Anglois de son Chapelain. Il me
semble que cela n’est pas indifférent pour le Libraire.

Quand je reçus vôtre Lettre, c.d. Samedi, je venois justement
d’écrire à Mr Sob Sidobre. Cependant j’accepte avec reconnoissance l’offre que
vous me faites, de consulter Mr Tronchin. Depuis ma derniére Lettre,
j’ai été encore plus incommodé de ces Vents, q produisent le même effet
que ce qu’on appelle Vapeurs; non seulement par les insomnies plus fréquentes
(souvenez-vous que ces Insomnies consistent à passer les nuits entiéres sans dormir)
mais encore pendant le jour, par le serrement 1 mot biffure intérieur que je
sens de ces vents enfermez dans mon estomac, que produits par des obstructions,
sont empêchez par celle-même d’avoir leur libre cours pour sortir par les
voies ordinaires. J’ai même eû par deux fois de grandes douleurs de colique
près de 15 ou 16 heures pendant le jour. Pour ce que vous demandez des
Médecins d’ici, je n’en ai consulté que mon Medecin ordinaire, & auquel je
n’en sâche aucun qui le vaille. C’est nôtre Professeur en Medecine, Mr
Croeser, qui a pratiqué autrefois à Amsterdam, d’où il fut appellé ici à
la solliciation d recommandation de Mr Bronchorst, en même tems que Mr De Crouza. Il y a bien des années qu’il
me sert & ceux de ma maison, comme Collegue, sans intêret & avec beaucoup
d’affection. 4 mots biffure Il n’a pas la même méthode, que les autres de ce païs, il n’est pas prévenu, par exemple, contre le quin quina
ou la saignée, comme la plûpart des Medecins de ce païs; il paroit fort circonspect
dans les remèdes qu’il prescrit. Il a ici beaucoup de pratique. Je vous ai déjà dit, qu’au
commencement de Juin, je cessai d’user des remedes qu’il m’avoit prescrit alors, parce
que je ne voiois pas qu’ils me profitassent; & que je pris alors le parti de
laisser agir la nature, en évitant tout ce que je croirois pouvoir me nuire. Je
fus un peu mieux, plus ou moins, pendant les mois de Juin & Juillet, où j’usai deux
fois du sel d’Epson, purgatif auquel je suis accoûtumé depuis plus de 30
ans, & qui ne jamais fait que du bien. Ainsi depuis ce tems-là, je n’appellai
plus Mr Croeser. Mais il y a dix ou douze jours, qu’aiant une de ces coliques
dont je vous ai parlé, je le fis prier de venir. Il 1 mot biffure étoit alors lui-=
même pris par le pié d’une attaque de goutte; il donna à mon gendre
<1v> pour l’Apoticaire une Ordonnance. Quand j’eus reçu & pris ce qu’elle contenoit,
je vis que c’étoit à peu près les mêmes drogues qu’autrefois, & comme elles
ne firent pas plus d’effet, je les laissai-là. Q Mr Croeser, rétabli de son attaque
de goutte, est aussi tôt venu me voir, c’est-à-dire, hier. Je lui racontai
naturellement les choses, comme elles étoient. Il me dit là-dessus, qu’encore
qu’on eut fait l’expérience d’un reméde, comme utile pour guérir une
certaine maladie, par laquelle on en pouvoit avoir d’autres, il n’y avoit
point de Medecin, qui pût d’abord savoir ce qui convenoit le mieux, cela
dépendant de la diversité des tempéramens, & des causes particuliéres, souvent
inconnuës, qui se joignent à la cause génerale, connuë d’ailleurs; qu’ainsi
il alloit m’en donner un autre, qu’il esperoit qui réussiroit mieux. Il
m’envoia en effet une boette de pilules, à prendre deux fois par jour; &
ce matin je viens d’en prendre la prémiére dose; nous verrons ce qui en
arrivera. Je n’ai point dormi la nuit passée; j’avois bien dormi les deux
précedentes, & la derniére de celles-là pendant huit heures de suite. Cela
me soûtient, & me dédommage un peu de la fatigue des mauvaises nuits.
Au reste, je vous prie de demander aussi à Mr Tronchin, quelle dicta
je dois suivre, de quels alimens, de quelle boisson je dois m’abstenir, sur
tout si l’usage de la Biére ne me seroit pas nuisible &c. Je n’ai
jamais été autant incommodé, que ce mois d’Août; je ne sai si les
grandes chaleurs qu’il a faites, n’y ont pas contribué.

La Vie de Cumberland avoit bien été imprimée à part, avant que
d’être insérée dans la Préface du Livre emprunté de Mr de la Chapelle. Vous
pouvez la voir dans l’endroit que j’ai cité des Mémoires Litter. de la Gr. B.
de Mr de la Roche, que j’ai cité.

Au prémier jour, quand je pourrai, je veux écrire à De Hondt,
pour lui témoigner combien je suis surpris qu’il ne m’aît pas envoié la
dern. Part. de la B. Britann & lui demander en même tems le paiement de
ce qu’il me devra de reste.

Je ne puis pas écrire davantage. Je vous souhaitte, mon cher Mr
une meilleure santé. Mon Gendre en fait de même. Je suis tout à vous

Barbeyrac

Je joins ici l’Errata. La
remarque de Mr Humbert sur p. V. de la préface, Langue, à qui &c pour
Langue, à laquelle &c est bien fondée. Je ne sai comment je n’y pris pas garde changez
donc; s’il vous plaît.
1 ligne biffure

Etendue
intégrale
Citer comme
Barbeyrac, Jean, Lettre à Charles Pacius de la Motte, Groningue, 27 août 1743, cote BPF Ms 295/96. Selon la transcription établie par Meri Päivärinne pour Lumières.Lausanne (Université de Lausanne), url: http://lumieres.unil.ch/fiches/trans/835/, version du 08.08.2016.
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