Transcription

Barbeyrac, Jean, Lettre à Charles Pacius de la Motte, Groningue, 15 octobre 1740

A Groningue ce 15 Octob. 1740.

Il n’y a que trois jours, Mon cher Monsieur, que j’ai reçû vôtre Lettre du 3 de ce mois,
parce qu’elle est venuë, avec la Bibl. Raison. dans un paquet envoié par Mr Smith
à Mr Rossal, par le Batteau du 1 mot biffure Beurtman. J’envoie aujourdhui des Extraits, & je profite de
cette occasion pour vous écrire. Mais ce que vous me dites de la négligence de Mr Smith à vous
avertir à tems, me donne occasion de vous renouveller ce que je vous ai dit plusieurs fois,
c’est que toutes les fois que vous serez de commodité & d’humeur de m’écrire, je vous prie de
le faire hardiment par la poste. Il n’y a point d’argent que je donne avec plus de plaisir. Quand l’oc=
casion se présentera à vous de m’écrire sous couvert, à la bonne heure. Mais autrement je vous prie
encore une fois de ne pas renvoier jusques-là l’effet de vôtre bonne volonté.

J’ai été ravi d’apprendre la vocation de Mr Hemsterhuys à Leide. Les Gazettes l’ont annoncée,
& Mr Smith m’en avoit parlé avant qu’elle fût faite. Je jugeai d’abord, que cette vocation, & celle de Mr
Oudendorp, seroient fort désagréables à celui dont ils doivent remplir la place. Quoi que Mr Oudendorp
n’aît que trop flatté Mr Burman, quand il a eû occasion de parler de lui dans les Editions d’anciens
Auteurs qu’il a publiées, il n’a pû se mettre à couvert de l’indignation que lui a attiré l’audace
qu’il a euë de donner une Edition Variorum de Lucain, quoi que Mr Burman en eût formé le projet il y a
vingt ou trente ans, mais sans se disposer jamais à l’exécution. La Préface de celui-ci sur l’Edi=
tion qu’il a publié cette année avec ses Notes seules, débutte par lâcher des traits forts piquans contre
ce Concurrent, qui avoit été sans son Disciple. Pour ce qui est de Mr Hemsterhuys, je ne sai si vous
avez ouï dire une chose que j’ai apprise depuis peu: Il y a quelques années que, remarquant que
Mr Burman cherchoit l’occasion de le pincer, il lui envoia deux pages, contenant une liste de
fautes qu’il avoit lui-même trouvées dans ses Ecrits, & lui dit en même tems, que ce n’étoit
qu’un échantillon d’un bon nombre d’autres dont il pourroit regaler le Public; qu’ainsi c’étoit
à lui à voir, s’il vouloit qu’il les ramassât & les mît au jour. Par là il imposa silence à cet
esprit mordant. Comme il est d’un caractère tout opposé, il va faire autant d’honneur à l’Uni=
versité de Leide par cet endroit, que par sa grande érudition & son bon goût. Au reste, il est
vrai que j’eus le plaisir de le voir ici chez moi, mais il y a bien onze ou douze ans de cela. Quel=
ques années après, Mr Rossal me dit, que Mr Hemsterhuys avoit été ici quelques jours: si je l’eusse sû
je n’aurois pas manqué de chercher l’occasion de renouveller le plaisir que j’avois eû dans sa con=
versation.

J’envoie aujourdhui, avec deux autres Extraits, celui que j’avois fait des Scaligerana &c n’aiant nulle
pensée que je pusse me trouver là-dessus en concurrence avec Mr de la Chapp. Le Public n’y
perdra rien, puis que l’Extrait de celui-ci paroîtra dans un autre Journal. Si je n’ai pas donné des éloges
aussi pompeux à Mr DesMaizeaux, j’espére néanmoins qu’il sera content de ce que je dis. Comme
Mr Smith m’avoit écrit, qu’il ne pouvoit inserer dans la Partie de la Bibl. qui s’imprime dans la
Bibl. tous les Extraits que j’avois de prêts, j’ai reservé pour une autre fois, selon son choix celui que
j’ai fait du Brunquelli Hist. Jur. Germano Rom. & G. Je suis fâché d’apprendre que les affaires
de Mr de La Chapp. sont en mauvais état: mais il devroit s’aider lui-même.

Mon Neveu prêcha ici deux fois. Il me parut qu’on en étoit content. Je trouvai qu’il
avoit fait des progrès pour la Prédication, & même pour la récitation, quoi qu’il y aît encore beaucoup
à corriger. Ce que l’on vous a dit d’un projet de réunir au Synode Wallon nôtre Eglise Françoise,
n’a aucun fondement. S’il en étoit quelque chose, La Carriére, qui est Ancien, le sauroit sans doute. D’
ailleurs, Mr Jodouin ne s’en soucie pas pas plus, que les autres Ministres en assez grand nombre qu’il y
a eû autrefois ici, & qui, bien loin de chercher cette réunion, la fuioient, pour être maîtres chez
eux. Nos deux Ministres n’ont d’ailleurs nul crédit. Ils sont brouillez ensemble. L’humeur emportée
du vieux, & le peu de prudence du jeune, ne pouvoient que les mettre mal ensemble. Au reste, comp=
ter sur la mort prochaine du prémier, ce seroit compter sans l’hôte. Il se porte à merveille, pour
un homme âgé de 85. ans. Si sa Seconde Femme, qui est encore plus âgée, vient à mourir, je
<1v> gagerois qu’il cherchera à en prendre une troisiéme, & même jeune, s’il la trouve. Il s’est mis
sur le pié, depuis quelques années, de lire ses Sermons, faits depuis trente ou quarante ans. Je crois que,
depuis 23 ans que je suis ici, il n’en a guéres composez de nouveaux. Il y en a beaucoup
que je lui ai entendu faire tous les ans. Ainsi il ne se fatigue en rien. Et toutes ses études
consistent à lire quelque Journal, & des Romans, ou autres Livres de bagatelles. Ses Sermons
sont à la vieille mode, comme vous pouvez croire. Mais au moins on l’entend, il parle assez bien,
& a de l’ordre. Pour son Collégue, il prêche pitoiablement de plus en plus. N’aiant ni génie, ni goût,
il ajoûte à cela une négligence inconcevable à travailler, au moins pour diminuer les imperfections &
de son stile & de sa composition. J’ai quelquefois peine à croire, qu’il écrive ses Sermons. Rien
de plus confus, il n’entend pas sa Langue; ce ne sont que synonimes entassez, que repétitions
continuelles; & quelquefois il se contredit lui-même dans la suite de son discours. Aussi a-t’il
fait déserter bien des gens du païs, qui venoient quelquefois à nôtre Eglise. Il fut assez sot, à ce
qu’on m’a dit, pour aller un jour voir feu Mr le Bourguemaître Gockinga, Magistrat d’un
très-grand mérite, & fort éclairé, en qui j’ai perdu un bon Ami. Et dans la 1 mot biffure conversation il
lui dit demanda, en forme de plainte, la raison pourquoi il ne venoit plus à nôtre Eglise. Ce Magistrat
perdit patience, & lui répondit : J’y viendrai, Monsieur, quand vous prêcherez mieux que vous
ne faites
. Cependant ce Jeune Homme se croit fort habile; & dans la conversation même, où il
veut se mêler de raisonner de tout, il est acariâtre, & ne veut jamais démordre, quoi qu’on lui
fasse toucher au doigt qu’il ne sait ce qu’il dit. Je le rembarre quelquefois: mais comme il
n’y auroit point de fin, pour ne pas me fatiguer, je me suis mis sur le pié de le laisser dire,
& de couper court.

Je reviens à mon Neveu Theremin. J’en ai reçû une Lettre du 15 Septembre, de sa campagne.
Il attendoit le retour du Roi, pour aller à Berlin, où son Pére doit présenter requête à ce
Prince, afin qu’il lui donne son Fils pour adjoint, & qu’il ordonne de lui imposer les mains.
Mon Beau-Frére, qui est Ancien de l’Eglise de Berlin, me disoit, que, si Theremin étoit bon
Prédicateur, il pourroit bien parvenir à une place dans cette Eglise, parce qu’on a peu de bons
Sujets. Il a été quatre ou cinq jours à Berlin. Il m’apprend, que le Roi s’est chargé de faire
élever les Enfans de la derniére Femme de Mr de Beausobre, & qu’il paie leur pension au
Collége François. Ce Prince lit, dit-on, Rollin avec plaisir; & il se divertit quelquefois à faire
des Vers François. Mon Neveu a entendu reciter une Epigramme de sa composition, dont il a oublié
les vers: mais en voici la pensée: Que les Philosophes ne mettent plus en question, si la
Matiére peut penser: la chose est décidée, puis que La Croze a pensé. Pour entendre cela, il faut
savoir que Mr La Croze avoit un corps fort matériel, il étoit grand & gros: grosse tête, gros
ventre. Mr Formey, que mon Neveu a vû, est, dit-il, un second Scarron. Au milieu des
douleurs les plus vives d’un rheumatisme universel, qu’il a gagné à force d’étudier, il rit, badine,
& goguenarde, & fait crever de rire tous les assistans.

Je souhaitte que Mr Coste soit arrivé en bonne santé à Montpellier. L’entreprise d’un si long
voiage à son âge, m’avoit surpris, quoi que j’ignorasse une partie des infirmitez auxquelles vous
m’apprenez qu’il est sujet. Il est à craindre, qu’il ne lui arrive la même chose qu’à sa Femme.

La raison pourquoi je n’ai point donné d’Extrait de la Chronologie de Mr Des Vignoles,
c’est que, par la négligence de mon Beaufrére, je n’ai reçu mon exemplaire que plus d’un an
après qu’il l’eût en main. Et alors, outre les Extraits de la Bibl. Germanique, je vis qu’il y
en avoit cinq ou six de fort longs dans la N. Bibliothéque de la Haie.

Je n’ai point vû le Livre de Mr des Roches sur la Relig. Essentielle &c. Ce n’est pas Mr Chais,
qui en doit donner l’Extrait dans la B. Raisonnée. Mr Smith m’écrivit, il y a quelque tems,
qu’il en avoit reçû deux de fort longs, de la façon de Mr Vernet.

Je n’ai rien trouvé dans le Journal de Paris, au sujet de la Description en cartes de la
Ville, dont j’attends un exemplaire. Je me souviens seulement, qu’on en parla dans la Gazette,
& alors je n’y fis aucune attention, ne prévoiant pas le présent qu’on vouloit m’en faire.

<2r> L’Eté passé, il me vint par la poste d’Amsterdam une Lettre imprimée, & circulaire, signée de
Mr P. Burman, le Professeur de Franeker, & de sa Fiancée Marie Van der Strengh, par laquelle
on me communiquoit leurs 1 mot biffure Fiançailles, dont la prémiére proclamation se devoit faire le Dimanche
suivant. Je répondis à Mr Burman la poste suivante en Latin, & adressai ma Lettre à Amsterdam
simplement, ne sâchant où il logeoit, ni où logeoit sa Fiancée. Je m’informai ensuite, d’un Amsterdamois,
qui a étudié ici deux ou trois ans, & vient d’être reçû Docteur. Il m’apprit, que le Pére de la Fiancée
étoit un riche Maître Charpentier. Ce que vous me dites du sujet, qui a brouillé le Professeur
de Franeker avec celui d’Amst. est fort plaisant. Le dernier auroit-il compté de succeder à son
bon ami le Professeur de Leide? Son Antagoniste d’Utrecht l’a raillé sur les espérances qu’il
dit qu’il formoit là-dessus.

J’ai oublié plus d’une fois de vous parler d’une misérable Traduction en Allemand, de mon
Traité du Jeu, qui a paru cette année à Bréme. Vous jugerez d’abord, combien peu elle doit valoir, quand
vous saurez que le Traducteur est un Allemand, nommé Lustig, qui est ici Organiste de la Grande Eglise,
& qui a autrefois enseigné à ma Fille à jouer du Clavessin. Je me suis souvenu, qu’il y a deux ou
trois ans que ce sot m’écrivit un billet, dans lequel il m’apprenoit son dessein, disant qu’il avoit un
Libraire tout prêt à Bréme, & se vantant d’entreentendre bien le François, & sa propre Langue; après quoi il
me prioit de lui envoier un exemplaire de mon Livre. Je regardai cela comme un projet chimérique, & me
contentai de lui faire rép dire séchement par le porteur du billet, que, s’il vouloit des exemplaires de mon
Livre, il en trouveroit à Amsterdam chez tous les Libraires. Cependant, la derniére fois que la Princesse
fut ici, & le jour même avant son départ, La Sarraz vint chez moi, & 1 mot biffure m’apprit de sa part, que
Lustig lui avoit fait demander la permission de lui présenter une exemplaire de msa Traduction, mais
qu’elle n’avoit pas voulu le recevoir; & j’espére, ajoûtoit-elle en riant, que Mr Barbeyrac n’en sera
pas fâché
. Le jour de l’installation du nouveau Recteur (Mr 1 mot biffure Eck mon Collégue, à qui j’ai cedé cette
dignité, qui me revenoit par tour) comme nous étions à table, je ne sai à quelle occasion 1 mot biffure Mr Offerhauf tira
de sa poche une feuille volante de quelques Nouv. Littéraires qu’on imprime à Breme en Allemand, & y fit
voir en même tems un Article qu’il y avoit sur cette Traduction. Mr Rossal me l’expliqua; & je compris par
là qu’on 1 mot biffure s’y moquoit du Traducteur, & qu’on le représentoit, sans le nommer, comme un homme
qui n’entendoit ni le François, ni sa propre Langue; que les mots étoient bien Allemands, mais que le sens
qu’il leur donnoit n’étoit ni 2 mots biffure du bon usage de la Langue, ni conforme à l’Original; en un mot, on
en parloit comme d’une Traduction inintelligible. D’autres personnes m’ont confirmé ce jugement. Je m’ima=
gine que le Traducteur aura laissé & les Notes, & l’Appendix de la nouvelle Edition.

Encore une autre chose, que j’ai oubliée. Il y a deux ou trois mois que Mr d’Arward me vint
voir, & me porta encore une estocade au sujet de la Traduction des Quaestiones Jur. Publ. de Mr de
Bynkershoek. Il me dit, que cet Ouvrage avoit été très-bien reçû en Flamand; que l’on souhaittoit
toûjours fort de le voir en François, & que l’Auteur, qui ne vouloit point permettre qu’on en imprimât une
Traduction que de ma main, ma prioit de nouveau d’y penser. Je fis d’abord les mêmes difficultez,
que j’avois alleguées à ce Seigneur la prémiére fois; je lui représentai que je voudrois pouvoir le faire
en sa considération; qu’il savoit bien que c’étoit l’unique raison qui m’avoit engagé à traduire le Livre
sur les Ambassadeurs, puis qu’alors je n’avois aucune rélation avec Mr de B. & j’ajoûtai, comme
m’étant survenuë depuis dans la pensée, une autre difficulté, seule capable de m’empêcher d’entre=
prendre un tel travail, c’est que je n’entendois point le Flamand, & qu’il y avoit, comme il est
vrai, bien des faits & des citations, qui demandent la connoissance de la Langue, sans quoi 1 mot biffure n’étoit
pas possible de bien entendre l’Auteur, & par conséquent de le bien traduire; que, si l’on cherchoit, on
trouveroit bien quelque François, qui entendît suffisamment le Flamand, pour contenter l’Auteur &c.
Je ne sai si, après cela, on ne me laissera pas en repos. Mr d’Aduard me dit, qu’il alloit dès ce moment
(car c’étoit un jour de poste) donner avis à Mr de B. de ce que je venois de lui dire.

Il y a 17 jours, je que je recus par la poste franco une Lettre de Mr Le Céne, qui me disoit qu’il
m’adressoit par ce paquet les feuilles de la Version de la Bible de Mr Charles le Céne, jusqu’au commencement
des Proverbes. Je crus bien que le paquet ne venoit pas par la poste, & je m’imaginai qu’il avoit retiré du
Batteau sa Lettre, pour me la faire parvenir plûtôt. Effectivement je reçus le paquet il y a quatre jours,
par un Batelier, qui ne demanda rien pour le port. Mr Le Céne me prie, dans sa Lettre, d’examiner
l’Ouvrage, d’y faire mes remarques, & de lui fournir une Préface. Il semble même supposer, que j’y
mettrai mon nom. Vous jugez bien, que, si je croiois pouvoir m’y engager, je n’aurois garde de le faire,
<2v> & que j’exigerois le secret. Mais avec tout cela je ne pourrois que craindre que la chose ne fût éventée
du moins assez pour qu’on en eût de forts soupçons, qui dans l’esprit de bien des gens deviennent des démons=
trations. Or pourquoi m’irois-je exposer à cela sans nécessité? quand même on ne feroit que dire que
je me mêle de ce qui n’est pas de mon mêtier, & que je devois laisser cette tâche à quelque Théologien.
D’ailleurs, à vous dire le vrai, quelque estime que j’aie pour le Traducteur, quelque louable que je trouve
son zéle, je ne saurois tout-à-fait approuver la maniére dont il s’y est pris. Il y a près de quatre
ans, qu’étant à Berlin, j’eus occasion de lire le Projet de cette nouvelle Version. Je jugeai par là dès
lors qu’elle seroit de beaucoup trop libre & trop hardie. J’ai vû depuis, que Mr LeClerc, en donnant
l’Extrait de ce Projet dans sa B. A. & Mod. Tom. XVII. quelque désir qu’il témoigne de ménager l’Auteur,
fait assez sentir que sa Version seroit souvent une Paraphrase, plûtôt qu’une Version. La Bible n’est
pas comme d’autres Livres, dans la traduction desquels on peut donner carriére à son esprit; cela même
que chacun a droit de donner aux Passages obscurs & contestez le sens qui lui paroît le plus rai=
sonnable, fait qu’on ne doit pas mettre dans le Texte ses propres idées; on se fait accuser par là
de les vouloir imposer aux autres. Il y a d’ailleurs des Hébraïsmes consacrez par l’usage, & dont le
sens est assez connu par là. Je crains fort que la liberté excessive, que Mr Le Céne s’est donnée, ne
soit desapprouvée des personnes éclairées les plus équitables 1 mot biffure les plus dégagées d’une prévention de
Secte. Pour ce qui est de la Préface, que Mr Le Céne, son Fils, veut faire mettre à la tête, voici de
quelle maniére je crois qu’il doit la faire tourner. Il suffit, à mon avis, pour ce qui est du plan
que le Traducteur s’est fait, de renvoier les Lecteurs au Projet, qui reparoît ici augmenté. Du reste,
point de panégyrique, point d’apologie. Il faut se contenter 1.ò. De dire quelque chose sur la
nécessité d’une meilleure Version de la Bible, que celles qu’on avoit en François; nécessité aujourdhui
diminuée à l’égard du N. T. par les Versions de Mrs Le Clerc, Beausobre & Lenfant, & par la nouvelle de Genéve, qui
ont paru depuis la mort de Mr Le Céne. 2.ò. Sur le droit que chacun a, selon les principes des
Protestans, d’expliquer l’Ecriture selon ses lumiéres, & de les communiquer aux autres, moiennant qu’il
aît les secours nécessaires pour l’entreprendre. 3.ò. Sur la capacité & la bonne volonté de Mr Le
Céne, qui avoit emploié la meilleure partie de sa vie à préparer les matériaux pour un tel Ouvrage,
& à les mettre en oeuvre. 4.ò. Après cela, il faut laisser aux Lecteurs la liberté de juger du
mérite de cette Version, & de l’usage qu’ils en peuvent faire; en les avertissant d’être
modestes & reservez dans leurs Jugemens &c. Pour revenir à la Version, il auroit fallu au
moins, en une infinité d’endroits où elle s’éloigne si fort de la lettre du Texte Hébreu, & des
Versions ordinaires, mettre en marge ce que l’Original porte mot-à-mot; & il auroit encore mieux
vallu de faire cela dans de petites Notes, où le Traducteur eût rendu raison en peu de mots du
sens qu’il a suivi; comme d’autres ont fait dans leurs Traductions du N. T. La retenuë de ces
Traducteurs de fera un contraste avec la grande liberté que se donne le nouveau. Et si avec
tout cela ils n’ont pû éviter les clameurs des Zélateurs, que sera-ce quand ils verront la Version
de Mr Le Céne? Il se trouvera peut-être quelque autre Gousset, qui se déchaînera avec fureur, &
qui préviendra les esprits foibles, pour en leur inspirant de la défiance & de la haine pour le tra
nouveau Traducteur, comme un homme qui étoit suspect d’hétérodoxie en France même, & qui
se rangea depuis ouvertement à la Société des Arminiens.

Je suis las d’écrire, & vous pouvez bien le croire, voiant une si longue Lettre; outre qu’il faut aller
dîner, pour envoier ensuite mon paquet à la poste. Ainsi je vous prie de faire mes excuses à
Mr Le Céne, de ce que je ne lui écris pas à lui-même, comme j’en avois dessein; en quoi néanmoins
je l’aurois seulement renvoié, sur sa demande, à ce que je devois vous dire ici. Vous aurez la
bonté de lui en communiquer ce que vous jugerez à propos, & de la maniére que vous le trouverez
bon.

Je vous souhaitte une bonne santé. Ma fille & mon Gendre en font de même. Je suis
toûjours, Mon cher Monsieur

Tout à vous

Barbeyrac

Note

  Public

NB: Les mots surlignés en jaune devront encore être revus et corrigés sur la base de nouvelles reproductions de meilleure qualité

Etendue
intégrale
Citer comme
Barbeyrac, Jean, Lettre à Charles Pacius de la Motte, Groningue, 15 octobre 1740, cote BPF Ms 295/86. Selon la transcription établie par Meri Päivärinne pour Lumières.Lausanne (Université de Lausanne), url: http://lumieres.unil.ch/fiches/trans/824/, version du 05.08.2016.
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