Transcription

Barbeyrac, Jean, Lettre à Charles Pacius de la Motte, Groningue, 17 juin 1730

A Groningue ce 17 Juin 1730.

Je vous écris aujourdhui, Mon cher Monsieur, sous couvert de Waesberge, à qui j’envoie
l’Avis à joindre au Tr. du Juge Compet. En jettant les yeux sur les feuilles, que j’ai de cette
nouvelle Edition, je me suis apperçu d’une chose à quoi je n’avois pas pris garde l’année
passée, parce que j’étois malade dans le tems que je reçus les derniéres, c’est que les Imprimeurs
avoient oublié le petit Errata, que j’avois envoyé avec l’Avertissement. Ainsi j’ai profité
de l’occasion, pour le remettre dans le nouvel Avis, comme aussi pour marquer l’origine
de la bevuë d’un Auteur Allemand, qui a attribué à Mr Noodt une Dissertation, qui n’est
nullement de lui. C’est Mr Rumpf qui me manda de Francfort le titre de cette Dissertation,
où est le nom de l’Auteur véritable. Au reste, je pourrai bien donner un Article sur cette
nouvelle Edition de Wicquefort &c. mais il faut pour cela que j’aie l’exempl. relié que
Waesbergue doit me donner de l’ouvrage entier, avec quelques autres du Juge comp. à part.
Je ne croiois pas qu’il l’eût déja exposé en vente. Je vous prie de l’en faire souvenir, quand
on aura imprimé le nouvel Avis. Je ne puis pas non plus présentement vous envoier,
par la même raison, une Article de nouvelle litteraire à inserer dans le Journal des
Savans
, car je ne sais ce que contient le Wicquefort, outre les Mémoires. Au reste, des
feuilles de ces Mémoires, que vous m’avez envoiées, il me manque la feuille 1 mot biffure
Cc. & celles qui sont après Dd, que je reçûs avec Bb.

Dans le paquet, que j’ai reçu d’Humbert, il a encore oublié le livre de Mr Otto,
De Jurisprud. Symbolica
, que vous lui aviez, je crois, demandé l’autre fois. Vous n’avez
pas pensé apparemment à me faire envoier le Chillingworth, dont je crois vous avoir parlé,
& que je serai bien aise d’avoir, au défaut de l’Original. J’apprens que De Coup a
enfin publié 1723. de l’Hist. de l’Acad. je vous prie d’en prendre chez lui un exempl.
relié, comme sont tous les autres. Je vous remercie des Mém. de Du Gué Trouin. Ils
paroissent véritables, & de la main de l’Auteur. Je suis bien aise qu’on rimprime
actuellement l’Hist. de l’Acad. des Belles Lettres. La Critique désinteressée des Journaux,
paroît être de quelques Catholiques Romains, qui n’ont ni stile, ni savoir, & qui veu=
lent faire les capables. Je doute fort, comme vous, que leur Journal continuë long tems.

Je vois par l’Apologie de Mati, qu’il n’a pas été dépouillé de son Emploi, mais
qu’il l’a abandonné, comprenant bien qu’on le lui ôteroit, comme sans doute il
n’auroit pas manqué. Ces Mrs les Ministres de La Haie ne doivent pas être fort aises
de ce qu’il publie de leurs conversations, & qui paroît assez sincére. Mais il auroit pû
s’épargner les chagrins qu’il s’attire par un zéle fort inutile, pour un Systême qui
après tout ne léve pas toutes les difficultez, quand les preuves en seroient bien
convaincantes.

La visite, que vous avez euë de Mr Saurin étoit sans doute en grande partie
pour tâcher de vous parler de ses affaires; car il me semble qu’il y a fort long tems
<1v> qu’il ne vous avoit fait cet honneur. Je souhaitte que son affaire avec le Synode se
termine à l’amiable.

Je garderai le Simson. C’est un fort bon livre, & les petites Notes de Mr Wesseling y
donnent un grand relief. Il m’auroit quelquefois épargné de la peine, si je l’avois eu
plûtôt, & il me servira, quand je relirai ce qui’l y a de fait de mon Ouvrage. J’en
ai montré les feuilles à Wetstein, qui partit d’ici Mardi passé, & que je n’ai vû que comme
en courant. Je lui ai fait comprendre, qu'il étoit inutile de me presser, puis que
j'avois fait & je faisois toute la diligence possible, au risque même de m’incommoder
quelquefois. Je l’ai été un peu, & il faudra me ménager pendant les chaleurs. J’ai
d’ailleurs ma Femme toûjours languissante, ce qui ne peut que m’inquiéter. Au
reste Wetstein a pris la note du Zonaras, qu’il m’a promis de pre me prêter, parce
que j’en ai besoin; aussi bien que ceux des volumes de l’Hist. Byzantine qui ne se trouve=
ront pas ici dans la Bibliothéque publique, où il en manque quelques-uns. Mais comme
il y en a un assez grand nombre, peut-être n’aurai-je besoin d’aucun autre. Il ne
m’a point apporté les feuilles du Thucydide, comme vous me l’aviez dit, & je ne lui en
ai point parlé. Je crois que cela ne presse nullement, parce que ce sera seulement dans
la revision de mon Ms. que j’aurai à faire de cette Edition. Il m’a dit, que
les Annales de Dodwell étoient déja imprimées.

Je souhaitte que vôtre santé soit entiérement rétablie, & je l’espére, vû le beau tems
qui a commencé. Je suis, mon cher Monsieur, Tout à vous

Barbeyrac

J’oubliois de vous dire, que j’ai reçû une Lettre de Mr
Turrettin, qui s’excuse de son long silence sur les attaques
terribles & presque continuelles qu’il a de son asthme. Il m’apprend
quelques Nouv. litteraires. La nouvelle Edit. de l’Hist. de Genéve par
Spon, en 2. voll. 4o. avec beaucoup de Notes & des piéces justificatives ajoûtées, est achevée depuis très-=
long tems, mais quelques Cartes, qui ne sont pas achevées, en retardent la
publication. On verra bien tôt paroître un Livre posthume de l’Evêque de
Meaux, dont l’Evêque de Troyes, son Neveu, a fait mention dans son Mandement contre
l’Office de Gregoire VII. Defensio Declarationis celeberriae Cleri Gallicani de Potestate
Ecclesiastica, anni 1682
Lucemburgi 1730. 2. voll. 4o. La matiére y est, dit-on, traitée à
fond, & de main de maître. On a publié quelques Satyres pleines d’esprit contre l’Evêque
de Soissons, au sujet de la Vie de Marie Alacoque; sous ce titre: Traduction d’un Bref de
N. S. P. Benoît XIII. &c. & Projet de Bulle pour la Beatification de M. Alacoque.
A Nanci 1730. L’impression des Oeuvres de Launoi est fort avancée; aussi bien que
la Traduction libre que fait Mr Vernet des Diss. de M. Turrettin sur la Ver. de
la Relig. Chrétienne. L’Auteur est fort content & de la Version, & de ce que le Traducteur
y ajoûte du sien. Mr Wetstein, l’Auteur des Prolégomènes, a eu, à l’occasion de cette Ed. du N.
T. un terrible procès, où l’on a rappellé en même tems quantité des choses heterodoxes qu’on prétend
qu’il a enseignées dans des Leçons particuliéres, depuis 10. ou 12. ans. Il a nié les faits, & offert de
souscrire à la Confession Helvétique. Nonobstant cela, on lui a ôté sa place de Ministre d’une
des Eglises de Bâle. L’affaire a été poussée avec une chaleur inconcevable.

Etendue
intégrale
Citer comme
Barbeyrac, Jean, Lettre à Charles Pacius de la Motte, Groningue, 17 juin 1730, cote BPF Ms 295/70. Selon la transcription établie par Meri Päivärinne pour Lumières.Lausanne (Université de Lausanne), url: http://lumieres.unil.ch/fiches/trans/806/, version du 11.07.2016.
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